Perspectives

La violence policière et le goulag américain

Au cours des dernières semaines, il y a eu une prolifération d’attaques violentes et souvent fatales par la police dans les villes des États-Unis.

*Le mois dernier, l’équipe d’intervention spéciale de la police d’Atlanta a blessé un bambin d’un an en lançant une grenade assourdissante dans une maison aux petites heures du matin dans le cadre d’un assaut visant à l’arrestation avec mandat. La police était intervenue sans aucun avertissement. Le bambin est toujours dans un coma artificiel et se bat pour sa vie. De telles arrestations avec mandat, où la police ne frappe pas à la porte avant de procéder à l’arrestation, deviennent de plus en plus fréquentes. La police a effectué 50.000 assauts de ce genre en 2005 comparativement à 3000 en 1981. L’Union américaine pour les libertés civiques (ACLU) estime qu’il y a entre 70.000 et 80.000 assauts chaque année aux États-Unis dans lesquelles la police ne s’annonce pas avant d'intervenir.

*Le 29 mai, le bureau des enquêtes médicales d’Albuquerque a divulgué le rapport d’autopsie de James Boyd, le sans-abri de 38 ans qui a été tué par la police le 16 mars. Le rapport confirme qu’il s’est fait tiré dans le dos. Depuis l’incident, la police d’Albuquerque a été l'auteure de deux autres fusillades mortelles. Le département de police d’Albuquerque a été responsable de 25 morts par balle depuis 2010, selon le département de la Justice des États-Unis.

*Le 20 mai, trois policiers de Salinas en Californie ont tiré plus de cinq coups à bout portant en direction d’un travailleur agricole migrant, Carlos Mejia, le tuant tandis qu’il reculait en s’éloignant d’eux.

*Le 11 mai, cinq policiers de la patrouille routière de la Californie travaillant dans l’Imperial County ont battu à mort Tommy Yancy, un vétéran de guerre souffrant du syndrome de stress post-traumatique, suite à un contrôle routier de routine.

*Le 27 avril, Jason Conoscenti, âgé de 36 ans, a été tué par balle à Long Beach en Californie au moment où il tentait de fuir les policiers.

* Il y a près de deux semaines, un grand jury a condamné un policier de Cleveland sur des accusations d’homicide involontaire, pour la mort, qui s’apparentait à une exécution, de deux occupants non armés d’un véhicule immobilisé après à une poursuite. Le policier «a tiré au moins 15 coups… vers le bas, à travers le pare-brise et à bout portant alors qu’il était debout sur le capot» de la voiture des victimes, selon le procureur fédéral.

Selon les statistiques officielles, la police commet, en moyenne, entre un et deux «homicides justifiables» chaque jour aux États-Unis.

La semaine dernière, la Cour suprême a offert un cadre juridique pour la justification de telles attaques meurtrières. La décision a défendu «l’immunité» pour trois policiers de l’Arkansas qui ont tiré quinze coups en direction d’un motard en fuite et de son passager. Les deux personnes avaient été tuées.

La prévalence des attaques violentes par la police aux États-Unis n’a rien d’accidentel. Elle va de pair avec un système vaste et complexe de prisons qui n’a pas d’égal dans le monde.

Le mois dernier, le Conseil national de recherche a publié un rapport de 440 pages intitulé: «La croissance de l’incarcération aux États-Unis» qui fait état d’une augmentation marquée de la population carcérale aux États-Unis. Depuis 1980, la part de la population américaine en prison a triplé. Aux États-Unis, un homme qui abandonne ses études au secondaire est presque plus sûr d’aller en prison que de ne pas y aller. Deux tiers des décrocheurs noirs nés vers la fin des années 1970 ont passé du temps derrière les barreaux avant qu’ils aient atteint la mi-trentaine.

Environ un quart de tous les prisonniers à travers le monde sont incarcérés dans des prisons américaines, malgré le fait que la population des États-Unis ne représente que 5 pour cent de toute la population mondiale. La part d’Américains en prison est de 50 pour cent plus élevée que le deuxième pire pays: la Russie.

Les conditions dans les prisons américaines sont particulièrement horribles pour les personnes atteintes de maladies mentales et pour les handicapés. Ceux-ci sont de plus en plus entassés dans le système carcéral en expansion des États-Unis pendant que le financement pour l’aide aux soins psychologiques est coupé.

En mai, un ancien employé de l’institution correctionnelle de Dade près de Miami a déposé une plainte contre le département de la Justice en affirmant que les gardiens de prison ont fait de l’abus des prisonniers souffrant de maladie mentale un «sport». Il a dit qu’ils «ridiculisent, tourmentent, agressent, battent et torturent sur une base régulière les prisonniers qui sont atteints de maladie mentale.»

Le plus horrible de ces incidents est le meurtre de Darren Rainey, un prisonnier atteint d’une maladie mentale qui est mort le 23 juin 2012 après avoir été forcé de prendre une douche brûlante pendant plus d’une heure. Les gardes avaient fait de la douche une chambre de torture en brisant les poignées à l'intérieur de la douche et en contrôlant le jet d'eau à partir d’une valve à l’extérieur de la douche. Personne n’a été tenu responsable de sa mort et son autopsie n’a pas été divulguée.

Mais le parfait symbole de la barbarie du «système de justice» américain est l’utilisation de la peine de mort, qui est toujours en vigueur. La cruauté de cette pratique fut illustrée par l’exécution de Clayton Lockett le 29 avril, qui a été le sujet d’une agonie de près de 45 minutes avant de mourir d’une crise cardiaque. Lockett est le dernier d’une longue liste d’exécutions «bâclées» dans lesquelles des mélanges de drogues non testés et de source inconnue sont utilisés.

La violence d’État a toujours été une caractéristique de l’ordre capitaliste aux États-Unis, incluant le massacre de travailleurs en grève, la brutalité à l’endroit des Afro-américains dans le sud sous les lois Jim Crow et la répression et l’intimidation exercées régulièrement par la police contre la classe ouvrière, les jeunes et les minorités ethniques. La violence policière a été un facteur qui a précipité des soulèvements sociaux de masse à travers l’histoire américaine, dont les soulèvements dans les ghettos dans les années 1960.

Cette violence a été exacerbée par l’éclatement de la crise économique en 2008. La violence policière a augmenté, d'un côté, avec la concentration de plus en plus grande de la richesse au sommet de la société, et de l’autre, avec la croissance du chômage, de la faim et de l’itinérance. Elle a aussi augmenté de pair avec l’éruption du militarisme américain internationalement.

La réalité de la violence d’État et de la répression aux États-Unis tourne en dérision les paroles de Washington qui prétend être un fleuron de la démocratie et des droits de l’homme à travers le monde. En fait, plusieurs des tactiques utilisées par la police contre la population américaine ont été développées dans le cadre de guerres coloniales menées par les États-Unis. Aussi, les services de police sont de plus en plus militarisés et armés de véhicules blindés, d’hélicoptères d’attaques, de drones et d’autres engins du même type.

L’augmentation de la violence policière prend place simultanément avec l’attaque plus générale sur les droits démocratiques, incluant l’espionnage domestique, la détention pour des durées indéterminées, les assassinats par drone et l’élimination des restrictions qui restent sur l'influence de l’argent dans la politique.

Le système de «justice» des États-Unis traite les pauvres et les défavorisés sans aucun remord. D’un côté, il remplit les prisons de gens qui ont commis les délits les plus mineurs et, de l’autre, il donne l'immunité aux banquiers qui ont plombé l’économie et aux PDG de compagnies énergétiques dont les violations des réglementations ont mené à la mort de travailleurs.

Le système américain de répression et de violence par l’État n’est pas un accident ou une imperfection dans un système qui, autrement, se porte bien. Il reflète le caractère fondamentalement brutal et violent du système capitaliste basé sur l’exploitation de la classe ouvrière. La seule façon de mettre fin à ce goulag américain est de mettre un terme au capitalisme.

(Article original paru le 4 juin 2014)

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