Obama en tournée européenne pour une semaine de réunions ciblant la Russie

Le président Barack Obama a quitté Washington lundi soir pour un déplacement de quatre jours en Europe où il cherchera à intensifier la campagne menée contre la Russie, qui a débuté en février avec le coup d’Etat mené par les fascistes en Ukraine et soutenu par les Etats-Unis. Ce voyage comprendra une première réunion en face à face avec Petro O. Porochenko, l’oligarque milliardaire qui sera investi président d’Ukraine le 7 juin.

A Varsovie, Obama rencontrera mardi le président polonais Bronislaw Komorowski et le premier ministre Donald Tusk, puis un groupe de responsables d’Europe de l’Est, dont des représentants de Bulgarie, de Croatie, de la République tchèque, d’Estonie, de Hongrie, de Lettonie, de Lituanie, de Roumanie et de Slovaquie. Le lendemain il discutera en tête-à-tête avec Porochenko.

Le président américain rencontrera aussi des aviateurs américains déployés sur une base aérienne polonaise et il tiendra un discours public pour marquer le 25ème anniversaire de la tenue des premières élections après l’effondrement du régime stalinien en Pologne.

Des reportages suggèrent qu’Obama et Porochenko discuteront d’une aide militaire directe des Etats-Unis pour aider le régime de Kiev dans sa campagne de répression des groupes d’opposition en Ukraine orientale, peuplée en grande majorité de russophones hostiles aux nationalistes d’extrême-droite ukrainiens qui contrôlent actuellement le gouvernement du pays.

Jusqu’à présent Washington a limité son aide à l'envoi de fournitures « non létales », dont des rations de combat mais il pourrait bien profiter de l’élection présidentielle du 25 mai, qui a été largement boycottée dans le tiers oriental du pays, comme d'un prétexte pour intensifier son intervention dans la crise ukrainienne en livrant des armes et des munitions et en assurant une formation militaire.

Derek Chollet, assistant à la sécurité internationale du secrétaire américain à la Défense, se trouvait à Kiev lundi pour rencontrer de hauts responsables ukrainiens. Sa tâche est de dresser une liste détaillée de desiderata pour l’armée ukrainienne à présenter pour approbation à Obama lors de la réunion de mercredi avec Porochenko.

Ben Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité nationale d’Obama a dit aux médias, « Nous avons une grande admiration pour la population de l'Ukraine qui s'est déplacée en grand nombre pour élire le nouveau président Porochenko. Nous avons admiré son engagement à poursuivre le dialogue et à vouloir réduire les tensions et à engager l’Ukraine sur une voie positive. »

Le « dialogue » poursuivi par Porochenko implique le recours à des véhicules blindés, à des obus d’artillerie et à un bombardement aérien pour « réduire les tensions » avec la population de l'Ukraine orientale en en tuant autant que possible. Ainsi dans la ville de Slaviansk, bastion de l’opposition au régime droitier de Kiev, les forces du gouvernement ukrainien ont touché des quartiers résidentiels par des tirs de mortiers et d’obus à l’aveugle, actions qui constituent des crimes de guerre en vertu du droit international.

Les combats ont repris dans le quartier de Lougansk, la partie la plus à l'Est du pays, tandis que 500 insurgés attaquaient des forces pro-Kiev le long de la frontière avec la Russie. Un porte-parole du président par intérim Oleksandr Turchynov a affirmé que les gardes-frontières ukrainiens ont été attaqués par des séparatistes cherchant à ouvrir la frontière pour obtenir des approvisionnements et des renforts.

Un porte-parole des militants pro-russes a dit qu’ils ne se battaient pas contre les troupes stationnées à la frontière mais au contraire contre des gardes nationaux ukrainiens qui sont majoritairement composés de nervis néonazis de Secteur droit et du parti Svoboda (Liberté). Des rapports émanant de part et d’autre des deux camps ont décrit de lourds combats et de lourdes pertes humaines.

Le voyage d’Obama en Europe se poursuivra par une réunion avec le Groupe des Sept, les chefs d’Etat des Etats-Unis, du Canada, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de France, d’Italie et du Japon et qui se tiendra mercredi soir et jeudi à Bruxelles. Le G7 a été recomposé de façon à exclure la Russie qui devait accueillir ce mois-ci à Sotchi sur la Mer noire la réunion au sommet du G8.

Les Etats-Unis se serviront de la réunion du G7 pour faire pression sur leurs alliés européens qui ont rechigné à imposer d’amples sanctions économiques contre la Russie en raison des conséquences pour leur propre économie. L’Allemagne, par exemple, dépend de la Russie pour un tiers de son approvisionnement énergétique, tandis que la Grande-Bretagne est tributaire de l’afflux du capital des milliardaires russes pour étayer les marchés financiers de Londres.

Un objectif américain majeur de la réunion du G7 est de relancer une atmosphère de confrontation après que Moscou a réagi au vote de l’élection présidentielle du 25 mai en Ukraine en faisant d’importantes concessions, comme reconnaître Porochenko en tant que président élu, rappeler tous les soldats russes de la frontière ukrainienne et proposer de meilleures conditions à l’Ukraine dans les négociations sur les exportations de gaz russe. Un « haut responsable du gouvernement Obama » a confié au New York Times : « Ce que nous voulons éviter c’est que tout le monde pousse un grand soupir en disant 'l’élection s’est bien passée, maintenant on en a fini avec ça '. »

Susan Rice, la conseillère à la sécurité nationale, qui s’exprimait dimanche sur la chaîne ABC lors de l’émission « This Week » a vanté le rôle joué par les Etats-Unis pour attiser les tensions à propos de l’Ukraine. « Les Etats-Unis, en collaboration avec leurs partenaires européens, se sont mobilisés pour isoler et faire pression sur la Russie pour ses activités en Ukraine, » a-t-elle dit. « C’est le type de direction que seule la plus grande puissance du monde peut mettre à profit. »

Le régime de Poutine cherchera à anticiper ce front belliqueux par de nouvelles manœuvres diplomatiques au Conseil de sécurité des Nations unies. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov a dit que la Russie présenterait lundi une résolution pour demander l’arrêt des violences et la création de couloirs en Ukraine orientale permettant aux civils de quitter les zones de combat.

Il s’est plaint de ce que les puissances occidentales avaient garanti à Moscou que les élections présidentielles du 25 mai prépareraient le terrain à une évolution pacifique mais que « c’est exactement le contraire qui se passe. » Il a poursuivi en disant : « Des gens meurent tous les jours. Des civils pacifiques souffrent de plus en plus : l’armée, l’aviation militaire et des armements lourds continuent d’être utilisés contre eux. »

Obama, Poutine, le premier ministre britannique, David Cameron, et le président français François Hollande participeront vendredi à une cérémonie de commémoration du 70ème anniversaire du débarquement en Normandie de la Deuxième Guerre mondiale. Cameron et Hollande ont tous deux prévu des discussions avec Poutine durant sa visite, mais la Maison Blanche a dit qu’une réunion au sommet Etats-Unis/Russie n’était pas envisagée. »

La commémoration du débarquement est une occasion délicate pour les puissances impérialistes étant donné qu’en 1944 ils étaient alliés à l’Union soviétique contre l’Allemagne nazie, tandis que 70 ans plus tard, ils sont alliés à des éléments néonazis en Ukraine, dans le cadre d’une campagne d’encerclement et de déstabilisation de la Russie,.

En juin 1944, alors que les troupes américaines, britanniques et canadiennes prenaient d’assaut les plages de Normandie, les troupes soviétiques déblayaient les derniers bastions nazis en Ukraine, en prenant Odessa en avril ; en capturant Sébastopol, principal port de Crimée en mai après un long siège ; et en lançant en juin une nouvelle offensive en Biélorussie. Parallèlement, les forces nationalistes ukrainiennes pro-Hitler, ancêtres politiques de Secteur droit et de Svoboda, étaient occupées à exterminer ce qui restait de la population polonaise de souche en Galicie orientale et en Volhynie (ce qui est l’Ukraine occidentale d'aujourd'hui) sous la protection de la Wehrmacht qui battait en retraite.

(Article original paru le 3 juin 2014)

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