L'ex-président français Nicolas Sarkozy nie les accusations de trafic d'influence

Après avoir été placé en garde-à-vue et mis en examen pour corruption et trafic d'influence, l'ex-président Nicolas Sarkozy a accordé un entretien à la radio Europe1 et à la chaîne de télévision TF1 mercredi, niant ces accusations et s'attaquant à la justice française qui ferait de « l'instrumentalisation politique ». 

Jeudi 3 juillet, Sarkozy a passé 15 heures en garde-à-vue avant d'être interrogé par deux juges tôt le mercredi matin. Il a été mis en examen pour des accusations qui comprennent la violation des procédures judiciaires, la corruption active et le trafic d'influence. 

Les enquêteurs affirment que Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, auraient proposé de manière illégale à un magistrat de la plus haute juridiction française, Gilbert Azibert, de l'aider à obtenir un poste prestigieux à Monaco, en échange d'informations confidentielles sur des enquêtes en cours sur le financement de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007. 

Apparaissant pour la première fois depuis sa défaite aux élections présidentielles de 2012 contre le candidat du Parti socialiste (PS) François Hollande pour un entretien à une heure de grande écoute, Sarkozy a dénoncé son placement en garde-à-vue en disant, « Je suis profondément choqué de ce qui s'est passé. » 

« Jamais aucun responsable politique n'a été autant examiné par magistrats et policiers, » a-t-il dit. 

Attaquant le système judiciaire et le gouvernement PS, il a qualifié ces accusations de « grotesques » et affirmé qu'elles font partie d'une campagne à but politique pour l'humilier. « Dans notre pays, qui est le pays des droits de l'Homme et de l'Etat de droit, il y a des choses qui sont en train d'être organisées, » a-t-il dit. « Les Français doivent les connaître et, en leur conscience et en toute liberté, doivent juger de ce qu'il en est. » 

Sarkozy a également remis en question la légalité de l'importante opération d'écoute téléphonique de ses communications privées – son gouvernement, comme celui du PS à présent, a mené de telles opérations contre les français et la population du monde entier – en demandant : « Est-il normal que je sois écouté dans mes conversations les plus intimes ? »

Sarkozy a nié toute infraction à la loi. « Jamais je n'ai commis un acte contraire aux principes républicains ou à l'Etat de droit, » a-t-il dit, affirmant qu'il n'avait « jamais trahi la confiance » des Français. 

Nonobstant la tentative de Sarkozy de gagner la sympathie du public, une grande partie de la population a conclu que ces accusations de corruption contre Sarkozy étaient crédibles et qu'il n'était pas persécuté politiquement. D'après un sondage BVA pour Le Parisien, « 63 pour cent des Français pensent qu'il est traité comme n'importe quel citoyen. » 

Le scandale de corruption qui vise Sarkozy souligne le large discrédit de l'élite politique française. Au-delà de la question de savoir si Sarkozy est corrompu, des divisions profondes émergent dans les cercles dirigeants sur la manière de gérer la colère populaire montante contre la politique d'austérité et les guerres impérialistes du PS et l'influence croissante du Front national néo-fasciste. 

Si le PS est impopulaire, le parti d'opposition de Sarkozy, l’UMP, (Union pour un mouvement populaire), est incapable d'en bénéficier, car il est déchiré par les scandales et les conflits de factions. Comme l'a fait savoir Le Monde, « À l'UMP, beaucoup d'élus locaux, députés, maires ou responsables de fédérations, parfois en poste depuis très longtemps, sont exaspérés d'être régulièrement pris à partie par leurs électeurs sur les affaires de leur parti, les irrégularités financières supposées, les prêts secrets. » 

« L'UMP est dans une situation critique à cause des affaires de ces derniers mois, » a déclaré le maire de Conflans St-Honorine Laurent Brosse. « Beaucoup de gens avaient adhéré grâce à Nicolas Sarkozy car il avait su donner une impulsion. Il peut y avoir une forme de lassitude aujourd'hui. » 

Dans les cercles dirigeants, il y a une inquiétude profonde concernant le discrédit de l'Etat. Des juges, des politiciens PS et une partie des médias dénoncent Sarkozy parce qu'il a tenté de discréditer l'autorité judiciaire en se plaignant de l'espionnage dont il a été l’objet. Françoise Martres, dirigeante du Syndicat de la magistrature a critiqué les remarques qu'a fait Sarkozy sur Europe 1 « Qui politise la justice ? Est-ce que c'est les juges d'instruction qui essayent de faire leur travail sereinement ou est-ce que c'est les personnes qui s'en prennent à la justice pour tenter de jeter le discrédit sur elle ? » 

Le gouvernement PS a soutenu les poursuites contre Sarkozy et dénoncé sa défense. Le Premier ministre Manuel Valls a déclaré, « Cette situation est grave, les faits sont graves […] Et puis cela concerne des magistrats, de hauts magistrats, un avocat, un ancien président de la République. Mais moi, comme chef du gouvernement, je dois m'en tenir au respect des principes d'indépendance de la justice et de présomption d'innocence. » 

Il a ajouté, « ce sont des juges d'instruction, ce sont des juges indépendants. Ce n'est pas le pouvoir qui demande à ces juges de faire des enquêtes, ils agissent et exercent leur fonction de manière indépendante. Si à chaque fois, sur chaque affaire, sur chaque dossier, que cela concerne ou non des politiques, il y a ce type de polémique, on sape les fondements même de l'Etat de droit. » 

L'affaire Sarkozy porte un nouveau coup au prestige de la fonction présidentielle, qui est l'institution centrale de la Cinquième république française. Son prédécesseur, l'ex-président Jacques Chirac, a été condamné pour corruption en matière financière en 2011, et Hollande est maintenant le chef d'Etat français le plus impopulaire depuis la seconde guerre mondiale et l'effondrement du régime fasciste du maréchal Philippe Pétain. 

Ce qui se dessine, comme l'admettent même les commentateurs bourgeois les plus perspicaces, c'est une crise de la domination de classe en France.

« Il y a un sentiment que la cinquième République s'est épuisée d'elle-même, » a déclaré Christophe Barbier, rédacteur en chef du magazine l'Express au New York Times. « Les choses ne peuvent pas continuer comme cela, » a-t-il ajouté en prédisant « un effondrement énorme » du système politique français. 

« En France, on ne change le système que lorsqu'il y a une révolution ou une guerre, a-t-il ajouté. 

(Article original paru le 5 juillet 2014)

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