Le syndicat GDL met fin à la grève des conducteurs de train

Samedi 8 novembre, le Syndicat des conducteurs de trains (GDL– Gewerkschaft der Lokführer) a mis un terme à la grève qu’il menait contre la société nationale des chemins de fer allemands Deutsche Bahn (DB), coupant court à une action qui devait initialement durer cinq jours. Le GDL a tout arrêté alors même qu’un tribunal de Francfort venait de lui donner raison en rejetant la plainte déposée par la DB dans le but de faire stopper la grève.

Le dirigeant du GDL, Claus Weselsky, a qualifié la décision du syndicat de « geste de réconciliation ». Le syndicat qui avait subi de virulentes attaques de la part de tous les partis politiques y compris du parti La Gauche, a mis un terme à la grève un jour et demi avant sa fin, permettant au gouvernement de tenir les cérémonies officielles de la chute du Mur de Berlin sans aucune perturbation dans les transports.

Weselsky a déclaré la fin de la grève après qu’une manifestation de plus d’un millier de conducteurs de train et d’autres salariés a eu lieu devant la centrale de la DB à Berlin. Les manifestants y avaient montré la détermination des travailleurs à lutter pour une augmentation de salaire, une réduction des heures hebdomadaires de travail et leur réunion avec d’autres travailleurs des chemins de fer pour améliorer leur condition. Le GDL veut organiser d’autres ouvriers à part les conducteurs de train et les mécaniciens et négocier une convention séparée des autres syndicats. La direction de la DB rejette cette revendication tout comme la Fédération allemande des syndicats DGB et l’EVG (Syndicat des chemins de fer et des transports), le plus gros des syndicats du rail qui collaborent de longue date à détruire les emplois, les salaires et les conditions de travail.

Dans la manifestation de nombreux grévistes ont insisté sur la forte dégradation des conditions de travail et beaucoup demandaient une réduction de la journée de travail. On pouvait lire sur leurs banderoles « Heures supplémentaires sans fin! » et « Nos batteries sont vides – il est temps de recharger ». 

Les droits fondamentaux ne sont pas négociables dit la banderole de droite

D’autres portaient des banderoles insistant pour dire que les travailleurs avaient le droit de choisir leur syndicat et qu’ils avaient le droit de faire grève.« Les droits fondamentaux ne sont pas négociables » disait une banderole.

Réagissant à la chasse aux sorcières menée contre Claus Weselsky, des pancartes s’adressaient à celui-ci disant : « Reste dur Claus », « Continue comme ça ».

Le second de Weselsky au GDL, Norbert Quitter, fut applaudi lorsqu’il a salué la présence de grévistes venus de nombreux lands allemands. Il a dit que le GDL n’était plus seulement une organisation professionnelle de conducteurs de trains mais un syndicat qui jouissait d’un soutien grandissant de la part d’autres catégories de travailleurs du rail. La grève était de la « solidarité en pratique » et n’avait rien à voir avec une « division du personnel » de la DB, a-t-il dit.

Mais, immédiatement après, la direction de la GDL annonçait que la grève n’irait pas jusqu’à lundi, comme elle l’avait dit initialement, mais se terminerait le samedi soir. Les responsables du syndicat affirmèrent que, bien qu’on ait interrompu la grève, le conflit continuait. Jusqu’au soir, les responsables syndicaux ne donnèrent aucune justification de leur décision.

L’argument légal de la GDL avait été accepté auparavant par le Tribunal du travail de Francfort et par celui de Hesse. Dans les deux instances, les juges avaient refusé de prononcer une injonction dans le but de faire cesser la grève. Durant les délibérations cependant, une longue discussion eut lieu sur la question de savoir si l’intention de la GDL de continuer la grève dimanche constituait une action disproportionnée, étant donné qu’elle pouvait empêcher de nombreuses personnes d’atteindre la capitale et de se rendre aux manifestations de commémoration de la chute du Mur de Berlin. Il est à supposer que le gouvernement fédéral et tous les partis politiques de l’establishment ont exercé une énorme pression sur la GDL pour qu’elle fasse reprendre le travail à ses adhérents.

La décision de la GDL contrastait fortement avec l’esprit combatif de beaucoup de manifestants qui voulaient poursuivre la grève précisément parce que les cérémonies d’anniversaire avaient lieu. Un conducteur de train de Magdebourg a dit : « C’est ça notre apport à la commémoration de la chute du mur. Nous ne voulons pas d’un parti politique unique ou d’un syndicat unique. Si nous l’avions voulu, nous n’aurions pas eu à abolir le FDGB (Fédération syndicale libre dans l’ex-Allemagne de l’Est stalinienne.)

Deux conducteurs de train avaient apporté avec eux des pancartes faites eux-mêmes (voir ci-dessous). Sur l’une on pouvait lire « Nous étions là il y a 25 ans! Maintenant il faut recommencer! » 

Un conducteur de train tenant une pancarte, venu de Hanovre, expliqua qu’alors comme maintenant, il fallait s’opposer au système. « Les grands syndicats ont oublié comment défendre les droits des travailleurs » dit celui qui l’accompagnait, ajoutant « à présent ils veulent empêcher la GDL de faire précisément cela, parce que les syndicats du DGB sont plus faciles à manier pour les patrons. Mais un syndicat qui ne représente plus les droits des travailleurs n’a plus le droit d’exister. »

Les employés des chemins de fer voient la tentative de limiter le droit de grève dans un contexte beaucoup plus large. Un travailleur a dit au WSWS, « Je soupçonne l’attaque du droit de grève d’être liée aux préparatifs pour des attaques sociales en Allemagne et dans toute l’Europe – et à la montée du militarisme ». Il poursuivit en disant que la seule façon de défendre les droits des travailleurs était au moyen d’une mobilisation à l’échelle européenne.

Son collègue a dit que la campagne des médias contre les conducteurs de trains lui rappelait la campagne belliciste contre la Russie au début de l’année. Il ajouta « Les medias marchent au pas. Une partie d’entre eux vilipendent les conducteurs de trains et le reste suit. C’était comme ça il y a vingt cinq ans. Mais les gens ne veulent plus accepter ce genre de choses. »

Werner, un conducteur de 41 ans qui a travaillé pendant de longues années sur les trains régionaux, a dit : « Depuis 2005 on a subit coupe sur coupe. Comme conducteur je dois maintenant faire diverses choses supplémentaires faites avant par un autre cheminot. Aujourd’hui, je suis responsable d’assurer qu’aucun passager ne se trouve en bordure de quai avant que mon train ne quitte la gare. Si une personne ivre venait à trébucher et à tomber devant le train alors qu’il se met en marche je serais tenu pour responsable. »

Son collègue Claus, 38 ans, qui travaille sur le réseau de tramway à Berlin a dit : « En fait, le DGB tout entier devrait appeler à une grève générale parce qu’il s’agit du droit de tout le monde de faire grève. Nous sommes très conscient du fait qu’il y a bien plus en jeu que beaucoup de gens ne le réalisent. »

Gisela, 29 ans, employée de l’administration centrale de la Deutsche Bahn est venue pour parler au nom des employés de la centrale de la DB à Berlin. « Beaucoup dans notre bureau ne veulent pas participer à la manifestation, peut-être parce qu’ils ne veulent pas que la direction du service sache qu’ils soutiennent la grève, mais je pense que c’est très important et il fallait absolument que je vienne. »

« Il faut faire quelque chose parce que sinon il n‘y aura personne pour s’opposer à cette attaque de notre droit fondamental de constituer des syndicats et de faire grève. Je suis en colère quand je vois que la GDL devient la cible de tant d’attaques médiatiques qui sont tout simplement ignobles » dit elle, ajoutant qu’il était temps de contre attaquer et de ne pas se laisser intimider.

(Article original publié le 10 novembre 2014)

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