Perspectives

L’effondrement du gouvernement français: une crise du régime capitaliste en Europe

Le nouveau gouvernement PS (Parti socialiste) nommé mardi, un jour après le soudain effondrement du dernier gouvernement au milieu des critiques envers la politique d’austérité impopulaire du président François Hollande, témoigne de la désintégration de la politique de la « gauche » officielle en France et de la crise du régime capitaliste en Europe. Alors que l’économie européenne s'enfonce et que le soutien au PS s’effondre, Hollande n’a rien d’autre à proposer qu’un virage à droite plus marqué.

Hollande et le premier ministre Manuel Valls ont sur le champ congédié un groupe de ministres PS, conduit par le ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, qui avait publiquement attaqué le programme d’austérité de Hollande comme étant politiquement suicidaire et dicté par une Allemagne hostile. Des tensions avaient éclaté au sein du gouvernement, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, se serait semble-t-il à un moment donné écrié que le PS ne suivait pas une politique de gauche.

Le nouveau gouvernement PS, nommé par Hollande et Valls dont les cotes de popularité sont au plus bas et n'en finissent pas de chuter, va intensifier la guerre de classe que le PS est en train de mener contre les travailleurs. Sa première décision a été de commencer à planifier une augmentation régressive et politiquement explosive de la TVA (taxe à la valeur ajoutée) pour lever 15 milliards d’euros.

Son mépris arrogant pour la population est symbolisé par son choix d’Emmanuel Macron, 36 ans, banquier d’affaires millionnaire diplômé de l’élitiste ENA (Ecole nationale d’Administration), pour le poste de ministre de l’Economie. Partisan de l'économie de marché, Macron n’avait précédemment pas été retenu pour des postes ministériels du fait qu'il n'avait jamais été élu à un quelconque poste. Il avait conseillé à Hollande, au début de son mandat, d’être prêt à perdre les élections de mi-mandat.

La faction de Montebourg est tout autant en faillite et réactionnaire. Montebourg est partisan de la compétitivité industrielle française et collabore avec des membres de la Réserve fédérale américaine qui préconisent une politique de crédit plus libre et des renflouements bancaires plus substantiels que la Banque centrale européenne qui est sous influence allemande et qui contrôle l’euro. Il soutient les réductions de salaires et des dépenses sociales. Le mois dernier, appuyant les coupes budgétaires du pacte de responsabilité de Hollande, il avait dit : « Il ne s’agit pas de remettre en cause les 50 milliards d'économies, il s’agit au contraire de bien les utiliser, de les rendre aux Français. »

La crise du gouvernement Hollande démasque le PS, un parti de droite du capital financier qui est en plein naufrage. Elle est aussi une mise en accusation des partis corrompus de la pseudo-gauche française, comme le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et le Front de Gauche conduit par les staliniens. Ces partis de la classe moyenne aisée qui, des décennies durant ont étouffé l’opposition de la classe ouvrière au PS, avaient soutenu l’élection de Hollande en 2012 et portent l’entière responsabilité politique pour sa politique.

L’extraordinaire attaque de Montebourg contre l’Allemagne témoigne aussi de l’effondrement en cours de l’Union européenne (UE). Il y a quatre ans, le président français Nicolas Sarkozy avait tapé du poing sur la table en apostrophant la chancelière allemande Angela Merkel que la France sortirait de l’euro si le renflouement de l’UE pour la Grèce ne respectait pas les intérêts français. Les banques françaises et allemandes s’étaient finalement accordées pour piller conjointement les travailleurs grecs et, pendant un temps, les tensions inter-impérialistes au sein de l’Europe s’étaient dissipées.

Cependant, alors que Hollande et le PS poursuivent sur la voie de l’austérité du premier ministre George Papandreou, du tristement célèbre parti social-démocrate PASOK de Grèce, ces tensions refont surface dans le contexte d'un soutien croissant à des partis anti-UE comme le Front national (FN) néofasciste en France.

Le cadre entier de la politique de la « gauche » officielle, qui a totalement aliéné la classe ouvrière, est actuellement en train de s’effondrer en France et partout en Europe. Ce qui est en cours de préparation c’est l’entrée explosive de la classe ouvrière française et internationale dans la lutte révolutionnaire contre le capitalisme et ses défenseurs de « gauche. »

Les promesses semi-socialisantes faites par les partisans du capitalisme européen après la Deuxième Guerre mondiale et l’effondrement du régime fasciste en Europe se lisent aujourd'hui comme une mauvaise plaisanterie. Dans leur programme de 1944, les forces bourgeoises, sociales-démocrates et staliniennes du Conseil national de la Résistance promettaient pour le capitalisme français d’après-guerre « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie. »

Mais quelle est la réalité? Alors que les institutions de l’Europe bourgeoise s’effondrent, une aristocratie financière exerce une emprise dictatoriale sur les conditions de vie de centaines de millions de travailleurs. Elle est totalement insensible aux alternances entre partis ouvertement droitiers et partis bourgeois de « gauche » dans les urnes. Mais contrairement à ce qui se passait il y a soixante dix ans, elle dirige la France non pas au moyen de la dictature fasciste du régime collaborationniste pro-nazi de Vichy, mais au moyen de différentes agences et complices politiques d’un parti qui affirme cyniquement être socialiste.

La responsabilité essentielle en incombe aux divers descendants de renégats du trotskysme. Terrifiés par le dernier grand soulèvement révolutionnaire de la classe ouvrière française, la grève générale de 1968, ils ont inlassablement promu le PS nouvellement formé et son dirigeant, l’ancien responsable du régime de Vichy et aventurier bourgeois, François Mitterrand, comme étant de « gauche ». L’Organisation communiste internationaliste (OCI), anciennement la section française du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) et précurseur de l’actuel Parti ouvrier indépendant (POI de feu Pierre Lambert), avait rompu avec le CIQI et le trotskysme pour poursuivre une « union de la gauche » avec le PS et le Parti communiste français (PCF) stalinien.

En fait, ces forces ont mis en place en France au cours de ces cinq dernières décennies le cadre du régime bourgeois de « gauche » centré autour du PS. En s’adaptant aux mesures d’austérité et aux guerres impérialistes de la présidence de Mitterrand de 1981 à 1985 ainsi qu’à la restauration stalinienne du capitalisme en URSS, elles sont devenues une couche sociale distincte, consciemment hostile aux travailleurs, au marxisme et à la révolution socialiste.

Sous l’influence de ces partis et des intellectuels postmodernistes qui leur sont associés, l’intégralité du contenu de la politique de « gauche » a été redéfinie. La lutte de classe a été remplacée par le « dialogue social » entre les patrons et la bureaucratie syndicale française corrompue ; l’opposition à l’impérialisme a été remplacée par le soutien à ses guerres « humanitaires » et la classe ouvrière a été répudiée en tant que force sociale révolutionnaire.

Résumant la politique de cette couche, juste avant son élection il y a deux ans,, Hollande avait déclaré avec suffisance au New York Times : « De nos jours, il n’y a plus de communistes en France. La gauche a libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n’y a rien à craindre. »

Le CIQI et ses partisans en France ne sont pas de cet avis: il existe une puissante opposition au capitalisme et un sentiment socialiste croissant au sein de la classe ouvrière. Nous nous engageons à construire une section française du CIQI, comme alternative trotskyste à l’appareil en faillite du PS et de ses alliés. Notre objectif est d'apporter une direction politique à la classe ouvrière pour les luttes révolutionnaires à venir, au cours desquelles les alliés naturels des travailleurs en France seront les travailleurs de Grèce, d’Allemagne, des Etats-Unis et d'ailleurs. Nous insistons pour dire que ce qui a failli ce n’est pas le socialisme, mais la politique réactionnaire de ses adversaires de la pseudo-gauche.

(Article original paru le 29 août 2014)

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