Tandis que les manifestants ukrainiens continuent les occupations

Les États-Unis se préparent à envoyer des troupes en Pologne

Le Washington Post a fait savoir vendredi que la Pologne et les États-Unis annonceront la semaine prochaine le déploiement de troupes américaines au sol en Pologne dans le cadre d'un accroissement de la présence des forces armées de l'OTAN en Europe centrale et orientale, en réaction à la crise en Ukraine. 

D'après le Post, le ministre polonais de la Défense Tomasz Siemoniak, rendant visite à ce journal après avoir rencontré le secrétaire à la Défense Chuck Hagel, au Pentagone, a déclaré, «la décision a été prise au niveau politique et les responsables militaires s'occupent des détails». L'article ajoute: «il y aura également une coopération plus serrée sur la défense aérienne, les forces spéciales, la défense informatique et d'autres secteurs. La Pologne jouera un rôle de premier plan dans la région, “avec l'appui des États-Unis”, a-t-il dit.» 

Cet article montre clairement que les États-Unis, qui sont entrés dans les négociations de Genève avec la Russie en prétendant vouloir «calmer les tensions» en Ukraine, l'ont fait de mauvaise foi, avec pour dessein d'utiliser la prétendue rupture de l'accord par la Russie comme justification pour des sanctions plus sévères et un renforcement agressif des forces des États-Unis et de l'OTAN en Europe de l'Est visant à encercler et étrangler la Russie. 

L'envoi de troupes américaines en Pologne est une action agressive, une provocation, qui augmente le risque bien réel non seulement de guerre civile en Ukraine, mais aussi de guerre de la part des États-Unis, de l'Allemagne et de l'OTAN contre la Russie, qui est une puissance nucléaire. Cela montre que la crise en Ukraine a été délibérément provoquée par Washington pour créer un prétexte pour une offensive politique, économique, diplomatique et militaire contre la Russie qui était depuis longtemps en préparation. 

Rien n'indique que les accords de Genève vont avoir un effet sur les manifestants anti-gouvernement en Ukraine orientale qui occupent des bâtiments et se sont déclarés véhémentement en opposition au régime de droite ultra-nationaliste de Kiev. Ce gouvernement est arrivé au pouvoir en février dernier au cours d'un putsch orchestré par Washington et Berlin. 

Les manifestants en Ukraine orientale ont rejeté la déclaration conjointe publiée jeudi par les États-Unis, l'Union européenne, l'Ukraine et la Russie qui appelait à la fin des manifestations et des occupations. 

Vendredi, des manifestations ont continué dans les villes d'Ukraine orientale où des activistes se sont emparés de divers bâtiments. Dans la ville de Lugansk à l'extrême est, un membre des milices prénommé Andrei a déclaré que son groupe n'avait aucune intention d'abandonner, déclarant: «Tout sur le terrain est dans le même état qu'hier et que le jour d'avant et l'autre jour d'avant. Nous ne partirons pas.» 

À Donetsk, le centre industriel de la région, lieu d'une population de près d'un million d'habitants, une pancarte sur les barricades résume l'état d'esprit d'une grande partie des habitants qui sont profondément hostiles aux interférences impérialistes en Ukraine. Elle dit: «États-Unis assoiffés de sang. Europe méprisable. Laissez l'Ukraine tranquille.» 

Certains manifestants ont dénoncé la décision russe de signer un document avec les puissances occidentales qui appelle à la fin des actions anti-gouvernementales. Les activistes ont insisté sur le fait qu'ils ne quitteraient pas les bâtiments dont ils se sont emparés ni ne rendraient les armes tant que le gouvernement provisoire à Kiev n'aurait pas démissionné et que les groupes fascistes comme Secteur droit, qui ont joué un rôle central dans le putsch du 22 février contre le président démocratiquement élu Viktor Ianoukovitch, aient eux-mêmes rendu leurs armes et mis fin à leurs propres occupations dans l'ouest du pays.

Denis Pushilin, le dirigeant de la «République populaire du Donetsk» autoproclamée, a déclaré que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, qui s'était rendu aux négociations de Genève, «n'a rien signé pour nous, il a signé pour le compte de la Fédération russe». Alexei, un manifestant de Slavyansk, a déclaré à Reuters que le président russe Vladimir Poutine perdait des partisans. En l'appelant «Vova», il a dit, «Il semble que Vova ne nous aime pas autant que nous le pensions.» 

Ces commentaires soulignent le caractère mensonger de la propagande diffusée par les gouvernements et les médias occidentaux affirmant que les manifestants en Ukraine orientale sont des soldats ou des agents russes dont les actions seraient dictées par Moscou. Il est de plus en plus clair que ces manifestations sont une expression de l'opposition populaire au régime soutenu par l'occident à Kiev, lequel comprend des fascistes, des antisémites et des chauvins anti-russes qui ont promis d'imposer des mesures d'austérité brutales contre la classe ouvrière. 

Tandis que la Russie cherche à parvenir à un accord avec Washington et l'UE, le régime de Kiev et ses patrons impérialistes utilisent les négociations de Genève pour fournir un prétexte supplémentaire à la mobilisation des forces armées contre les manifestants anti-gouvernement à l'est de l'Ukraine et développer la présence militaire de l'OTAN en Europe de l'Est pour menacer la Russie elle-même. 

L'encre sur cette déclaration conjointe – qui déclarait que «toutes les parties doivent s'abstenir de toute violence, intimidation, ou actions provocatrices» – n'était pas encore sèche que le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andrii Deshchytsia, déclarait que la prétendue «opération antiterroriste» contre les manifestants pro-russes continuerait. Il a cyniquement ajouté que son intensité «dépendra de l'application en pratique» de l'accord. 

La porte-parole des Services secrets ukrainiens (SBU), Marina Ostapenko, a dit que «l'opération antiterroriste» continuerait «aussi longtemps que les terroristes restent dans notre pays». Elle a ajouté: «Conformément aux vacances de Pâques et aux accords de Genève, les opérations sont maintenant dans une phase inactive. Les quartiers généraux sont à l'oeuvre et de nouveaux plans sont en préparation.» 

Le gouvernement ukrainien et ses alliés à Washington et Berlin voient les accords de Genève comme une occasion de faire une courte pause durant laquelle ils peuvent réorganiser et intensifier leurs opérations militaires qui étaient prévues pour la fin de semaine précédente, lorsque le directeur de la CIA, John Brennan, s'est rendu secrètement à Kiev pour des négociations avec le régime. L'opération a commencée jeudi avec l'assaut contre le terrain d'aviation militaire de Kramatorsk, mais s'est terminé lorsque l'armée ukrainienne s'est retrouvée confrontée à une résistance populaire, que des soldats ont refusé d'attaquer et que certains d'entre eux sont allés jusqu'à se ranger du côté des manifestants. 

Le Pentagone a annoncé pour faire une provocation qu'il compte envoyer plus d'aide à l'armée ukrainienne. «Ce seront des objets comme des purificateurs d'eau, des uniformes, de l'équipement médical et le genre de choses qui peuvent les aider à tenir sur le terrain», a déclaré le contre-amiral et responsable des relations du Pentagone avec la presse John Kirby, à CNN. 

Le soutien militaire de plus en plus fort de Washington à Kiev fait partie d'un renforcement de l'OTAN en Europe orientale visant à encercler la Russie. Mercredi, le gouvernement allemand a annoncé des plans pour envoyer au moins un navire de guerre et six chasseurs Eurofighter en Europe de l'Est. Une flottille de cinq détecteurs de mines dirigée par le navire allemand «Elbe» devrait partir pour la mer Baltique. 

Mercredi également, le secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen a annoncé une escalade militaire massive de l'OTAN en Europe de l'Est. 

Washington prévoit continuer à faire référence aux manifestations en Ukraine orientale pour affirmer que Moscou a violé les accords de Genève, ce que justifierait l'imposition de sanctions économiques plus sévères contre la Russie et un déploiement encore plus agressif de la force militaire. Le secrétaire d'État John Kerry a dit, «la responsabilité incombera à ceux qui ont organisé» les groupes qui protestent dans l'est du pays – en faisait référence à la Russie. Il a ajouté: «S'il n'y a aucun progrès au cours des prochains jours et que nous ne voyons pas de mouvement dans la bonne direction, alors il y aura des sanctions et des conséquences supplémentaires.» 

Le président Barack Obama a adopté la même ligne lors d'une conférence de presse jeudi. «Je ne pense pas que nous puissions être sûrs de rien à ce stade», a-t-il dit. Il a ajouté que les États-Unis et leurs alliés devaient «être prêts à possiblement réagir à l'interférence de la part des Russes qui continue en Ukraine orientale et du Sud». 

Reprenant la position de Washington, le porte-parole de Secteur droit Artem Skoropadsky a déclaré qu'il considérait que les accords de Genève ne visent que les manifestants pro-russes à l'est. Il a affirmé que Secteur droit ne «possède aucune arme illégale et l'appel au désarmement ne s'appliquera donc pas à nous». Il a ajouté que «l'avant-garde de la révolution ukrainienne ne doit pas être comparée à ceux qui sont de véritables truands». 

(Article original paru le 19 avril 2014)

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