Canada: Harper encourage la guerre et veut plus de pouvoirs pour la police

Lors d'une visite à Vancouver jeudi dernier, Harper a tenté d'attiser un climat de peur, déclarant que le Canada était sous attaque par des extrémistes islamiques. «Le fait est, a déclaré Harper … que le mouvement djihadiste international a déclaré la guerre. Ils ont déclaré la guerre sur quiconque ne pense pas et n'agit pas exactement comme ils le voudraient.»

Ses commentaires avaient pour but d'utiliser l'attaque contre le magazine satirique français Charlie Hebdo, à propos de laquelle demeurent de nombreuses questions irrésolues, pour justifier l'adoption rapide d'une loi antiterroriste de plus. Cherchant à créer un climat de peur en invoquant la menace posée par un «mouvement djihadiste» supposément omniprésent, il a ajouté que «C'est un mouvement qui a déclaré la guerre au Canada spécifiquement et montré qu'il a la capacité d'intensifier ses attaques dans ce pays.»

Depuis que le tireur isolé Michael Zehaf-Bibeau a attaqué le parlement canadien le 22 octobre, Harper et son gouvernement ont à maintes reprises présenté le Canada comme étant une nation en état de siège. Et ce en dépit du fait qu'aucun lien entre l'attaque d'octobre et une organisation terroriste quelconque à au pays, et encore moins à l'étranger, n'a été démontré. Ceci n'a pas empêché Harper de décrire l'acte désorienté de Zehaf-Bibeau et l'attaque contre Charlie Hebdo comme des exemples similaires dans la guerre des djihadistes.

Des porte-parole du gouvernement ont utilisé l'arrestation sur la base d'accusations liées au terrorisme de trois hommes de la région d'Ottawa, tous de jeunes adultes incluant au moins un récent converti à l'Islam, pour renforcer cette campagne de la peur. Dans une entrevue avec Radio-Canada mercredi, le ministre de la Sécurité publique Steven Blaney a complimenté la police pour avoir appréhendé les trois hommes, les frères jumeaux Ashton et Carlos Larmond et Suliman Mohamed, mais a soutenu que des lois supplémentaires étaient nécessaires afin d'assurer «que nos policiers puissent agir».

Jusqu'à présent, la police n'a presque rien divulgué concernant les raisons pour les accusations, ni même aux avocats des accusés. D'après l'avocat de Mohamed, Doug Baum, le procureur lui a dit «qu'à cause des circonstances des arrestations… l'enquête n'aurait peut-être pas été complétée, et qu'une divulgation – qui est normalement procurée – n'est pas disponible à ce point-ci.» La famille et les amis des trois hommes se sont dits choqués par les accusations.

Dans son discours à Vancouver, Harper a tenté de présenter son gouvernement en tant que défenseur de la démocratie et des libertés civiques. En réalité, il défend les intérêts des riches et des super-riches, coupe dans les dépenses pour les services publics et sociaux, augmente l'âge de la retraite, criminalise les grèves, développe l'État de sécurité nationale, incluant la proclamation d'un droit général d'espionner les communications électroniques des Canadiens, et participe à toutes les guerres menées par les États-Unis, de l'Afghanistan à la Libye, à la nouvelle guerre en Irak et en Syrie.

À la suite de l'attaque au parlement et le meurtre d'un soldat à St-Jean-sur-Richelieu deux jours auparavant, le gouvernement s'est empressé d'adopter deux lois qui augmentent davantage les pouvoirs du complexe de sécurité nationale. Le passage de la loi C-44 en début décembre accorde l'anonymat aux informateurs du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) lors de procédures judiciaires et permet formellement au SCRS d'espionner des Canadiens à l'étranger. En plus, une loi présentée comme un coup porté à la cyberintimidation donne des pouvoirs supplémentaires à la police, lui permettant d'obtenir des informations des comptes d'usagers de téléphone et les métadonnées de leurs communications.

Les conservateurs avaient considéré présenter une troisième proposition de loi au parlement avant Noël, mais craignaient apparemment que certaines des mesures proposées provoquent un tollé. Harper n'a pas l'intention d'attendre davantage et profite de l'occasion offerte par l'attaque sur Charlie Hebdo. «J'anticipe que nous allons présenter très tôt dans la nouvelle session des propositions de loi additionnelles», disait Harper jeudi dernier.

La nouvelle loi promet des clauses élargissant les pouvoirs de la police, lui permettant de faire des arrestations et détentions préventives. Il est également probable qu'elle fasse écho à une loi britannique de 2006 qui faisait de «l'incitation» au terrorisme, ou même du fameux «encouragement» du terrorisme, une infraction criminelle. Cette loi a été utilisée pour viser des personnes qui n'ont aucun lien à un acte ou complot terroriste. Harper disait de la future loi qu'elle contiendrait «des pouvoirs additionnels pour s'assurer que nos agences de renseignement aient un éventail d'outils qui leur sont disponibles pour identifier des menaces de terreur potentielles et faire des arrestations et d'autres actions».

L'autre message clé de Harper concernait la nécessité d'élargir l'intervention canadienne au Moyen-Orient en appui à la campagne de l'impérialisme américain pour le contrôle de ce qui est la plus importante région exportatrice de pétrole. Citant l'appui du Canada et de ses alliés pour des opérations militaires contre une armée djihadiste occupant de vastes territoires de l'Irak et la Syrie, il a dit que l'État islamique (EI) utilisait ses ressources pour augmenter la menace terroriste «à une tout autre échelle mondiale».

Clarifiant que sa tentative d'attiser la fièvre guerrière était liée à une décision imminente concernant la prolongation au-delà du mois d'avril de la participation du Canada à la guerre au Moyen-Orient, il a ajouté que l'un des critères principaux en faveur de cette décision serait «le type de menace que cela pose à notre pays».

Le même jour où Harper tenait son discours, l'armée révélait que des avions de combat CF-18 avaient participé à sept bombardements en Irak dans les deux dernières semaines. Immédiatement après l'approbation du parlement pour une mission de six semaines au Moyen-Orient en début octobre, des représentants militaires de haut rang tels que le général des Forces armées canadiennes Tom Lawson et Harper lui-même ont déclaré ouvertement que le conflit durerait beaucoup plus longtemps.

Un troisième facteur qui explique le discours alarmiste de Harper sont les élections fédérales qui approchent. Même si elles sont planifiées pour le 19 octobre, plusieurs signes indiquent que les conservateurs ont l'intention de contourner leur propre loi d'élections à date fixe pour les déclencher au printemps.

Les conservateurs ont déjà démontré qu'ils avaient l'intention de placer le «terrorisme» au centre de leur campagne. Ce faisant, leur but sera de détourner l'attention de la crise sociale grandissante, incluant la montée de l'inégalité sociale et de l'insécurité économique, et d'attiser un nationalisme canadien explicitement belliqueux.

Un autre objectif central sera d'obtenir l'appui de l'élite patronale du Canada en démontrant que les conservateurs sont les défenseurs les plus agressifs et impitoyables de leurs intérêts à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Harper et ses partisans ont plusieurs fois suggéré que les partis de l'opposition sont «mous» face au terrorisme et désinvoltes dans l'affirmation des intérêts de l'impérialisme canadien sur la scène mondiale.

À cet égard, ils espèrent exploiter une avalanche de commentaires médiatiques concernant la décision des libéraux de ne pas appuyer la résolution parlementaire d'octobre dernier autorisant la participation du Canada dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

La réalité est que tous les principaux partis, incluant le NPD aligné aux syndicats, appuient entièrement le programme d'austérité et de guerre impérialiste de l'élite dirigeante. L'opposition des libéraux et du NPD au déploiement canadien en octobre était motivée par des différences purement tactiques. Les deux partis de l'opposition défendaient plutôt des missions de ravitaillement des Forces armées canadiennes afin d'armer ceux qui combattent l'EI ainsi que des opérations «humanitaires» dans la région qui pourraient être facilement transformées en interventions militaires par la suite.

Une autre indication des plans réactionnaires du gouvernement conservateur, fut le communiqué du bureau du premier ministre la semaine dernière annonçant que Richard Fadden, directeur du SCRS de 2009 à 2013 et actuellement ministre adjoint à la Défense nationale, a été nommé conseiller à la sécurité nationale de Harper. Fadden s'est exprimé à plusieurs reprises concernant l'ampleur de la menace terroriste à laquelle fait face le Canada et a fait appel à de plus grands budgets et pouvoirs pour le complexe de sécurité nationale.

 

(Article paru d'abord en anglais le 15 janvier 2015)

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