Le gouvernement allemand menace d'expulser la Grèce de la zone euro

Le gouvernement allemand menace d’expulser la Grèce de la zone euro si elle ne se plie pas aux diktats d’austérité de la « troïka » (Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne). C’est ce qu’on a pu lire dans le dernier numéro du magazine d’information Der Spiegel.

Selon Der Spiegel, la chancelière Angela Merkel et le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, (Union chrétienne-démocrate, CDU) comptent isoler la Grèce si le parti de pseudo-gauche SYRIZA remporte les élections législatives du 26 janvier, et si le dirigeant du parti, Alexis Tsipras, en qualité de nouveau premier ministre, retirait la Grèce du programme d’austérité de l'UE. Une sortie grecque de l’euro (un « Grexit ») serait « la conséquence quasi inévitable » d'un tel scénario, écrit le magazine.

La menace proférée par Merkel et Schäuble souligne le caractère antidémocratique de l’UE et de la bourgeoisie allemande. Le peuple grec non seulement n’a pas le droit de déterminer la politique de son pays, mais il doit aussi être puni s'il vote pour un parti qui critique la politique de rigueur dictée par l’impérialisme allemand.

L’agressivité de Berlin n’est pas seulement l’expression de la politique antisociale de l’UE à l’encontre de la classe ouvrière, mais aussi de l’aggravation de la crise en Europe. Six ans après l’éclatement de la crise financière, après des années de coupes claires dans les budgets sociaux d'Europe méridionale, les tensions politiques, économiques et sociales sont explosives à l'intérieur de chaque pays et aussi entre les différents pays européens.

Der Spiegel, l’un des principaux organes de presse de la bourgeoisie allemande, écrit que la Grèce est devenue « la scène d'un conflit dépassant de loin l'importance du pays en soi ... Il s’agit du conflit entre le Nord et le Sud de la zone euro concernant le programme d’austérité qui est dominé par l’Allemagne et auquel tous les pays en crise ont dû adhérer. Et il est aussi question de ce qui importera finalement plus : la volonté démocratique des Grecs de mettre fin aux coupes et aux réformes, ou la loi des marchés financiers de ne plus lui fournir de prêts ».

Du point de vue du capital financier, la décision a d’ores et déjà été prise. La Grèce doit continuer à courber l’échine devant les diktats d’austérité de l’Allemagne et de l’UE, qui ont plongé une vaste section de la population grecque dans une pauvreté cruelle en détruisant en grande partie le bon fonctionnement de la société.

Selon le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, le ministre bavarois des Finances, Markus Söder (Union chrétienne-sociale, CSU) a dit, « Il n’y aura pas de loi grecque ... Pour moi, il est clair qu’il n’y aura pas de décote ou de rabais sur la dette juste parce qu’un nouveau gouvernement arrive au pouvoir. »

Dans le journal Welt am Sonntag, le président du groupe parlementaire du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), Thomas Oppermann, a prévenu, « Nous insisterons pour que les réformes structurelles entrent en vigueur en Grèce. »

Le dirigeant social-démocrate et vice-chancelier Sigmar Gabriel est allé dans le même sens en demandant dans le journal Hannoversche Allgemeine Zeitung qu’Athènes mette en œuvre les coupes budgétaires et les « réformes ». Il s'estimait en droit d’attendre du gouvernement grec « peu importe qui le formera – que les engagements conclus avec l’UE soient respectés. » Berlin « ne cèdera pas au chantage, » a-t-il ajouté.

Les menaces allemandes visent moins à empêcher SYRIZA de former un gouvernement qu’à discipliner le parti. Berlin compte contraindre SYRIZA et Tsipras à accepter le mémorandum sur la dette d'une manière tout aussi inconditionnelle que l’avaient fait le parti social-démocrate PASOK sous le premier ministre de l’époque, George Papandreou, puis le parti conservateur Nouvelle Démocratie sous l’actuel premier ministre, Antonis Samaras.

La semaine passée, le président de l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW), Marcel Fratzscher, a insisté que l’Allemagne et l’UE doivent continuer à faire pression sur le prochain gouvernement grec, traitant de « pathétiques » les réformes imposées par les précédents gouvernements grecs. Une multitude de mesures restent à être appliquées, a-t-il écrit en ajoutant que « l’économie [manquait encore] de compétitivité. »

Fratzscher a remarqué que, contrairement au PASOK et à la Nouvelle Démocratie, les partis traditionnels et profondément discrédités de l’establishment politique grec, SYRIZA pourrait constituer pour le capital financier un moyen pour pousser en avant des attaques plus sévères. Les réformes requises nécessitent « rien de moins qu’un séisme politique, » a-t-il dit, « de façon à se débarrasser de l’élite politique pour donner l’occasion à une nouvelle génération de politiciens de repartir à zéro. » Bien que la crise provoquée par la formation d’un gouvernement mené par SYRIZA puisse « à court terme être économiquement néfaste, il pourrait aussi susciter un renouveau. »

C'est-à-dire que pour lancer une nouvelle série d’attaques sociales, non seulement en Grèce mais partout en Europe, il faudrait, sous la pression du capital financier, pouvoir confier la responsabilité de gouverner aux partis de pseudo-gauche tels SYRIZA. S'ils raflent des voix grâce à un discours teinté de gauchisme, ce sont au fond des partis bourgeois de droite.

Un commentaire paru lundi dans le Süddeutsche Zeitung précise que l’avenir de l’euro ne se déciderait pas en Grèce, mais en Italie et en France. Là, la question urgente qui se pose est : « Quand et comment ces gros pays entameront-ils un changement de cap pour restructurer les finances de l’Etat, consolider les entreprises et améliorer la compétitivité ? »

Le Financial Times a lui aussi présenté les partis de pseudo-gauche tels SYRIZA et Podemos en Espagne comme d’éventuels sauveurs de l'euro. En excluant une sortie de la Grèce de la zone euro et une annulation unilatérale du mémorandum sur la dette grecque signé avec l’UE, Tsipras a montré qu’il avait « le bon instinct », mais pas forcément la bonne politique, a écrit le journal.

La possibilité d’un Grexit et la dépendance accrue de l’UE vis-à-vis de « l’instinct » politique des couches privilégiées de la classe moyenne que représentent les partis tels SYRIZA et Podemos, marquent le début d’une nouvelle étape dans la crise de l’euro. Une sortie de la Grèce de la monnaie unique ne serait pas que le prélude à un écroulement de l’union monétaire, mais intensifierait aussi les conflits nationaux au sein de l’Europe. Parallèlement, un gouvernement mené par SYRIZA poursuivrait la politique des programmes d’austérité tout en démoralisant la classe ouvrière et en ouvrant la voie aux forces de l’extrême droite.

Analysant l’effondrement du gouvernement grec, le WSWS a expliqué (voir : « L’effondrement du gouvernement grec »,) que le plus grand défi posé à la classe ouvrière était de « comprendre l’ampleur des tâches politiques auxquelles elle est confrontée. » Le WSWS a poursuivi en disant : « Alors qu’il existe un mécontentement social explosif, le besoin urgent est la construction d’une nouvelle direction politique basée sur un programme révolutionnaire. »

(Article original paru le 6 janvier 2015)

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