Loi Macron: le gouvernement passe en force sans vote de l’Assemblée

Mardi 17 février, le gouvernement de Manuel Valls a fait passer en force, sans vote de l’Assemblée, une loi impopulaire qui impose une libéralisation à grande échelle de l’économie française. Valls s’est servi à cet effet de l’anti-démocratique article 49-3 de la Constitution qui permet à l’exécutif d’obliger l’Assemblée nationale soit à adopter une loi, soit à faire tomber le gouvernement.

Une motion de censure pour faire tomber le gouvernement Valls, une coalition du Parti socialiste (PS) et du petit Parti radical de gauche (PRG), sera soumise à l’Assemblée ce jeudi 19 février. L’Union pour un mouvement populaire (UMP) et l’Union des démocrates et indépendants (UDI) tout comme le Front de Gauche (FdG), qui ont déposé cette motion de censure, ne s’attendraient pas à ce qu’elle soit votée. La coalition PS-PRG contrôle 306 des 577 sièges de l’Assemblée nationale, 288 pour le PS et18 pour les Radicaux de gauche.

Valls a pris cette décision après concertation avec le président François Hollande. Il était clairement apparu que même le groupe parlementaire du PS hésitait à voter la nouvelle loi qui doit son nom au ministre de l’Economie PS et ancien banquier d’affaires chez Rothschild, Emmanuel Macron. Des sources proches de l’Elysée ont dit à Reuters avoir voulu éviter un échec de la loi, un risque que « l’exécutif n’a pas voulu prendre compte tenu de l’importance de cette loi pour notre économie. »

La loi Macron représente une attaque majeure de la classe ouvrière. Ce texte qui comporte plus de 200 articles rend plus difficile aux travailleurs d’engager des poursuites en cas de licenciement abusif, il permet aux employeurs d’exiger des heures de travail accrues le dimanche sans paiement d’heures supplémentaires, il prévoit une refonte générale de diverses prestations juridiques et médicales ainsi que de nombreuses privatisations d’entreprises publiques.

Le projet de loi avait entraîné l’année dernière de nombreuses manifestations de salariés contre le travail du dimanche sans paiement d’heures supplémentaires dans les services, ainsi que des professions libérales et médicales qui dénoncent la libéralisation de leurs professions.

Valls a dit que la décision avait été prise pour éviter que Hollande, dont les guerres et les mesures d’austérité ont fait le président le plus impopulaire de la France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ne soit irrémédiablement fragilisé. « Au moment où je parle, le texte ne passe pas, » a dit Valls aux députés de l’Assemblée nationale. « Nous sommes dans un moment où, en conscience, on ne peut pas affaiblir le chef de l’Etat et le gouvernement. »

Le recours à l’article 49-3 par le gouvernement met plus encore en évidence le manque total de légitimité politique des mesures d’austérité du PS et de l’Union européenne (UE). Un sondage réalisé l’an dernier a montré que la politique économique de Hollande ne recueillait que 3 pour cent d’avis favorables, une indication du sentiment de révolte croissant devant le chômage et la stagnation économique dans la classe ouvrière. Le PS a donc imposé de force sa politique réactionnaire, dans un mépris total de la classe ouvrière et sans la feuille de vigne d’un soutien parlementaire.

La dernière fois qu’on avait eu recours à l’article 49-3, le PS avait hypocritement dénoncé le gouvernement. C’était en 2006, le premier ministre d’alors, Dominique de Villepin (UMP), avait tenté d’imposer son impopulaire Contrat première embauche (CPE) face à une contestation de masse dans la jeunesse. « Le 49-3 est une brutalité, le 49-3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire, » avait dit Hollande à l’époque.

Quant aux partis et formations politiques qui siégent à l’Assemblée nationale et critiquent actuellement le gouvernement PS – UMP et Front de Gauche en tête, une coalition d’alliés de longue date du PS – leur opposition n’est pas moins hypocrite. Ils ont tous, des décennies durant, conçu les coupes sociales contre la classe ouvrière et aidé à les imposer. Leur décision de ne pas voter en faveur de la loi Macron, comme celle de certains groupes d’élus du PS, n’est qu’une lâche tentative de cacher leur soutien pour des mesures d’austérité impopulaires.

Marine Le Pen, la dirigeante du Front national (FN) néofasciste, a réagi au recours à l’article 49-3 en réclamant la dissolution du parlement et la tenue de nouvelles élections législatives. Dans de telles élections, le PS subirait de lourdes pertes électorales et perdrait le pouvoir, alors que le FN enregistrerait des gains substantiels. Valls, a dit Le Pen « devrait présenter la démission de son gouvernement… Le gouvernement avoue lui-même qu'il n’a plus de majorité [à l’Assemblée nationale] ».

Le gouvernement PS escompte clairement que la manoeuvre du 49-3 affermira sa majorité parlementaire et fournira une couverture politique aux factions du PS qui sont plus proches des organisations de la pseudo-gauche, dont le Front de Gauche (FdG) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

Les fractions du PS proches de l’ancien ministre de l’Industrie Arnaud Montebourg, (les « frondeurs ») qui avaient critiqué la politique économique du PS l’année dernière et pourraient se voir politiquement démasqués s’ils votaient ouvertement pour la loi Macron, seront ainsi en mesure de voter la confiance au gouvernement Valls. Un tel vote, non seulement préserverait le gouvernement, et leurs propres sièges, mais leur permettrait aussi de justifier cyniquement leur vote comme étant indispensable pour stopper la montée du FN.

Pour les travailleurs, la seule façon d’aller de l’avant est une large mobilisation de la classe ouvrière dans une lutte politique contre l’UE et le gouvernement Hollande. Une telle lutte est systématiquement bloquée par le Front de Gauche, le NPA et les syndicats qui ont tous soutenu Hollande lors de l’élection présidentielle de 2012 et qui continuent d’appuyer le gouvernement PS. Ils ont isolé les mouvements d’opposition de divers secteurs de la classe ouvrière et de la classe moyenne contre la loi Macron et cherché à empêcher qu’ils ne se transforment en lutte plus large contre le gouvernement et le système capitaliste en général.

Au moment où la bourgeoisie élabore sa stratégie pour imposer une austérité continue en dépit d’une colère populaire de masse, une réactionnaire division politique du travail voit le jour. Alors que les forces de la pseudo-gauche et les « frondeurs » du PS entravent une lutte unie de la classe ouvrière et encouragent les illusions dans une opposition parlementaire au PS, les fractions du PS plus proches de Hollande et de Valls collaborent directement avec l’UE pour planifier et justifier de nouvelles attaques contre la classe ouvrière.

Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et ancien ministre de l’Economie et des Finances de Hollande, a demandé que le gouvernement français développe un programme de libéralisation et d’austérité plus ambitieux, qui aille au-delà de la loi Macron. « Je pense que la France peut et doit avoir ça, » a-t-il dit la semaine dernière.

(Article original paru le 18 février 2015)

Voir aussi:

La pseudo-gauche française cherche à bloquer l’opposition au programme d’austérité du Parti socialiste [30 décembre 2014]

Le Nouveau parti anticapitaliste orienté vers ceux qui critiquent Hollande au sein du Parti socialiste [23 septembre 2014]

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