Le gouvernement allemand augmentera son budget de la défense de 8 milliards d’euros

L’Allemagne augmentera massivement ses dépenses militaires et les mettra à niveau d’ici 2019. C’est ce que spécifient des points-clés du budget pour 2016 et de la programmation financière, adoptés la semaine dernière par le gouvernement allemand. Au cours des quatre prochaines années, l’armée sera dotée de quelque 8 milliards d’euros de plus que prévu précédemment.

Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble avait annoncé au début du mois que le budget militaire ne serait pas augmenté d’ici 2017. Initialement, il aurait même dû être réduit d’environ 500 millions d’euros. A présent, ce budget doit être augmenté de 1,2 milliard d’euros dès l’année prochaine. L’augmentation approuvée signifie une hausse de 1,7 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu. Les dépenses militaires passeront successivement à plus de 35 milliards d’euros d’ici 2019.

La hausse rapide des dépenses militaires, un accroissement de plus de 6,2 pour cent, annonce une nouvelle étape dans la résurgence du militarisme allemand. Après une campagne médiatique qui a duré des mois et réclamait une mise à niveau et un déploiement plus important de l’armée allemande à l’étranger, le gouvernement profite de l’occasion pour agir.

Selon les documents-clés fuités aux médias, les dépenses supplémentaires couvrent, entre autres, « un nombre plus grand d’engagements au sein de l’OTAN ». L’Allemagne joue un rôle de premier plan dans l’expansion, dirigé contre la Russie, de l’OTAN en Europe de l’est. Elle participera à la force de réaction très rapide (Very High Readiness Joint Task Force) avec 2.700 soldats qui pourront être rendus opérationnels en l’espace de 48 heures.

Depuis le début de l’année, la direction de la Force de réaction de l’OTAN (Rapid Response Force, NRF) incombe au Corps1 German-Netherlands stationné à Münster (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Selon le site internet officiel de l’armée allemande, 4.000 soldats allemands attribués à la NRF furent déclarés « prêts au combat » l’année dernière. Le noyau de la troupe de la NRF est formé par le bataillon 371 de grenadiers de chars stationné à Marienberg (Saxe) qu’on prépare depuis fin 2013 en vue des « déploiements imposés par le traité. »

Le renforcement de l’OTAN en Europe de l’est n’est pas l’unique projet devant être financé grâce à de nouveaux fonds. L’élite allemande est en train de monter une armée grâce à laquelle elle pourra défendre ses intérêts géostratégiques et économiques à l’échelle mondiale. On estime à 300 millions d’euros supplémentaires par an le coût d’un autre point-clé du document, appelé par euphémisme « dépenses supplémentaires globales pour des investissements dans notre avenir ».

Dans sa dernière édition, l’hebdomadaire Die Zeit a qualifié de « nouvelle ère de la politique fiscale » cette hausse du budget de la défense, prévue de longue date et à présent introduite avec succès. Cela signifie : « Les ressources doivent aller avant tout aux services qui sont pertinents pour de ‘futures tâches’. Selon le ministère des Finances, il s’agit des services de l’éducation et du transport – et, à la lumière des défis géopolitiques, ceux de la défense et de la coopération au développement. Au besoin par contre, les dépenses sociales devraient être économisées. »

En d’autres termes: la classe ouvrière doit supporter le coût du militarisme à deux égards. Elle doit être la chair à canon des « futures tâches » de la guerre et elle doit subir davantage de coupes dans les dépenses sociales afin de financer le réarmement. Dans le même temps, l’appareil de répression de l’Etat sera développé dans le but de militariser la société et de faire face à l’opposition de l’écrasante majorité de la population.

Outre l’armée, les agences de renseignement et de sécurité doivent également être élargies. La police, l’Office fédéral de la police criminelle (BKA) ainsi que l’Office fédéral de protection de la constitution (Bundesamt für Verfassungsschutz, BfV) devraient être dotés au total de 750 nouveaux postes et de 328 millions d’euros supplémentaires sur la période 2016-2019. La dotation du ministère de l’Intérieur augmentera de 6,7 pour cent pour passer l’année prochaine à 6,6 milliards d’euros. Plus de 200 millions d’euros seront directement versés aux installations de la police et de l’Office fédéral de la police criminelle.

Il ne peut y avoir de doute que les augmentations des budgets des ministères de l’Intérieur et de la Défense ne sont que le début d’un renforcement bien plus général. L’élite allemande est en train d’élaborer, sous les auspices du soi-disant Livre blanc de 2016, une nouvelle stratégie de politique extérieure beaucoup plus agressive et où les interventions de l’armée allemande jouent un rôle primordial.

La première réunion du groupe de travail sur le Livre blanc « Perspectives de la Bundeswehr » a clairement indiqué dans quelle direction les choses allaient. Le dirigeant du groupe, le journaliste Thomas Wiegold, a dit dans un clip vidéo produit par l’armée que le groupe voulait formuler des recommandations quant « aux capacités à long terme dont l’armée a besoin ou bien… comment mettre à contribution les chevaux-vapeurs. » Il a toutefois dit ne pas pouvoir imaginer « avoir déjà des cases à cocher disant qu’il nous faut tant de chars, tant de roquettes et tant de nouvelles capacités. »

André Wüstner, le président de l’Association de la Bundeswehr, a salué l’augmentation du budget de la défense comme « une très bonne journée pour l’Allemagne. » Il avait réclamé, en amont de la conférence de Munich sur la sécurité, que les forces armées allemandes atteignent une « capacité opérationnelle optimale » et soient « prêtes à la guerre. »

Wüstner a dit être « très content que le gouvernement reconnaisse les signes du temps et décide d’effectuer maintenant de considérables ajustements. Le cadre de la politique de défense à notre époque, la crise en Ukraine, dans le nord de l’Irak et en Syrie nécessite des investissements urgents. Ceci vaut tant pour le réaménagement indispensable de l’infrastructure que pour l’achat d’un équipement qui fait cruellement défaut. »

L’attention ne devrait pas seulement se porter sur « les grands projets de la défense, » a ajouté Wüstner. Selon un communiqué de presse publié par l’Association de la Bundeswehr, les « petites mesures d’approvisionnement relatives à l’entraînement, aux exercices et aux exigences de base et qui importent pour atteindre une capacité opérationnelle, » sont tout aussi importantes.

Selon l’Association, une augmentation du budget de la défense ne suffit pas. Egalement nécessaire est une expansion de l’armée. Selon Wüstner, 5.000 nouveaux postes au moins devraient venir s’ajouter à l’actuel complément de soldats temporaires ou engagés.

(Article original paru le 20 mars 2015)

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