Dix ans après la mort de deux jeunes de Clichy sous Bois, la police est relaxée

Dix ans après la mort de deux jeunes de banlieue, Zyed et Bouna, électrocutés à la suite d’une course poursuite avec la police, qui déclencha plusieurs jours d’émeutes à travers la France, la justice a décidé de relaxer les deux policiers. Cette décision témoigne de l'impunité dont jouit la police, alors que le gouvernement PS et toute la bourgeoisie dépendent toujours étroitement de la police et de la stimulation de l'hystérie sécuritaire pour asseoir son pouvoir. 

Les arguments du tribunal pour laver la responsabilité de la police dans la mort des deux jeunes sont absurdes. Il a considéré que ni Stéphanie Klein, la policière stagiaire qui assurait ce soir-là la permanence téléphonique du central, ni Sébastien Gaillemin qui a participé à la course poursuite, n'avaient eu «une conscience claire d'un péril grave et imminent»

Des faits matériels entendus par le tribunal contredisent directement cette déclaration. Quand Gaillemain a observé que les jeunes se réfugiaient dans une centrale électrique, il a déclaré, «S'ils entrent ici, je ne donne pas cher de leur peau». Le tribunal a jugé que cette phrase n'établissait pas que le policier avait conscience d'un danger mortel encouru par les adolescents. 

Le tribunal s'est même permis de prédire que «si Sébastien Gaillemin avait eu conscience d’un péril grave et imminent, il n’aurait pas manqué de réagir». 

A l'ouverture du procès, le président du tribunal Nicolas Léger avait lui-même pris soin de lancer une sorte d'avertissement, en soulignant que ce procès ne saurait être «le procès de la police dans son ensemble, ni celui des émeutes de 2005, ni celui des interventions politiques des uns et des autres sur ces événements». 

En fait, la justice a cherché à éviter que le procès des deux policiers devienne le procès de la police et des politiques sécuritaires menées par des gouvernements du PS et de la droite. Celles-ci ont créé l'atmosphère de confrontation permanente et toujours plus militarisée entre la police et les jeunes de banlieue, dans laquelle les deux jeunes ont trouvé la mort. 

Le policier était évidemment conscient du risque d’électrocution couru par les deux jeunes et il n’a pas essayé de leur apporté secours. La justice a dédouané les deux policiers, mais elle ne voulait surtout pas remettre en cause plus largement la violence, les insultes et les arrestations arbitraires dans les quartiers d’immigrés et pauvres par la police. Celles-ci sont devenues un élément clé de la politique sécuritaire, proche de l'extrême droite, menée par le gouvernement Hollande, qui mettent en place les infrastructures d’un Etat policier. 

A la suite de la décision de justice, les familles des victimes ont vivement protesté. Leur avocat, Jean Pierre Mignard, a déclaré devant les médias: «Il y avait des panneaux partout, “danger de mort”, “danger de mort” (…) Ce sont des écoliers. Dans le trafic radio, les policiers les appellent “les enfants”. Un policier qui a fonction de protection n’a pas l’idée d’appeler? C’est scandaleux.» 

Il a ajouté, «C'est une décision choquante. Après 10 ans (...) il n'y a rien dans ce jugement qui reprenne le travail des parties civiles. Nous n'admettrons pas que l'on puisse de manière aussi désinvolte ne pas tenir compte de notre argumentation».

Le gouvernement PS participe au blanchiment de la police: ni Valls ni son ministre de l’Intérieur Cazeneuve n’ont commenté la décision de justice. 

Les milieux néo-fascistes ont bruyamment applaudi le tribunal. La députée FN du Vaucluse, Marion Maréchal Le Pen, a déclaré: «Ce verdict prouve que la racaille avait bien mis la banlieue à feu et à sang par plaisir et non à cause d'une bavure policière.» 

Le maire UMP de la ville de Nice, Christian Estrosi, a considéré qu'après les manifestations nationales suite aux attentats contre Charlie Hebdo, toute critique de la police était illégitime. Il a déclaré que «Dix ans que ces malheureux policiers sont mis en examen. Ils sont relaxés aujourd'hui. On ne peut pas le 11 janvier dernier défiler dans les rues de France pour la première fois en applaudissant les policiers, les forces de l'ordre et les forces de sécurité intérieure, et en même temps les traîner dans la boue surtout lorsqu'ils vont à la reconquête de territoires perdus de la République.» 

La déclaration d’Estrosi reflète la position politique de la bourgeoisie. Elle considère les quartiers ouvriers et immigrés comme des «territoires perdus» que la police doit reconquérir et soumettre à une terreur quasi constante pour asseoir l'autorité de l'Etat. Dans ce contexte de tension politique immense, marqué par des tensions sociales aiguës à travers l'Europe et la profonde dégénérescence de la démocratie française, la classe dirigeante ne tolère aucune mise en cause de la police. 

La mort de Zyed et Bouna fut une expérience fondamentale. En réponse aux émeutes qui se développaient dans toute la France, qui ont été les plus importantes agitations depuis 1968, le gouvernement Chirac décréta l’état d’urgence pendant trois mois, suspendant les droits civiques. 

Pendant les émeutes de 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a construit sa réputation sur une plateforme agressive du tout sécuritaire, promettant de nettoyer au Kärcher «la racaille» et «la gangrène» des cités. Il avait annoncé aussi que dix-sept compagnies de CRS et sept brigades mobiles seraient postées en permanence dans les cités «difficiles» et que des policiers en civil identifieraient «les meneurs, les trafiquants et les caïds». 

En 2007 et 2012, des soulèvements ont aussi eu lieu à la suite de bavures de la part de la police qui ont été réprimées comme en 2005. Ces événements ont accéléré les préparatifs de l’Etat pour détruire les droits démocratiques fondamentaux en France et imposer un Etat policier.

A travers le monde, suite à la crise économique déclenchée par le krach boursier de 2008, la police est de plus en plus militarisée et la surveillance électronique de la population entière se développe à grands pas. En France, le mécontentement social énorme avec la politique d'austérité et de guerre de Hollande a provoqué l'effondrement politique du PS. Celui-ci fonde son pouvoir directement sur la police, l’armée et les services de renseignement, et ceci très ouvertement depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher.

Alors que la classe dirigeante se sent toujours plus menacée, protégée uniquement par la violence policière, l'Etat capitaliste devient de plus en plus ouvertement un Etat policier qui confronte les masses ouvrières en tant qu'ennemi.

Hollande a fait déployer des dizaines de milliers de militaires sur le territoire national, tout en instaurant une loi sur le renseignement légalisant l’espionnage de masse par les agences de renseignement. Hollande a aussi promu le FN, qui a un soutien large dans l’armée et dans la police, en recevant Marine Le Pen à l’Elysée.

La bourgeoisie se prépare à une guerre civile avec la classe ouvrière et notamment avec les jeunes des quartiers composés en majorité d’ouvriers immigrés et pauvres. La relaxe des deux policiers par la justice est un avertissement pour la classe ouvrière: la justice donnera un chèque en blanc à la police pour réprimer physiquement la classe ouvrière et allant même jusqu’à entrainer la mort, comme cela a été le cas avec Zyed et Bouna.

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