La France augmente ses dépenses militaires et recrute plus de jeunes dans l’armée

Mercredi 20 mai, le Conseil des ministres a approuvé un document de 109 pages revoyant la Loi de programmation militaire de 2014-2019 adoptée suite à la publication par le gouvernement du Parti socialiste d’un livre blanc sur la stratégie militaire en 2013. La loi actualisée doit être débattue et votée au parlement en juin.

Ce document prévoit un supplément de dépenses militaires de € 3,8 milliards entre 2015 et 2019, ce qui porte le budget total de la Défense pour cette période à €162,4 milliards. C’est là la première hausse importante des dépenses militaires françaises depuis un quart de siècle. Outre ces nouvelles dépenses, est prévu le déploiement permanent de 7000 à 10.000 soldats sur le territoire français, ainsi qu’un renforcement des forces navales et aériennes et du nombre de soldats disponibles pour des opérations militaires à l'étranger. Le dispositif de l'armée passera de 66.000 à 77.000 hommes l’année prochaine.

Le gros de ces nouvelles troupes se battra dans les guerres extérieures. Selon Le Monde, « il faut aussi pouvoir fournir des effectifs suffisants et formés pour les opérations militaires extérieures, dont le rythme est maintenu à un niveau élevé, du Sahel à l’Irak ».

Les dépenses supplémentaires iront aussi à la cyberguerre, à l'aéronautique et aux services de renseignement. Environ un milliard d'euros seront consacrés à l'achat de nouveaux équipements dont sept hélicoptères d'attaque, six hélicoptères de transport de troupes, et deux patrouilleurs en mer.

Mais surtout, la France augmente la taille de son armée alors que des masses de jeunes sont au chômage dû à la profonde crise économique du capitalisme européen. Environ 13 000 jeunes seront recrutés cette année, l'armée ayant recruté 10 000 jeunes en 2014. Lors d'une conférence de presse le 19 mai le chef d’état-major, le général Jean-Pierre Bosser, a annoncé que « l’armée de terre [allait] devenir le premier recruteur de France ». Il a appelé cela « un objectif sans précédent, un effort extrêmement important ».

Le programme de réarmement de la France s’accompagne de coupes massives dans les dépenses sociales et de mesures draconiennes d’Etat policier pour faire face à la colère sociale grandissante contre l'austérité et la guerre dans la classe ouvrière. L'augmentation des dépenses militaires doit être compensée par € 3 milliards de coupes dans les soins de santé, le logement et l'éducation.

La campagne réactionnaire de réarmement en France fait partie d'une vaste escalade militaire en Europe. Notant que onze pays européens avaient augmenté leurs dépenses militaires en 2013 et 2014, dont la Pologne (14,33 pour cent), la Hollande (2,6 pour cent) et la Suède (7,18 pour cent), le document adopté le 20 mai affirme que la France restait simplement dans la course et suivait la tendance européenne générale.

Le document évoque tout particulièrement les plans de réarmement allemands. Il dit, « l’Allemagne, qui affichait jusque très récemment une volonté déflationniste, a annoncé en mars dernier une hausse substantielle de son effort de défense à court et moyen termes. Dès 2016, l’Allemagne dépensera 1,2 milliards d’euros supplémentaires (pensions comprises). Cette hausse soutiendra l’objectif d’augmenter de 6,2 % le budget de la défense en cinq ans ».

Le réarmement des principaux pouvoirs impérialistes européens est un avertissement à la classe ouvrière internationale de la faillite de l'ordre social. Entraînées par une crise économique et sociale pour laquelle elles n’ont pas de solution et par les catastrophes croissantes produites par leurs guerres au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe orientale, les classes capitalistes européennes réarment furieusement, comme elles l’ont fait avant la Première et la Deuxième guerre mondiale au 20ème siècle.

Comme les guerres et les nouvelles dépenses militaires sont profondément impopulaires chez les masses de gens ayant à faire au chômage et à l'austérité, le gouvernement français se sert d’arguments faux et hypocrites pour faire croire que sa campagne de réarmement a pour but de protéger les Français du terrorisme.

Le document explique: « Les attaques terroristes de janvier 2015 à Paris ont ainsi montré que la France, comme les autres États européens, est directement exposée à une menace terroriste ayant pris des dimensions sans précédent, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Parce que cette menace ne s’arrête pas aux frontières, ces attentats illustrent l’imbrication croissante entre la sécurité de la population sur le territoire national et l’action de la France à l’extérieur de ses frontières ».

Cela implique non seulement une escalade massive de mesures pour un Etat policier et militaire, mais l’engagement de la part de l'armée française à réoccuper de vastes pans de l'ancien empire colonial francais en Afrique et au Moyen-orient. Le document dit, « Cette menace terroriste militarisée constitue un défi considérable combattu dans la bande sahélo-saharienne, zone aussi vaste que notre continent, ou en Irak contre Daesh. Elle nécessite notamment un effort conséquent dans les domaines du renseignement, de la mobilité et de la réactivité des forces ».

En fait, la montée des forces islamistes au Sahel et en Irak sont en grande partie le produit des guerres par procuration de l'OTAN en Libye et en Syrie, soutenues avec enthousiasme par l'impérialisme français. Au cours de ces guerres, l'OTAN s’est appuyé sur les forces d'Al-Qaïda pour renverser des régimes dans le collimateur des puissances occidentales. Les puissances de l'OTAN n’ont pas abandonné leur dépendance vis-à-vis des forces islamistes en Libye et en Syrie, et l'affirmation selon laquelle elles sont engagées dans une «guerre contre le terrorisme» est un mensonge réactionnaire.

Mais surtout, le réarmement en France et à travers l'Europe n’est pas dirigé principalement contre des groupes terroristes et de guérilla mal armés, mais se fait en vue de conflits militaires entre Etats.

Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a justifié l'étude stratégique et la décision d'augmenter les dépenses militaires en pointant la marée montante des guerres autour de l'Europe. Il a écrit, « Devant les évolutions du contexte stratégique, la France a donc fait le choix d’augmenter son budget de défense dans les prochaines années ».

Le document de revue des dépenses stratégiques militaires souligne « une dégradation certaine de la situation internationale et l’augmentation durable des risques et des menaces identifiés. Elles nécessitent la consolidation de notre effort de défense ».

Un point important du document est la campagne de l'OTAN menaçant la Russie de guerre.Une campagne commencée après le coup d'Etat dirigé par les fascistes et appuyé par l'OTAN en Ukraine pour évincer le président pro-russe Viktor Ianoukovitch en février dernier, et qui a conduit à la guerre civile en Ukraine. Comme l’a dit le président français plus tôt cette année, le conflit avec la Russie, pourrait conduire à la « guerre totale ».

 

Selon ce même document, « la crise ukrainienne repose d’une façon inédite depuis de nombreuses années, la question de la sécurité internationale et de la stabilité des frontières sur le continent européen lui-même ».

Cette déclaration, faite dans le cadre du réarmement simultané des principales pouvoirs impérialistes européens, souligne le fait qu’il s’agit de bien plus que des forces liées à Al-Qaïda, ou même du danger de guerre avec la Russie. Des conflits aux racines historiques profondes, entre l'impérialisme allemand et français surtout, émergent rapidement.

Les critiques dans la presse française de la promotion de Bismarck en Allemagne, l’homme qui a organisé la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne de 1870, et la récente publication d'un livre de Jean-Luc Mélenchon dénonçant l'Allemagne comme un « poison » en Europe, témoignent de ces tensions croissantes.

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(Article original publié le 23 mai 2015)

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