La tournée européenne de lobbying pour une réforme de l'UE du premier ministre britannique Cameron

La semaine d'offensive diplomatique du premier ministre britannique David Cameron en Europe s’est terminée par un apparent succès vendredi, quand la chancelière allemande Angela Merkel a indiqué que le traité de Lisbonne pourrait être révisé conformément à ses exigences. 

Elle a toutefois souligné en même temps que l'intégration européenne se poursuivrait, mais sur la base d'un modèle « à deux vitesses » qui laisserait la Grande-Bretagne à l'extérieur d'un noyau franco-allemand. 

Les conservateurs se sont engagés à tenir un référendum sur le maintien de la Grande Bretagne dans l'Union européenne (UE) avant la fin de 2017 -- malgré qu'ils aimeraient en tenir un plus tôt en 2016 étant donné l'impact d'une telle incertitude politique sur l'économie britannique. 

Cameron réclame une exclusion du Royaume-Uni de la campagne de l'UE pour une « union toujours plus étroite ». Il veut pour le parlement britannique des pouvoirs supplémentaires pour bloquer la législation de l’UE et des mesures pour limiter la liberté de mouvement des citoyens européens. Les nouveaux migrants qui travaillent devront attendre quatre avant de toucher des prestations liées à leur emploi. 

Il a calculé que sa nouvelle majorité obtenue le 7 mai et la menace de quitter l'UE renforceront sa main. Le ministre des Affaires étrangères Philip Hammond a averti que, « Le premier ministre est très clair dans ses négociations avec ses homologues européens que si nous n'arrivons pas à assurer sur ces grands sujets de préoccupation du peuple britannique, nous ne gagnerons pas le référendum. » 

Dans l'ensemble, ces hypothèses se sont avérées fausses. Aucun des dirigeants de l'UE ne veut que la Grande Bretagne quitte l'UE, car ce serait un coup dévastateur surtout avec la menace d'une sortie de la Grèce de l’eurozone, les lourdes pertes du Parti Populaire espagnol au pouvoir aux élections régionales et l'élection comme président en Pologne d’Andrzej Duda du Parti Droit et Justice droitier et anti-UE. 

Mais Cameron a été accueilli avec un ressentiment parfois manifeste du fait qu'il menace la stabilité de l'UE à un tel moment et qu'il fait des demandes allant contre les intérêts des autres Etats membres. En outre, beaucoup d'entre eux calculent que Cameron fait du théâtre politique et se prêtera à un accord pour sauver la face. 

C’est pourquoi Mme Merkel a déclaré, sur une révision du traité de Lisbonne, qu'il était d'abord nécessaire de clarifier « ce qui doit être changé. Est-il nécessaire de modifier le traité, peut-il être modifié via un processus secondaire? Mais, bien sûr, si vous êtes convaincu d'un contenu, d'une substance, alors nous ne devrions pas dire, eh bien, changer le traité est totalement impossible ». 

Mme Merkel a déclaré que l'Allemagne espérait que « la Grande-Bretagne resterait dans l'UE. » Mais pour ce qui était d’accorder à la Grande Bretagne une dérogation à la promesse du Traité de Rome de 1957 de créer une « union toujours plus étroite », a-t-elle répliqué, « L'Europe à deux vitesses est effectivement notre réalité actuelle ... et je n'ai aucun problème du tout avec le principe de vitesses différentes à l’avenir. » 

C’était là une déclaration assez nette que l'Allemagne et la France ont entrepris de dominer un groupe restreint de pays de l'UE, le Royaume-Uni restant à la périphérie du marché commun avec des économies plus faibles et en crise, comme la Grèce. 

Une mesure de l'hostilité allemande envers les actions de Cameron a été fournie par Volker Treier, le directeur général adjoint de la Chambre allemande de commerce et d'industrie. Après qu’il ait qualifié la décision de tenir un référendum d’« étonnante », la BBC lui a demandé jusqu'où Merkel irait pour satisfaire les demandes de la Grande-Bretagne. « Notre recommandation est de ne pas négocier dans de telles circonstances, » a-t-il répondu. 

Avant l'Allemagne, Cameron a visité les Pays-Bas, la France et la Pologne – les deux derniers jours d'une ‘offensive de charme’ commencée au Forum du Partenariat oriental à Riga. Là, il a parlé avec les dirigeants de la Suède, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Bulgarie et de la Pologne et dîné lundi avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. 

Cameron avait initialement prévu de visiter le Danemark, mais l'instabilité croissante de l'Europe l'en a empêché. Bien que le Danemark ait négocié avec succès des dérogations au traité de Lisbonne, Cameron n'aurait pas reçu un accueil chaleureux même s'il y avait été. Le Premier ministre danois, Helle Thorning Schmidt, tente de repousser ses rivaux conservateurs, en adoptant une pose anti-austérité. 

Cameron a obtenu son meilleur accueil aux Pays-Bas. À La Haye, il a déclaré que le Royaume-Uni et les Pays-Bas étaient « de vieux amis et alliés aux vues similaires ». Du premier ministre néerlandais Mark Rutte il a dit, « Nous avons collaboré en veillant à ce que le budget européen soit sous contrôle, nous avons collaboré sur des accords commerciaux avec d'autres parties du monde, nous avons collaboré sur une perspective forte, pro-marché, pro-entreprise. Donc, nous allons discuter de tout cela et de mes plans pour une réforme européenne ». 

Il faisait allusion à une proposition néerlandaise de 2013 appelant à moins de réglementation de l'UE et à un soutien pour une extension du marché libre au secteur des services.

En Pologne, où le gouvernement partage les panacées économiques de droite des conservateurs britanniques, la politique de Cameron sur les droits sociaux des migrants de l'UE lui a néanmoins garanti un accueil glacial. 

Après un petit-déjeuner avec le premier ministre Ewa Kopacz, un porte-parole de Downing Street a déclaré: « Il y avait beaucoup de points d'accord: rendre l'Europe plus compétitive en renforçant le marché unique, réduire les formalités administratives, assurer l'équité entre les euros qui entrent et eux qui sortent et plus de subsidiarité, le respect de la souveraineté des Etats membres ".

Il a ajouté, dans une belle litote, qu'« il y avait des questions concernant l'interaction entre la libre circulation et les systèmes nationaux de protection sociale dont il faudrait encore discuter. » 

Kopacz a déclaré avoir dit à Cameron qu'elle « s'opposait fermement à des mesures qui pourraient conduire à des discriminations contre les Polonais et d’autres citoyens de l'UE cherchant un emploi légal au Royaume-Uni. » Quelques 700.000 citoyens polonais résident et travaillent en Grande-Bretagne. 

Plus significatif encore a été l'accueil assez hostile de Cameron en France, pays vu avec une hostilité particulière par la droite conservatrice et le parti UKIP qui la considèrent comme le représentant de tout ce qui ne va pas dans un capitalisme européen sur-réglementé. 

Cameron cherche depuis des années à enfoncer un coin entre Berlin et Paris, en exploitant le désir de l'Allemagne d'une plus grande déréglementation économique. Mais avant même sa visite à l’Elysée, la fuite d'un document au journal Le Monde, indiquant que la France et l'Allemagne étaient déterminées à maintenir les traités européens existants, donne une idée de la tonalité des événements de jeudi. 

Hollande, qui a devant lui une élection présidentielle en 2017 où le Front national anti-UE se profile en principal rival, a souligné qu'il n'y avait pas en France le désir de changer le traité de l'UE. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius avait précédemment dit, « nous voulons que la Grande-Bretagne reste dans l'UE. Nous soutenons les améliorations apportées à l'Union, mais nous ne pouvons pas en accepter le démantèlement. »

Fabius a reconnu la dangerosité de la situation pour la bourgeoisie européenne quand il a ajouté que « Le Royaume-Uni est l'une des plus grandes économies du monde. C'est une puissance militaire et une puissance diplomatique. Si un pays aussi important quittait l'Union européenne, cela donnerait une impression très négative de l'Europe ». 

Cameron veut parler aux dirigeants des 27 Etats membres de l'UE avant un sommet du Conseil européen le 25 juin. Sa frénétique navette diplomatique va non seulement devenir un centre d'hostilités inter-impérialistes croissantes entre puissances européennes en crise, elle va également creuser les divisions au sein des cercles dirigeants britanniques. Ceux-ci sont divisés sur le pari risqué de Cameron engageant les grands intérêts nationaux et commerciaux liés à l'accès de la Grande-Bretagne aux marchés européens et sa capacité d’influencer le continent sur le plan politique et militaire, pour son compte et celui des Etats-Unis.

(Article original publié le 30 mai 2015)

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