Perspectives

Hillary Clinton lance sa campagne pour la présidence des États-Unis

Hillary Clinton, la favorite du Parti démocrate aux élections présidentielles des États-Unis de 2016, a officiellement lancé sa campagne lors d'un rassemblement samedi dernier à New York. Son discours, donné devant un auditoire d'apologistes du Parti démocrate et de représentants syndicaux, était un mélange de démagogie creuse et de mépris pour l'intelligence de la population.

Le lieu du discours, Four Freedoms Park sur Roosevelt Island, avait été choisi pour draper Clinton de la symbolique du New Deal de Franklin Roosevelt. Mais c'est le mari de Clinton qui a ouvertement rejeté le passé réformiste, déjà lointain à l'époque, du Parti démocrate durant sa présidence. Une des politiques caractéristiques de son administration a été l'entente avec les républicains pour «mettre un terme à l'aide sociale telle que nous la connaissons», détruisant ainsi un des éléments clés du filet de sécurité sociale qui avait été mis en place dans les années 1930.

Dans la campagne de Clinton, on croit évidemment qu'il ne suffit que d'énumérer une liste de professions d'Américains de la classe ouvrière (travailleurs d'usine, serveurs, infirmières, camionneurs, etc.) pour que l'auditoire oublie les politiques anti-classe ouvrière mises en oeuvre tant par les démocrates que les républicains durant les quatre dernières décennies.

Dans son discours, elle a aussi profité du fait que si elle était élue, elle serait la première femme présidente, s'orientant ainsi vers le domaine des politiques identitaires qui avaient été utilisées pour vendre la candidature de Barack Obama.

La candidate démocrate a donné des exemples d'injustices économiques dans les États-Unis de 2015: «Les grandes sociétés font des profits records et les PDG font des salaires records, mais vos chèques de paie augmentent à peine. Tandis que beaucoup d'entre vous ont plusieurs emplois pour joindre les deux bouts, les 25 plus riches gestionnaires de fonds spéculatifs font plus que la totalité des enseignants de maternelle au États-Unis.»

On pourrait difficilement deviner par cette rhétorique pseudo-populiste qu'un président démocrate occupe la Maison-Blanche depuis maintenant six ans et demi et que Clinton a occupé un des postes les plus importants de cette administration. Sous Obama, l'aristocratie financière a profité de sa mainmise sur l'État afin d'exploiter la crise qui a éclaté en 2008 pour augmenter sa richesse et raffermir son emprise sur la vie économique.

Pour ce qui est du contenu véritable des propositions de Clinton, cela se résume essentiellement à des baisses d'impôts ou des incitatifs pour les sociétés. Rien n'a été proposé en termes de programmes d'emploi ou de mesures sérieuses pour contrer le chômage, la pauvreté et l'endettement de masse.

Clinton est une personnalité particulièrement douteuse pour débiter le genre de démagogie sociale propre à son discours. L'ancienne Première dame, sénatrice et secrétaire d'État a amassé avec son mari une fortune avoisinant les 100 millions de dollars pour ses décennies de services rendus au patronat. Les Clinton côtoient quotidiennement les milliardaires et les directeurs généraux d'entreprise.

À ce point-ci, la plupart des multimillionnaires ont arrêté leur choix sur Clinton comme prochaine présidente. Un récent sondage de CNBC a interrogé 750 millionnaires et révélé que 53% d'entre eux appuyaient Clinton contre le républicain Jeb Bush, soit 14 points de mieux qu'Obama pour le même groupe lors des élections de 2012.

Le discours de Clinton était remarquable pour son silence presque total sur la politique étrangère, mis à part quelques phrases menaçantes envers la Chine, la Russie, la Corée du Nord et l’Iran. Il s’agit d’une omission incroyable pour quelqu’un ayant été secrétaire d’État pendant quatre ans. Elle n’a pas mentionné les guerres en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye ou en Ukraine. Elle n’a rien dit non plus sur les guerres par drones ou l’espionnage des télécommunications de tous les Américains par la NSA.

De tous les candidats, Clinton est celle ayant les liens les plus étroits avec l’appareil militaire et de renseignement. D’abord lorsque son mari était président à la Maison-Blanche, suivi de huit années à servir sur la commission sénatoriale de forces armées, puis quatre ans comme responsable en chef de l’impérialisme américain à l’étranger.

Des millions de personnes ont voté pour Obama en 2008 dans l’espoir vain qu’il mettrait fin aux guerres déclenchées par l’administration Bush, pour finalement voir l’administration Obama-Biden-Clinton intensifier la guerre en Afghanistan, attaquer la Libye, intervenir en Syrie et au Yémen, puis relancer la guerre en Irak et provoquer en Ukraine et dans la mer de Chine méridionale des conflits avec la Russie et la Chine qui possèdent l’arme nucléaire. La classe dirigeante complote une guerre mondiale à l'insu du peuple américain.

Clinton a choisi de ne pas présenter son parcours politique lors du lancement officiel de sa campagne en raison du sentiment antiguerre largement répandu dans la population américaine. Le peuple ne se voit proposer aucune autre alternative qu’un candidat présidentiel républicain belliqueux et une démocrate aussi déterminée à utiliser la force militaire pour défendre les intérêts mondiaux de l’impérialisme américain.

Le lancement officiel de la campagne de Clinton ne sert qu’à illustrer la crise de direction aux États-Unis. Les deux mandats de l’administration Obama ont contribué à accroître l’hostilité avec laquelle de larges sections de la classe ouvrière voient les deux partis politiques.

La guerre, la crise financière, l’espionnage, la violence policière, la pire crise économique depuis la Grande Dépression: ces faits démontrent que le Parti démocrate, comme le Parti républicain, répond aux exigences de Wall Street et de l’appareil militaire et des agences de renseignement. Les deux partis prétendent avoir d’amères divergences, tandis qu’ils travaillent main dans la main pour défendre l’aristocratie financière et attaquer la classe ouvrière.

Clinton est actuellement la candidate démocrate favorite, mais le parti présente aussi des candidats moins en vue comme le sénateur du Vermont Bernie Sanders et l’ancien gouverneur du Maryland (et maire de Baltimore) Martin O’Malley afin de donner une couverture de «gauche» au parti. Le but est d’ainsi permettre aux syndicats et aux organisations de la pseudo-gauche qui gravitent autour du Parti démocrate de détourner la colère sociale derrière les démocrates.

(Article paru d'abord en anglais le 15 juin 2015)

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