Syriza mendie un accord auprès des institutions

Obama et Merkel présentent un front uni pour plus d'austérité en Grèce

Le président américain Barack Obama et la chancelière allemande Angela Merkel ont discuté de la crise grecque lors d’une réunion bilatérale avant le sommet du G7. L’agence Reuters rapporte ainsi les commentaires du porte-parole d'Obama: « les deux dirigeants ont convenu que la Grèce doit réformer et revenir à une croissance durable à long terme, et Obama espère qu'Athènes et ses partenaires peuvent tracer cette voie sans causer la volatilité des marchés financiers. ... " 

Lundi, Obama et Merkel ont augmenté la pression sur la Grèce. Interrogé pour savoir si les gouvernements européens étaient trop durs avec la Grèce, Obama a dit que le G7, le Fonds monétaire international (FMI) et d'autres institutions devaient montrer de la « flexibilité » mais qu’il y avait « un sentiment d'urgence.» Il avertit que « cela va exiger de la Grèce du sérieux au sujet de réformes importantes », et ajouta qu'ils « vont devoir continuer et faire des choix politiques difficiles qui vont être bons à long terme ». 

Merkel a déclaré: «Tout ce que je peux dire maintenant, c’est que nous voulons que la Grèce continue de faire partie de la zone euro », mais « la solidarité entre les pays européens et avec la Grèce signifie que la Grèce devra appliquer des mesures. » 

Les commentaires d'Obama sont accablants quant à la perspective de Syriza. Pendant des années, Syriza a fait l'éloge de la politique économique de l'administration Obama, c’était la voie à suivre. Depuis son arrivée au pouvoir, il a recherché le soutien des Américains et essayé de jouer Washington contre la politique d’austérité « dure » de l'Allemagne. 

Commentant la déclaration brutale du président américain, le Financial Times a fait remarquer, « En soulignant publiquement les obligations de la Grèce à un moment critique des négociations, M. Obama a fermé l'une des dernières soupapes de sécurité potentielles d’Athènes ». 

Syriza a été élu sur la vague d'opposition de masse à des années de coupes. Il a affirmé que par la négociation d'un « compromis honnête » avec les représentants du capital financier mondial, soutenu par l'administration Obama, il pourrait mettre fin à l'austérité. Mais le programme pro-capitaliste de Syriza n'a fait que donner l'initiative à l'oligarchie financière internationale et à démobiliser la classe ouvrière. 

Après la rupture des pourparlers entre le premier ministre Alexis Tsipras et les créanciers internationaux d'Athènes, le gouvernement grec est en train d'élaborer frénétiquement de nouvelles propositions. Vendredi soir, Tsipras a informé le parlement grec qu'il avait rejeté les nouvelles mesures d'austérité définies par l'UE, la BCE et le FMI. 

La réponse de l'UE a été dure, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a effectivement accusé Tsipras d’être un menteur. Il a dit dimanche que Tsipras avait « promis de présenter une deuxième proposition jeudi soir. Puis il a dit qu'il allait la présenter vendredi. Et puis il a dit qu'il allait appeler samedi ».

Juncker a dit qu'il n'avait rien vu. Il s'est plaint que Tsipras avait dit au parlement que « la proposition des trois institutions » était « une offre à prendre ou à laisser ». Il a ajouté, « Il sait parfaitement que ce n'est pas le cas. »

On aurait peut-être permis à Syriza de négocier tel ou tel point mineur dans les prochaines semaines mais le document de l'UE, la BCE et le FMI était bien un ultimatum, une liste de mesures d'austérité sauvages, la plupart censées être en vigueur d'ici le 1er juillet.

Les négociations sont sur le fil du razoir et Syriza se met en quatre pour trouver un accord sur la base d’une promesse d’imposer l'essentiel des mesures d'austérité exigées par les créditeurs de la Grèce.

Sans un accord, Syriza se verra refuser l’accès à un prêt de € 7,2 milliards, la dernière tranche de € 240 milliards de prêts accordés aux gouvernements grecs successifs depuis 2010 pour le service de la dette. Sans financement extérieur pour ses banques et en cas d’échec d’un accord avec les « institutions », la Grèce risque de faire défaut sur sa dette globale de plus de €300 Md.

Lundi, Athènes a annoncé que le ministre d'Etat Nikos Pappas, le chef du personnel de Tsipras, et le ministre des Affaires étrangères en alternance Euclid Tsakalotos sont allés à Bruxelles pour diriger la délégation de Syriza dans des négociations supplémentaires avec les institutions.

Selon le quotidien grec Kathemerini, « Athènes concentre son attention sur l'ajustement des mesures fiscales déjà proposées dans le but de se rapprocher de l'objectif de recettes fixé par les prêteurs ».

L’article de Kathemerini dit que si la Grèce était prête à faire des concessions supplémentaires, comme des restrictions sur « la retraite anticipée, une économie de 100 millions d'euros, elle ne semble pas prête à aller aussi loin que les prêteurs l’exigent en fait de réforme des retraites. Il y a aussi des divergences substantielles entre la Grèce et ses créanciers sur la question de la réglementation du marché du travail ».

Tsipras rencontrera Merkel et le président français François Hollande en marge d'un sommet de l'UE les 10 et 11 juin.

Lundi, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis s’est rendu à Berlin pour une réunion avec son homologue Wolfgang Schäuble. Dans une allocution à Berlin lundi soir, Varoufakis a dit que Syriza soutenait de nombreuses réformes, mais a mis en garde contre la réaction sociale violente inévitable que le gouvernement devra affronter s’il accepte d’imposer des coupes plus profondes à une population déjà totalement pauvre.

Il a dit, « Imaginez que si je me présentais à mon parlement et disais que pour sortir de cette crise il fallait amputer de 40 pour cent une retraite de € 350 et augmenter la TVA sur les produits pharmaceutiques... ». En même temps, Varoufakis a fait grand cas de son opposition à une augmentation des taxes sur la consommation d'électricité de 13 à 23 pour cent.

Plaidant avec les institutions pour une marge de manœuvre, il a dit, « Si vous continuez à enfoncer notre population dans la misère, nous ne serons jamais en mesure d’appliquer des réformes. Nous pouvons convaincre le peuple, mais pas si on nous oblige à lui faire accepter encore plus d’austérité ».

Obama, Merkel, Hollande et les « institutions » sont tous d’accord que Syriza doit imposer un degré d’austérité bien supérieur, mais dans les coulisses il y a des tensions entre eux. Lundi, la chaîne grecque Mega TV, s’appuyant sur ​​les commentaires d’un responsable allemand, a déclaré que le secrétaire américain au Trésor, Jack Lew avait récemment appelé Schäuble à « soutenir la Grèce ». Schäuble aurait répondu: « Donnez vous-même €50 milliards pour sauver la Grèce ».

Le journal britannique The Guardian a cité un journaliste de Berlin qui, parlant à Mega TV, a dit, « Là-dessus, le responsable américain n'a rien répondu parce que, comme c’est toujours le cas selon des responsables allemands, quand il s’agit d'argent, les Américains ne disent jamais rien ».

Il n’y a pas d’accord en vue et les banques grecques sont proches de l'effondrement. Craignant une sortie forcée de la zone euro, les épargnants continuent à retirer leur argent. Selon les chiffres les plus récents, le total des dépôts est maintenant en dessous de €130 milliards, le plus bas depuis 11 ans. Quelque € 4,9 milliards ont été retirés en avril. L'agence de notation Moody’s, a averti lundi que les pertes déjà déclarées au mois de mai augmentaient de manière « significative » le risque que des contrôles de capitaux, tel qu’une limite des retraits aux distributeurs de billets, soient nécessaires.

Dans un commentaire du Financial Times, Wolfgang Münchau a écrit que ce que les propositions de Syriza et des créanciers de la Grèce avaient « en commun, c’est que ni l’un ni l’autre ne remettraient de l’ordre dans l'économie grecque ». Les institutions cherchent « un seuil d'austérité qui est impossible, mais aussi nécessaire si la Grèce doit réduire ses dettes à un niveau plus viable tout en respectant ses obligations », a-t-il ajouté. Ceci, a-t-il conclu, est une « mauvaise combinaison ».

(Article original publié le 9 juin 2015)

 

 

 

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