Effondrement de la Grèce et menace de turbulences alors que Syriza impose le contrôle des capitaux

Le gouvernement Syriza a imposé dimanche un contrôle des capitaux et annoncé une fermeture des banques grecques après que la Banque centrale européenne (BCE) a dit vouloir geler les prêts d’urgence qu’elle avait accordés pour maintenir à flot les banques du pays.

La décision de la BCE d’appuyer le refus de l’Union européenne (UE), sous la conduite de l’Allemagne, d’atténuer sa demande d’attaques encore plus sévères sur les travailleurs et les retraités grecs que celles proposées par Syriza, a conduit Athènes à prendre des mesures d’urgence. La ruée des épargnants vers les banques grecques s’est amplifiée ce week-end après l’échec de négociations visant à éviter un défaut de paiement de la Grèce et qu’Alex Tsipras, dirigeant de Syriza et premier ministre grec, ait annoncé un référendum sur le plan d’austérité de l’UE pour le 5 juillet.

Loin d’être un exercice de démocratie, le referendum est une tentative cynique de transférer la responsabilité de la catastrophe qui s’abat sur la classe ouvrière grecque, de Syriza sur la population elle-même, et de fournir une couverture pour la capitulation de Syriza devant la campagne des banques internationales pour réduire la classe ouvrière à la misère.

La vraisemblance que la Grèce fasse défaut mardi sur un prêt de 1,6 milliards d’euros au Fonds monétaire international (FMI) et que la « troïka » -- UE, FMI et BCE – mette alors un terme à son programme de renflouement a accru la crainte de ventes en chaîne sur les marchés boursiers et obligataires à l’échelle mondiale, d’une spirale vers le bas de l’euro et d’une spéculation renouvelée contre la dette souveraine d’autres pays lourdement endettés de l’eurogroupe comme l’Espagne, le Portugal et l’Italie.

Le président américain Barack Obama a appelé dimanche la chancelière allemande Angela Merkel pour l’exhorter à conclure un accord qui maintiendrait la Grèce dans la zone euro. Le secrétaire américain au Trésor, Jack Lew, a appelé samedi la directrice du FMI Christine Lagarde et les ministres des Finances allemand et français pour leur délivrer le même message. Lew a réclamé « une solution durable » qui comporterait pour la Grèce un allègement potentiel de sa dette.

William Dudley, le président de la Fed de New York, a qualifié la crise grecque d’« énorme joker ». Il a prévenu qu’une sortie de la Grèce créerait un « énorme précédent » pour une réversibilité de l’adhésion à l’euro.

Lors d’une courte annonce télévisée, Tsipras avait déclaré dimanche que les banques grecques seraient fermées lundi. Les bourses resteront également fermées a-t-on indiqué de sources financières.

Des rumeurs circulent que les banques pourraient rester fermées jusqu’au référendum dimanche ou même au-delà. Le Financial Times écrit: « Des responsables ont dit que la fermeture des banques durerait plusieurs jours et s’accompagnerait de limitations… des transferts bancaires à l’étranger et des retraits aux distributeurs automatiques. » Les retraits d’espèces aux distributeurs automatiques ont été limités à 60 euros.

Suite à l’annonce par la BCE du gel de son programme de prêts aux banques grecques, la Banque centrale grecque a été forcée de démentir des rumeurs comme quoi son gouverneur, Yannis Stournaras, avait menacé de démissionner si un contrôle des capitaux n’était pas imposé.

Le parlement grec a voté dimanche en faveur de l’appel du gouvernement à un référendum. Pour remporter le vote, Syriza devait obtenir plus de 151 sièges sur les 300 que compte le parlement. Au bout de quatorze heures de débat, lors d’un vote par appel nominal, la proposition fut approuvée par 178 votes contre 120, deux députés étant absents.

Syriza a recueilli, avec le soutien des Grecs indépendant (Anel), son partenaire droitier de la coalition gouvernementale, un total de 161 votes. Les députés du parti fasciste Aube dorée ont voté en faveur du gouvernement.

Le parti conservateur Nouvelle démocratie et le PASOK social-démocrate qui, après avoir imposé de 2010 jusqu’à l’élection de Syriza en janvier une suite de programmes d’austérité, étaient pour une acceptation immédiate des nouvelles coupes sociales exigées et ont voté contre le referendum. Leur opposition au référendum fut soutenue par To Potami (La Rivière), une formation pro-UE, ainsi que le Parti communiste grec stalinien (KKE).

Yiannis Gkiokas, membre du comité central de ce parti, avait dit en amont du vote que le KKE était contre les deux propositions « celle des créanciers et aussi la proposition du gouvernement de 47 pages auxquelles des précisions ont été ajoutées durant toute cette période. »

Les pourparlers de Bruxelles qui ont échoué vendredi étaient centrés sur le déblocage pour Athènes de €7,2 milliards en prêts faisant partie de son précédent programme d'austérité. En plus du paiement au FMI de €1,6 milliard arrivé à échéance mardi, Athènes doit rembourser aux pays de la zone euro des bons du Trésor d'une valeur de € 2 milliards le 10 juillet et le 20 juillet des obligations d'une valeur de €3,5 milliards.

L’irresponsabilité des actions de l'UE, de la BCE et du FMI est extraordinaire. Ces institutions ont délibérément provoqué l’effondrement, aux implications financières et politiques incalculables, de l'économie d'un Etat membre de l'UE afin de bien souligner qu'il n'y avait pas d'alternative à l'austérité. Dans une conversation téléphonique avec Tsipras samedi, Merkel aurait déclaré que le référendum déterminerait si la Grèce aurait « l'euro ou la drachme. »

Après l'échec des négociations, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a dit aux journalistes, « la Grèce connaîtra de graves difficultés. » La BBC a fait remarquer qu'il a ensuite « haussé les épaules. »

Schäuble a répondu à la chaîne d'actualités allemande ZDF qui lui demandait dimanche s'il y avait une possibilité d'empêcher la défaillance de la Grèce mardi et sa sortie de l'euro: « Je ne crois pas. C'était déjà incroyablement ambitieux ... et que quelque chose se passe maintenant est vraiment exclu, mais Tsipras le savait hier. »

Lagarde a dit à la BBC samedi soir que « juridiquement parlant, le référendum portera sur des propositions et des arrangements qui ne sont plus valables. » Elle a ajouté que si la Grèce n'avait pas fait son paiement le 30 juin, elle n'aurait « plus accès au financement. »

Le Financial Times a mis en garde dimanche dans un article intitulé « Le calme des marchés devant la crise de la dette grecque prêt à se briser. » Il a déclaré: « On s'attend un peu partout à ce que l'escalade de la crise de la dette grecque ce week-end déclenche une forte réaction à l'ouverture des marchés financiers lundi, brisant le calme relatif qui a dominé les marchés au cours des dernières semaines ».

Le journal a ajouté: « Avec le refus de la [BCE] d'augmenter ses prêts d'urgence aux banques grecques et le rejet par les créanciers d'une extension du plan de sauvetage pour le pays, les investisseurs évalueront en toute urgence si les retombées seront limitées à la Grèce ou deviendront un événement mondial. »

Dans les heures qui ont précédé le vote parlementaire sur la tenue du référendum, la tension a monté alors que des milliers de personnes faisaient la queue pour retirer leurs euros aux distributeurs automatiques de billets. Le Guardian a fait remarquer que des députés faisaient eux-mêmes la queue. Des policiers armés patrouillaient près des différents distributeurs de billets.

Beaucoup de gens ont déjà retiré leurs économies de toute une vie et gardent l'argent à la maison. Entre lundi et mercredi de la semaine dernière, quelque €2 milliards ont été retirés (environ 1,5 pour cent du total des dépôts des ménages et des sociétés détenus par les banques à la fin avril).

La dernière fois que le contrôle des capitaux a été imposé dans un pays de l'UE c'était à Chypre, où les retraits bancaires étaient limités à €300.

Dimanche, le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis a rendu public le texte de sa déclaration à une réunion, tenue samedi, des ministres des Finances de l'eurogroupe. Elle montrait clairement les calculs cyniques derrière l'initiative d'un référendum.

Varoufakis a dit que l'ampleur de l'austérité exigée de Syriza allait trop loin, menaçait son gouvernement de chute imminente et d’une éruption d'opposition populaire. Il a dit que si Syriza acceptait les propositions et essayait de les faire passer « au Parlement demain, nous serions vaincus au Parlement avec le résultat qu'une nouvelle élection serait appelée dans le très long délai d'un mois, alors, avec l'attente, l'incertitude, la perspective d'une résolution réussie serait vraiment très diminuée. »

Varoufakis a averti: "[M] ême si nous réussissions à faire voter la proposition des institutions par le Parlement, nous serions confrontés à un problème majeur de propriété et de mise en œuvre. Bref, comme par le passé les gouvernements qui ont imposé des politiques dictées par les institutions ne purent pas garder le soutien du peuple, nous aussi nous échouerions. »

En clair, Tsipras et Varoufakis se servent de ce référendum comme d’un pistolet à la tête de la classe ouvrière grecque. Si le vote est en faveur de l'acceptation des termes des institutions, alors Syriza peut prétendre avoir été mis devant le fait accompli. Si le vote va contre, ils continueront à imposer leurs propres mesures d'austérité dans l'espoir que ce sera acceptable pour l'UE, la BCE et le FMI.

(Article original paru le 29 juin 2015)

 

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