Le Parlement grec vote le nouveau plan d’austérité de l’UE sans le lire

Après un débat qui a traîné jusqu’aux petites heures du matin, le parlement grec a adopté une vaste série de nouvelles coupes sociales et de « réformes » juridiques dictées par l’Union européenne.

Le plan d’austérité a passé le parlement le vote de 230 des 300 députés. Plus des trois quarts des députés du parti Syriza ont rejoint les principaux partis d’opposition — la Nouvelle Démocratie (ND), To Potami (The River), et le Pasok social-démocrate — en votant le projet de loi. Trente-six députés de la « Plate-forme de gauche » de Syriza ont voté contre le projet de loi. Ceci signifiait que trois députés Syriza qui avaient voté contre la première série de mesures d'austérité la semaine dernière avaient changé leur vote et décidé de voter pour l'UE.

Le vote d’hier était une parodie de la démocratie. Les législateurs n'ont même pas eu le temps de lire les 900 pages du projet, qu'ils avaient reçu la veille, et qui avait été rédigé en collaboration avec les créanciers de la Grèce — l’UE, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international. Ils n’ont pas pu apporter de modifications au projet de loi.

Selon les premières estimations, la loi imposerait des coupes sombres le budget de la justice, qui comprimeraient drastiquement les procédures judiciaires, ainsi que l’adoption d'une directive de l'UE sur le secteur bancaire. Elle faciliterait la reprise de possession des maisons par les banques, en leur permettant ensuite de revendre les maisons aux prix du marché.

Selon l'ancien ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, qui a participé à la négociation de l'accord, les réformes visent à simplifier la « saisie, l'expulsion et la destruction de milliers de foyers et d'entreprises qui ne sont pas en mesure de rembourser leurs créanciers. »

Le plan bancaire, qui limite les obligations de l'Etat de renflouer ses banques, doit ostensiblement permettre aux banques de forcer leurs créanciers et les actionnaires à assumer les pertes des futures faillites bancaires. Plus tôt ce mois-ci, on a aussi rapporté que les banques grecques se préparent à imposer une réduction de 30 pour cent à tous les comptes de plus de € 8,000 (US $ 8742).

Le Premier ministre Alexis Tsipras aurait reporté quelques-unes des coupes les plus impopulaires, dont l’élimination des allégements fiscaux pour les agriculteurs, afin de stabiliser son gouvernement et d'éviter de nouvelles défections. Il a déjà remanié son cabinet pour expulser des membres de la Plateforme de gauche. « Nous faisons un effort pour avoir moins de dissidents, » le ministre de la Santé, Panagiotis Kouroumplis, a dit à la télévision grecque.

Les responsables dans d’autres pays de l’UE ont exigé qu’Athènes adopte les mesures sous peine de perdre le financement de l'UE et faire face à la banqueroute de l'Etat et du système financier grecs.

Gunther Krichbaum, président de la commission Europe du Parlement allemand, a déclaré au Bild : « Nous gardons un œil attentif qu’Athènes adopte non seulement les réformes, mais aussi leur mise en œuvre... La Grèce doit remplir les conditions, sinon l’argent ne peut pas circuler. »

Le Parlement grec a entériné les demandes de l’UE, foulant aux pieds le vote « non » écrasant de 61 pour cent dans le référendum du 5 juillet sur l’austérité de l’UE.

Apparemment confiant de l’issue du vote, la BCE avaient augmenté de 900 millions d’euros ses crédits d’urgence à la Grèce dès mercredi soir.

Le Parlement sert d'outil à une dictature financière dirigée contre le peuple grec. ND, PASOK et To Potami ont promis de soutenir le projet de loi avant même que le projet ait été présenté, en exigeant que la Grèce mette en œuvre le mesures dictées par l’UE.

« Nous demandons à M. Tsipras de gouverner, de mettre en œuvre ce qu’il a accepté et signé, » a dit le chef du PASOK, Fofi Gennimata, après avoir rencontré le président Prokopis Pavlopoulos.

Avant le vote, Tsipras et son gouvernement ont défendu leur plan d’austérité comme étant inévitable. Le ministre des Finances, Euclide Tsakalotos, a déclaré mardi au Parlement : « Il est extrêmement important de conclure cette procédure d'actions préalables afin de pouvoir commencer les négociations vendredi. »

Tsipras s'est exprimé bien après minuit jeudi pour approuver les mesures d’austérité de l’UE. Il a dépeint cyniquement sa reddition abjecte à l’UE comme une « bataille » qu'il avait combattue, promettant qu’« un jour la bataille portera ses fruits. » Il a ensuite exigé que le Parlement adopte les mesures d’austérité de son gouvernement, qu'il traitait de mal inévitable.

« En réalité, nous avons fait des choix difficiles, et maintenant nous devons tous nous adapter à la nouvelle situation, » a-t-il dit.

Tsipras a semblé nier les avertissements de Varoufakis que les maisons pourraient être reprises, laissant entendre que ceci ne se ferait pas sous son gouvernement. « Nous sommes la garantie que cela ne se produira jamais... Sans cette garantie, nous n’existons pas. »

Vu que Syriza a déjà trahi ses promesses électorales de mettre fin à l’austérité de l’UE, les promesses de Tsipras sur le logement n'ont aucune valeur. Cependant, même si elles s'avéraient être vraies, et le gouvernement Syriza ne poussait pas les banques à reprendre possession des maisons, cela ne ferait que reporter les attaques. Syriza pourrait organiser de nouvelles élections dès septembre.

Tsipras avait initialement prévu de quitter le pouvoir après le référendum du 5 juillet, en supposant que le « oui » l’emporterait et lui fournirait un prétexte pour démissionner.

Avant le vote, la majorité de Syriza s'est disputée avec la Plate-forme de gauche, qui critique toujours les mesures de Tsipras. Toutefois, la Plate-forme de gauche est restée à l’intérieur de Syriza alors même que Tsipras imposait l’austérité de l’UE qu’il prétend opposer, cherchant ainsi à détourner l’opposition populaire dans l’impasse de soutenir diverses factions de Syriza.

Syriza menace désormais la Plate-forme de gauche d'une scission. « Deux points de vue coexistent au sein de Syriza, peut-être qu'un divorce est inévitable, mais on devrait tenter le dialogue d’abord », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Olga Gerovasili. Elle a dit que ce « divorce » pourrait être achevé avant les prochaines élections générales, qui seront peut-être en septembre.

Mercredi, les législateurs de la Plate-forme de gauche indiquaient toujours qu’ils ne voteraient pas le projet de loi. « Je ne vais pas trahir nos électeurs, » Rachel Makri, tandis que le président du Parlement Zoe Konstantopoulou a commenté « En tant qu’avocate, en tant que député de Syriza, et en tant que présidente du parlement grec, je ne puis voter ces actions préalables. »

Tsipras a répondu en attaquant fortement la Plate-forme de gauche. « Jusqu’à aujourd’hui, j'ai vu des réactions, des déclarations héroïques, mais je ne l’ai pas entendu des alternatives au chantage du 12 juillet, » a-t-il dit pour attaquer les critiques de l’accord avec l’UE convenu le 12 juillet.

« Si certains pensent que le plan de gauche alternative est le Plan Schaeuble, ou de reprendre le stock de billets de la BCE, ou de payer les retraités avec une fausse monnaie plutôt que des retraites, ils devraient le dire au peuple grec, non pas se cacher derrière ma signature, » a-t-il ajouté.

La Plate-forme de gauche a répondu en demandant à être autorisée à continuer à servir comme une opposition loyale au sein de Syriza. Lorsque Tsipras a limogé Panagiotis Lafanzanis en tant que ministre de l'Énergie, le leader de la Platforme de gauche a promis de continuer à soutenir le gouvernement.

Sur son site Web, la Plateforme de gauche demande à Tsipras de reprendre sa menace de mener une purge au sein du parti, afin d’éviter une scission.

(Article paru d'abord en anglais le 23 juillet 2015)

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