Le sommet de la zone euro refuse à la Grèce des fonds d’urgence et lui présente un ultimatum

Les dirigeants des dix-neuf pays de la zone euro ont rejeté mardi les appels du premier ministre grec Alexis Tsipras à lui accorder des prêts-relais pour éviter une faillite du système bancaire grec. Ils ont au contraire donné au gouvernement mené par Syriza deux jours pour soumettre un plan pour la mise en œuvre de mesures d’austérité résolument rejetées par les travailleurs et les jeunes au tout récent référendum.

Suivant le leadership de l’Allemagne, le sommet de la zone Euro a projeté une réunion des chefs d’État des vingt-huit pays de l’Union européenne dimanche, pour discuter l’expulsion de la Grèce de la monnaie unique si Athènes ne satisfaisait pas à l’exigence de ses créanciers de nouvelles attaques brutales sur les retraites et le niveau de vie de la classe ouvrière grecque.

Tsipras et son nouveau ministre des Finances, Euclide Tsakalotos, ont convenu de soumettre ce qu’ils appellent « des réformes crédibles, » dont des mesures d’austérité imposables immédiatement, avant même une réunion des ministres des Finances de l’eurogroupe samedi prochain. Un responsable grec a dit à Reuters que Syriza apportait des « améliorations » à la proposition de plan de sauvetage présentée par le gouvernement la semaine dernière et couvrant « des réformes économiques, l’investissement et le règlement de la dette. »

Si les ministres des Finances acceptent le nouveau plan de Syriza – en clair, si ce plan se conforme pour l’essentiel à l’ensemble des demandes de l’UE – le sommet de dimanche serait annulé et des pourparlers ouverts sur un éventuel nouveau plan de sauvetage.

Lors d’une conférence de presse suivant le sommet de la zone euro, la chancelière allemande Angela Merkel a réitéré l’opposition intransigeante de son gouvernement à des concessions réelles à la Grèce. Elle a exclu toute réduction de la dette massive de la Grèce, une chose que le gouvernement Syriza avait demandée en échange d’une capitulation aux exigences austéritaires de l’UE.

Ne cherchant pas à cacher son mépris pour le peuple grec, qui a rejeté à 61 pour cent les cruelles exigences austéritaires de l’Allemagne, Mme Merkel a dit: « Il n’y a toujours pas de base pour des négociations depuis le “non” très clair du référendum grec de dimanche... Ce n’est plus une question de semaines, c’est une question de jours. »

Merkel a rejeté tout prêt d’urgence à la Grèce avant que celle-ci n’accepte un programme visant à sabrer plus encore les services sociaux, l’emploi et les salaires. « Nous avons besoin de propositions à long terme, » a-t-elle dit.

Lors d’une conférence de presse conjointe avec le président du Conseil européen, Donald Tusk, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a dit que l’UE avait un « scénario ‘Grexit’» préparé en détail.

Il a ajouté : « Notre incapacité à trouver un accord peut conduire à la faillite de la Grèce et à l’insolvabilité de son système bancaire. Et bien sûr, ce sera extrêmement douloureux pour le peuple grec... La dure réalité est que nous ne disposons que de cinq jours pour trouver un accord final ».

Le président français François Hollande qui, avec certain chefs de gouvernement de l’UE, presse pour une ligne un peu moins dure envers la Grèce afin d’éviter un ‘Grexit’, a néanmoins indiqué que la Grèce devait accepter la quasi-totalité du programme d’austérité de l’UE. Il a appelé à un accord par lequel la Grèce accepterait les exigences budgétaires de l’UE avec peut-être quelques modifications symboliques. En retour, la Grèce recevrait un financement immédiat et la perspective d’un allégement de la dette à l’avenir.

Tsipras avait déjà clairement indiqué que le référendum de dimanche n’était pas pour lui un mandat pour mobiliser l’opposition massive des travailleurs en Grèce et en Europe à l’Union européenne et aux banques, mais le signal qu’il devait redoubler d’efforts pour obtenir l’allégement de la dette en échange d’une acceptation des mesures d’austérité auxquelles il prétendait s’opposer. Il avait appelé au référendum en premier lieu pour essayer de couvrir sa capitulation devant l’UE grâce à la feuille de vigne d’un soutien populaire et d’une légitimité démocratique.

La première action de Tsipras après la victoire retentissante du « Non » à été de limoger son ministre des Finances, Yanis Varoufakis, et de le remplacer par Tsakalotos, jugé plus acceptable par les dirigeants européens. Suivit une réunion avec les dirigeants des principaux partis en faveur de l’austérité voulue par l’UE et une déclaration commune pour de nouvelles négociations sur un nouveau plan d’austérité.

La réponse de la bourgeoisie européenne au référendum a elle, été brutale. Celle-ci a conclu qu’elle devait traiter le spectre de l’opposition sociale montante avec une poigne de fer. Elle veut faire de la classe ouvrière grecque un exemple pour les travailleurs de toute l’Europe et leur montrer ce qui arrive quand elle défie les banques.

Syriza est secoué par le débordement d’opposition chez les travailleurs grecs. Il est incapable, en raison de son programme procapitaliste et pro-UE et du fait de sa base sociale privilégiée, de prendre des mesures sérieuses contre la classe dirigeante grecque. Son chef, Tsipras, se tourne alors vers l’impérialisme américain comme contrepoids à l’Allemagne. En prévision du Sommet de la Zone Euro de mardi, il a téléphoné au président Barack Obama, qui a parlé assez longuement avec lui.

Obama a ensuite téléphoné à Mme Merkel et l’a exhorté à modifier son attitude envers la Grèce et à travailler à un accord permettant d’éviter une sortie de la Grèce de la zone euro. Comme Paris, Washington combine les appels à un accord à l’insistance que la Grèce impose de nouvelles mesures d’austérité et des « réformes » économiques.

Une partie importante des médias américains a critiqué la ligne dure de l’Allemagne, mis en garde contre les conséquences économiques d’un ‘Grexit’ et encore plus contre les conséquences géopolitiques négatives pour les États-Unis d’un affaiblissement des liens entre la Grèce et l’Europe, en particulier par rapport à l’offensive américaine visant la Russie.

Le Wall Street Journal a par exemple publié la semaine dernière une chronique de Robert D. Kaplan, auteur et universitaire ayant des liens étroits avec l’establishment militaire et des renseignements aux États-Unis. Sous le titre « La crise grecque est plus qu’une affaire d’argent », Kaplan écrit: « La géopolitique peut être plus importante que l’économie. Il suffit de regarder la Grèce... L’Europe sera de plus en plus vulnérable à l’agression russe si ses liens avec la Grèce sont sensiblement distendus. »

Dans la crise de plus en plus aiguë à propos de la Grèce, les éléments d’un conflit entre les États-Unis et l’Allemagne font leur apparition. Le fond du conflit est de savoir quelle puissance va déterminer la politique de l’Europe.

L’Allemagne a exprimé des inquiétudes devant une politique américaine visant à exclure la Russie de l’Europe. Elle s’inquiète aussi sérieusement des implications d’une radiation de la dette grecque pour son système bancaire, plus exposé à la crise des États européens fortement endettés que Wall Street; elle risque aussi une perte d’influence internationale.

(Article paru d'abord en anglais le 8 juillet 2015)

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