Le général Wesley Clark appelle à mettre les Américains « déloyaux » dans des camps d’internement

Le général américain en retraite Wesley Clark a appelé à l'internement des personnes « déloyales » envers le gouvernement des États-Unis dans une interview avec la chaîne de télévision MSNBC vendredi.

Citant la menace posée par les attaques de « loups solitaires » comme celle de la fusillade de masse à Chattanooga la semaine dernière, il a préconisé la surveillance renforcée de la population américaine et la détention préventive des personnes soupçonnées d'opposition idéologique ou politique à Washington.

« Il faut identifier les personnes qui sont les plus susceptibles de se radicaliser. Nous devons tuer ceci dans l’œuf », a dit Clark.

« Au niveau de la politique nationale, il faut examiner ce que signifie l'auto-radicalisation, car nous sommes en guerre avec ce groupe de terroristes », a-t-il ajouté. « Ils ont bien une idéologie. Dans la Seconde Guerre mondiale, si quelqu'un soutenait l'Allemagne nazie contre les États-Unis, on ne disait pas c’est une question de liberté de parole, on le mettait dans un camp, c'étaient des prisonniers de guerre ».

Puis il dit: « Si ces gens sont radicalisés et s’ils ne soutiennent pas les Etats-Unis, s'ils sont déloyaux envers les Etats-Unis par principe très bien. C'est leur droit, mais nous avons le droit et l'obligation de les séparer de la communauté normale pour la durée du conflit ».

« Et je pense que nous allons devoir durcir notre position là-dessus, non seulement aux États-Unis, mais nos alliés comme la Grande Bretagne, l'Allemagne et la France auront à revoir leurs procédures de droit nationales ».

Les recommandations de Clark, proclamées publiquement à la télévision nationale, reviennent à formuler un programme pour la détention de masse des opposants politiques de l'Etat américain.

Son affirmation du « droit et de l'obligation » de Washington de procéder à des rafles et à des opérations d'internement de masse contre l'opposition politique, citant comme modèle les méthodes employées contre les personnes d'origine allemande ou japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, donne un aperçu à faire froid dans le dos de la façon de penser de secteurs puissants de l'élite dirigeante américaine.

De plus, l'insistance de Clark à dire que ces mesures devraient rester en vigueur « pour la durée » d’une « guerre mondiale contre le terrorisme » qui, selon Washington, doit s'étendre indéfiniment, permet l'emprisonnement permanent de personnes qu’on n’a jugé coupables d'aucun crime réel, mais qu’on a simplement considéré comme « radicalisées » ou « déloyales ».

Ce ne sont pas là les délires de quelque animateur de télévision ou militaire‘fêlé’. Vu le parcours de Clark, de tels commentaires reflètent nécessairement des opinions largement débattues au sein de l'appareil d’État américain.

Clark a occupé en tant que commandant suprême de l'OTAN l'un des postes les plus influents politiquement dans l'armée américaine. Pendant son service au commandement suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), Clark a dirigé le bombardement de la Yougoslavie par l'OTAN, l'opération Allied Force, à partir de mars 1999.

Clark a été l'un des principaux prétendants à la candidature présidentielle du Parti démocratique pour les élections de 2004 et 2008. Il aurait probablement obtenu un poste de premier plan dans le gouvernement Obama s’il n’avait pas soutenu la rivale démocrate de celui-ci, Hilary Clinton, après avoir abandonné la campagne des primaires en 2008.

Son rôle de partisan de premier plan de l’actuelle candidature présidentielle d’Hilary Clinton indique cependant que Clark a seulement réservé ses ambitions politiques pour plus tard. Sous une présidence Clinton, Clark pourrait bien trouver l’occasion de mettre en œuvre ses propositions d’une «ségrégation» de masse des dissidents.

Il est clair que les préparatifs pour le genre de mesures préconisées par le général Clark sont bien avancés.

Ces dernières semaines, comme en témoignent des vidéos tournées de New York à l'Arizona, des unités militaires ont mené des exercices d’entraînement, simulant des techniques d’internement et de contrôle de foules, le personnel militaire jouant le rôle des détenus.

Les déclarations de Clark vendredi dernier à la grande chaîne de télévision câble MSNBC, ont été accueillies par un silence total des médias et n’ont pas été mentionnées, même brièvement, par le New York Times, le Washington Post ou le Wall Street Journal.

Ce silence face à un appel public à l'internement des opposants politiques dans le pays, délivré par l'un des principaux généraux politiques du pays, démontre que l'ensemble de l'élite politique et médiatique a rompu de façon décisive avec les normes démocratiques bourgeoises. Ce silence des médias encouragera sans aucun doute l'appareil militaire et les agences de renseignement à intensifier la marche vers une dictature.

Pendant des décennies, les bureaucraties militaires et du renseignement ont développé les composantes administratives, d'infrastructure et de police d'un Etat totalitaire embryonnaire. Les auditions au Congrès en 1987 sur les opérations secrètes « Iran-Contra » menées par l'administration Reagan ont révélé l'existence d'un plan du Pentagone, appelé Rex 84, pour la détention de centaines de milliers d'immigrants et de dissidents politiques et leur détention dans des camps militarisés.

Une des sous-composantes de Rex 84, l’opération Cable Splicer, envisageait le remplacement des institutions politiques bourgeoises existantes par une dictature contrôlée par un petit groupe d'une centaine de cadres de la branche exécutive de l’Etat.

Dans la foulée des attaques terroristes du 11 septembre 2001, l'administration Bush avait organisé une répétition du plan actualisé de Continuité de Gouvernement (COG), « un gouvernement fantôme, affectant des dizaines de fonctionnaires présélectionnés à un réseau secret de bunkers de commandement et de contrôle dans toute l'Amérique », écrivait le Washington Post en mars 2002.

L'administration de George W. Bush effectua de nouveaux préparatifs pour des camps de prisonniers en 2006, signant un contrat de $400 millions avec KBR pour développer « les capacités de traitement et de détention » du Département de la Sécurité intérieure (DHS).

L'administration Obama a élargi le cadre juridique et politique autoritaire développé sous les administrations précédentes. Depuis sa prise de fonctions, Obama a publié des décrets annuels renouvelant l'état d'urgence décrété par l'administration Bush après le 11 septembre et qui pérennisent les pouvoirs d'urgence accordés au DHS.

Dans une suite de lois annuelles d’Autorisation de défense nationale, l'administration Obama a codifié les mesures anti-démocratiques mises en place sous l'administration Bush et affirmé son pouvoir illimité de détenir des individus ou de les tuer sans jugement.

Les préparatifs pour la détention de masse font partie d’efforts plus larges visant à resserrer l'emprise de l'élite dirigeante sur la société, sous prétexte d'une interminable « urgence nationale ». Les plans pour une dictature ont trouvé une expression concrète dans l'imposition de facto de la loi martiale à Boston après les attentats du Marathon de Boston en 2013 et à Ferguson, Missouri, l'année dernière, suite aux manifestations contre l’assassinat de Michael Brown par la police.

En mars 2012, le président Obama a émis un ordre exécutif, l’« Etat de préparation des ressources de défense nationale », pour habiliter le DHS à assumer le contrôle dictatorial de l'économie américaine, qui comprend tous les actes considérés comme « nécessaires pour assurer la disponibilité des ressources et des capacités de production, dont les services et les technologies critiques, telles qu’exigées par la défense nationale ».

La semaine dernière, le Comité sur le renseignement du Sénat a approuvé une loi accordant au gouvernement américain de nouveaux pouvoirs pour exiger une information régulière des médias sociaux sur les personnes soupçonnées de liens avec une «activité terroriste».

(Article original publié le 21 juillet 2015)

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