La collaboration entre AT&T et la NSA révèle les liens entre les sociétés et les services de renseignements aux États-Unis

Des documents secrets de la NSA publiés ce week-end par le New York Times et ProPublica ont exposé davantage le haut niveau de collaboration entre l'Agence américaine de sécurité nationale (NSA) et les principaux géants de télécommunication pour effectuer des opérations d'espionnage illégales et inconstitutionnelles.

Les nouveaux documents, qui proviennent d'Edward Snowden, le dénonciateur de la NSA, sont datés entre 2003 et 2013. La participation d’au moins neuf grandes sociétés de haute technologie dans des projets communs avec la division «Opérations de sources spéciales» de la NSA a déjà été révélée dans les documents divulgués par Snowden en 2013, mais les identités et les rôles des sociétés impliquées restaient troubles.

La société partenaire la plus ancienne et la plus fructueuse de la NSA, qui va par le nom de code «Fairview» dans les documents divulgués, est AT&T. Il a été révélé que les réparations effectuées à un câble de fibre optique FAIRVIEW près du Japon ont directement coïncidé avec la rupture des câbles d’AT&T dans le même emplacement causée par un tremblement de terre en 2011.

L’ampleur des données transférées vers les agences de renseignements américaines tourne en dérision des revendications de l’administration Obama que l’espionnage ne «vise» que des terroristes présumés.

AT&T a été la première société à soutenir l’objectif de la NSA d’avoir la surveillance «en direct» en temps réel de l’Internet. Quelque 400 milliards d’enregistrements de métadonnées d’Internet ont été envoyés à la NSA en un mois vers le début de la participation de la société dans ce programme en 2003.

À partir de 2003, AT&T a transféré des milliards de courriels envoyés sur les réseaux des États-Unis à la NSA. La société a intégré du matériel de surveillance à au moins 17 de ses centres Internet basés aux États-Unis.

Les documents de la NSA de l’époque décrivent AT&T comme «hautement collaborative» et font l’éloge de la société pour sa «volonté extrême de collaborer» avec les opérations de la NSA dans le monde entier. AT&T maintient un «partenariat étroit avec le FBI» et donne accès à «des stations de câble, des routeurs, des commutateurs fédérateurs IP», expliquent les documents.

À partir de 2011, AT&T donnait également à la NSA 1,1 milliard de relevés de téléphone cellulaire par jour. Comme le note le Times, «Cette révélation est frappante, car après que M. Snowden a divulgué le programme de collecte des registres des appels téléphoniques des Américains, des responsables des renseignements ont déclaré aux journalistes que, pour des raisons techniques, il se composait principalement de dossiers de téléphonie fixe.»

La participation d’AT&T dans l’espionnage de la NSA était «mondiale» dans sa portée, stipule un document. La société a contribué à transformer le siège des Nations Unies en un poste d’écoute de la NSA, où toutes les communications Internet de l’ONU passaient entre les mains des agents de surveillance.

Selon les documents, à partir de 2013, AT&T fournissait à la NSA un accès à 60 millions de courriels par jour pour lesquels l'émetteur et le destinataire étaient à l'extérieur des États-Unis.

Cependant, AT&T est seulement l'une des nombreuses sociétés impliquées. Le géant des télécommunications Verizon (dont le nom a été révélé dans le cadre d’un programme appelé STORMBREW) recueille des données à partir de huit sites interconnectés à travers le continent américain. STORMBREW fournit également à la NSA l'accès à sept «goulots d’étranglement internationaux», décrivent des documents.

Les protocoles de la NSA demandent aux agents de faire preuve de la plus grande courtoisie dans leurs relations avec les entreprises, au motif que les liens entre le renseignement américain et les sociétés constituent «un partenariat, pas une relation contractuelle».

Il a déjà été établi par des documents précédents publiés par Snowden que le gouvernement américain a des ententes secrètes avec les sociétés de communications et qu'il paye de grosses sommes d'argent dans le cadre de ses opérations avec elles.

Selon les derniers documents divulgués, pour l'année 2011 uniquement, la NSA a payé à AT&T près de 190 millions de dollars.

L’administration Obama tente de couvrir les actes illégaux des entreprises collaborant avec la surveillance de masse sans mandat. Plus tôt cette année, la Maison-Blanche a réussi à bloquer une poursuite par les clients d’AT&T exigeant réparation pour les violations de la vie privée découlant des contrats de la société avec le gouvernement américain.

Dans la foulée des révélations de Snowden qui ont commencé en 2013, l’administration Obama a veillé à ce que tous les programmes-espions se poursuivent. En juin de cette année, la Maison-Blanche a appuyé la ratification du Freedom Act, qui était censé mettre fin à un seul des nombreux programmes qui ont été mis en place pour espionner la population des États-Unis et du monde entier: le programme des enregistrements de métadonnées téléphoniques.

En fait, la nouvelle législation ne fait que transférer la responsabilité de stocker les enregistrements téléphoniques de la NSA elle-même vers les entreprises de télécommunications. Comme l'ont précisé les révélations sur le rôle d’AT&T dans sa collaboration avec la NSA, cela revient essentiellement à changer le nom de l’enseigne sur la porte, puisque les entreprises de télécommunications fonctionnent essentiellement comme des prolongements de l’appareil d’espionnage.

(Article paru d'abord en anglais le 17 août 2015)

 

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