Perspectives

Les explosions de Tianjin: le capitalisme discrédité

Le bilan officiel du nombre de morts des énormes explosions qui ont dévasté une zone importante du port de Tianjin, jeudi soir, dépasse la centaine. On prévoit que le nombre de décès augmentera considérablement, pendant que les hôpitaux tentent de sauver les patients gravement blessés parmi les plus de 700 en cours de traitement dans la ville chinoise de 14 millions d’habitants.

Le régime du Parti communiste chinois stalinien (PCC) a été ouvertement critiqué lorsque les premières informations sur la cause de la catastrophe ont été rapportées. Les reportages indiquent qu’un entrepôt appartenant à Rui Hai International Logistics, une entreprise mise sur pied en 2011, qui stockait jusqu'à 700 tonnes de cyanure de sodium hautement dangereux et des quantités indéterminées de carbure de calcium. Les récipients contenant de telles substances explosent lorsqu'ils sont chauffés. Les équipes de pompiers envoyés pour lutter contre un incendie dans l'entrepôt n’ont pas été informées sur les produits chimiques. Au moins 21 travailleurs des services d'urgence sont morts dans les explosions qui ont suivi.

Des centaines de travailleurs portuaires dormaient à à peine 600 mètres dans des dortoirs surpeuplés. Quelque 90.000 personnes vivent dans un rayon de cinq kilomètres de l'entrepôt. Si les explosions avaient eu lieu pendant la journée, quand les rues et les bâtiments environnants grouillaient du monde, le carnage aurait pu être bien pire.

Le gouvernement du PCC à Pékin est nerveux quant à la réaction du public aux explosions de Tianjin, qui ont démontré encore une fois les conséquences du développement capitaliste incontrôlé sur lequel il a présidé pendant plus de 35 ans. Selon les rapports officiels, Rui Hai International Logistics stockait des produits chimiques mortels à l’insu des organismes publics. Les propriétaires et la direction de l'entreprise sont pourchassés et en voie d'être arrêtés. Il est plus que probable qu’ils seront condamnés à mort ou à de lourdes peines de prison après des procès qui seront très publicisés, dans le but d'éviter que tout enjeu plus général soulevé par la catastrophe soit discuté.

L'affirmation selon laquelle «personne ne savait» au sujet des produits chimiques a soulevé l'incrédulité et la colère. L'indignation populaire, exprimée dans les médias sociaux et dans les commentaires sur les reportages en ligne, a seulement été accrue par le fait que cette indifférence flagrante et criminelle à la sécurité publique a eu lieu à Tianjin.

Le port de Tianjin est le dixième plus grand dans le monde et le septième plus important en Chine. Il reçoit le plus grand nombre de voitures importées de tout port chinois, ainsi que d'énormes quantités de minerai de fer, de charbon, de pétrole et d'autres ressources naturelles nécessaires pour alimenter les complexes industriels et les centrales électriques du nord de la Chine.

La ville elle-même est la quatrième plus grande en Chine et, en raison de son importance stratégique et économique en tant que plaque tournante du transport, de l’industrie et centre de technologie pour la capitale de Pékin, elle est sous l'administration politique directe du ministère du Logement du gouvernement central du PCC en Chine.

Dans la propagande du régime, Tianjin, avec Pékin et la province du Heibei voisine, sera développée pour devenir la plus grande «mégaville» dans le monde d'ici 2020, avec une population de 130 millions de personnes qui seront prétendument en mesure de profiter des meilleurs emplois et revenus en Chine.

Les explosions de jeudi dernier ont fait éclater la réalité sociale au grand jour: que ce soit à Tianjin ou dans un village éloigné, le bien-être de la classe ouvrière chinoise est subordonné par le régime aux besoins immédiats des multinationales et des sociétés nationales, et à l'accumulation de profit pour l'élite capitaliste qui en est propriétaire.

Depuis que le PCC a entrepris de rétablir les relations capitalistes en 1979, il a utilisé son appareil militaire et la police pour réprimer brutalement toute opposition par les travailleurs à l'exploitation impitoyable et pour faciliter la transformation de la Chine pour qu'elle devienne le centre de la production manufacturière mondiale à bas salaires.

Les procédures de sécurité inadéquates sont la norme, pas l'exception. Andy Furlong, directeur de la politique de l'Institution d’ingénieurs en chimie à Londres, a déclaré au Guardian: «Des experts chinois nous ont dit très récemment que dans le domaine du stockage de produits chimiques, leurs technologies sont désuètes, une partie de l'équipement qu'ils utilisent est primitive, la gestion de la sécurité est médiocre et la formation des employés n’est pas à la hauteur.»

Des commentaires similaires pourraient être faits pour tous les secteurs de l'économie et le coût humain est sidérant.

En 2014, 68.061 travailleurs chinois ont été tués dans des «accidents» en milieu de travail – plus de 185 par jour – et des centaines de milliers ont été blessés. La semaine dernière, en 24 heures seulement, une explosion de gaz dans une mine de charbon dans la province du Guizhou a tué 13 mineurs. Dans la province du Shaanxi, 64 mineurs et leurs familles ont été enterrés vivants à l'intérieur de dortoirs mal construits en raison d'un glissement de terrain provoqué par un déluge.

Selon les médias d'État, quelque 1.600 personnes, principalement des professionnels les mieux rémunérés, meurent sur leur lieu de travail chaque jour à cause du phénomène connu sous le nom de guolaosi ou surmenage extrême.

L'air, le sol et les aqueducs sont hautement contaminés dans la plupart des centres urbains en raison d'opérations industrielles et du développement économique incontrôlés. Le problème est si grave que l'on estime que plus de 4.400 personnes meurent chaque jour, soit 1,6 million par an, à cause des effets de la pollution.

La sécurité alimentaire est frappée par les scandales. Du lait en poudre contaminé a rendu plus de 300.000 personnes malades et a tué six bébés en 2008. Un traversier qui a chaviré sur le fleuve Yangtze en juin a tué plus de 400 personnes: le cas le plus en vue des catastrophes qui surviennent régulièrement dans les transports et qui sont généralement liés à des violations de normes de sécurité.

Il ne reste rien des promesses du PCC selon lesquelles les masses chinoises pourraient finalement profiter du développement capitaliste effréné des 36 dernières années. La légitimité du régime est déjà en question, ébranlée par le ralentissement de l'économie, un effondrement du marché boursier, un effondrement des prix de l'immobilier, des crises environnementales, la corruption officielle endémique et les inégalités sociales sans cesse grandissantes. Le règne du PCC, avec le marché capitaliste lui-même, sera davantage discrédité par la catastrophe de Tianjin.

Les retombées politiques des explosions Tianjin sont surveillées avec tout autant d'inquiétude par les multinationales et les banques, ainsi que par les gouvernements à travers le monde. Toute perturbation des bénéfices des sociétés extraites des masses chinoises par le développement à grande échelle de l'agitation sociale va approfondir la récession économique à l'échelle internationale et potentiellement déclencher la panique sur les marchés financiers. Pour le capitalisme mondial, en d'autres termes, tout effort visant à changer les conditions en Chine qui donnent lieu à des catastrophes telles que les explosions Tianjin serait une catastrophe.

Ce fait souligne la faillite historique du système de profit et l'urgence de forger l'unité de la classe ouvrière chinoise et internationale dans une lutte politique commune pour mettre fin au capitalisme et établir une économie socialiste mondiale planifiée.

(Article paru en anglais le 15 août 2015)

 

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