Les travailleurs de Fiat Chrysler mettent en échec l’accord promu par l’UAW

Les travailleurs de la plupart des usines américaines de Fiat Chrysler, y compris certaines des plus grandes, ont rejeté un contrat de travail de quatre ans promu par le syndicat UAW (United Auto Workers) et que celui-ci tentait de faire passer en force. Bien que l’UAW soit en train de tout faire pour manipuler les scrutins restants des prochains jours, deux tiers des travailleurs de Fiat Chrysler ont déjà voté et le contrat semble aller vers un échec retentissant.

Le dernier coup porté aux efforts du syndicat pour faire passer le contrat en force, a été l’annonce officielle par le Local 7 de l’UAW dimanche que 77 pour cent des travailleurs de la production et 66 pour cent des travailleurs qualifiés avaient voté « non » à l’usine d’assemblage de Jefferson North, la plus grande usine de la société à Detroit. L’UAW a ordonné au Local de retarder la publication des résultats du vote de vendredi, craignant que cela n’encourage une vague de rejets.

« L’ampleur de la défaite est de plus en plus grande, » écrivait cependant dimanche soir en se plaignant le Detroit Free Press, un porte-parole des entreprises de l’automobile, après que le vote total de Jefferson a été publié. Vendredi dernier, 77 pour cent des travailleurs de la production et 65 pour cent des travailleurs qualifiés ont voté contre l’accord à Kokomo, Indiana, où travaillent près de 5.000 ouvriers dans les usines de transmission. L’accord a également été défait de manière décisive à l’usine de moteurs de Trenton dans la banlieue de Detroit; à l’usine de façonnage de Toledo à Perrysburg, Ohio; à l’usine d’emboutissage Sterling dans la banlieue de Detroit; à l’usine de pièces détachées de Mopar à Centerline, Michigan et dans les dépôts de pièces détachées de Los Angeles, Atlanta et Aurora, Colorado.

En votant « non », les travailleurs défient la campagne de l’UAW, des entreprises et des médias patronaux, qui ont tous cherché à faire passer cet accord de bradage pour une avancée en faveur des travailleurs. La position prise par les travailleurs de l’automobile exprime une profonde opposition de la classe ouvrière, longtemps réprimée par l’UAW et les autres syndicats favorables aux sociétés.

Les travailleurs de Fiat Chrysler Automobiles (FCA) ne parlent pas seulement pour ceux de l’automobile, mais pour les dizaines de millions de travailleurs des États-Unis qui ont subi la plus longue période de stagnation des salaires depuis la Grande Dépression, tandis que les profits des entreprises, la rémunération des PDG et les marchés d’actions ont grimpé, au cours de la soi-disant reprise économique, à des sommets jamais atteints.

Les travailleurs de l’automobile avaient une fois seulement auparavant mis en échec un contrat national soutenu par l’UAW. En 2009, les travailleurs de Ford ont rejeté les efforts de l’UAW pour imposer les mêmes conditions que celle imposées par l’Administration Obama à GM et aux travailleurs de Chrysler pendant la restructuration de l’industrie automobile au moyen de coupes dans les salaires et les conditions. En 2011, les travailleurs de métiers spécialisés de FCA ont voté contre l’accord seulement pour voir l’UAW ignorer ses propres règlements et imposer le contrat de toute façon.

Pour qu’il passe, la majorité des 37.000 travailleurs de FCA devraient accepter l’accord, un scénario de plus en plus improbable. Avant une réunion avec les travailleurs de l’usine d’assemblage Jeep de Toledo prévue dimanche, cependant, le vice-président de l’UAW, Norwood Jewell, a dit au Detroit News qu’il y avait encore une chance « mathématique » que le contrat passe, suggestion inquiétante dans la mesure où l’UAW a plus d’un tour dans son sac.

Exprimant son mépris pour les travailleurs de l'automobile, Jewell a dit: « Mon travail est maintenant d'expliquer les choses, de répondre à toutes leurs questions et de laisser certains d'entre eux se défouler. »

La grande majorité des travailleurs de Jeep ont boycotté la réunion de dimanche, convaincus qu’ils voteraient contre l’accord et pas d’humeur à subir davantage le double langage et les mensonges des responsables syndicaux. Les centaines de personnes qui étaient venues ont fait à Jewell, un des principaux architectes de ce bradage, un accueil déplaisant, le bombardant de questions irritées.

Selon Jewell, les travailleurs ne comprennent pas la complexité du contrat. Il a dit qu’ils avaient des préjugés, venus des médias sociaux, contre l’accord, une référence oblique au « Bulletin du travailleur de l’automobile » du WSWS, qui a obtenu beaucoup de soutien parmi les travailleurs.

Mais les travailleurs avaient parfaitement compris ce que ferait le contrat. Les travailleurs âgés de premier rang recevraient une augmentation de 1,5 pour cent par an en moyenne, sous le taux de l’inflation. Ces travailleurs n’ont pas eu d’augmentation depuis plus d’une décennie, et ont perdu 22 pour cent de leur salaire réel. Le système haï des salaires à deux niveaux, acceptés pour la première fois par l’UAW en 2007 reste. Il condamne, assorti de vagues promesses pour atteindre un salaire plafonné de 25,35 dollars de l’heure d’ici 2022, toujours inférieur aux salaires du premier rang, 17.000 travailleurs de FCA à des salaires et des avantages sociaux inférieurs. Les ouvriers des pièces détachées de Mopar et les opérateurs des essieux seront plafonnés à des salaires encore plus faibles.

Jewell a cherché à défendre le mépris flagrant de l’UAW pour son engagement de 2011 de restaurer le plafond de 25 pour cent de travailleurs de second rang. « Je ne peux rien à ce qu’ils vous ont dit, » a-t-il dit aux travailleurs de Kokomo vendredi dernier. Selon Jewell, la promesse de l’UAW de restaurer les plafonds, contenue dans le contrat de 2011, avait été une « faute de frappe. »

7000 travailleurs de deuxième rang devant être transformés en travailleurs de premier rang et recevoir une augmentation de salaire de 10 dollars de l’heure, l’UAW a tout simplement laissé tomber cette demande. Au lieu de cela, l’entreprise et l’UAW cherchent, à travers un mélange d’accélérations violentes des cadences, de politique d’absentéisme facilitant les licenciements et de programmes de retraite anticipée, prévus par le contrat -- à débarrasser l’industrie des ouvriers les mieux payés afin d’établir de façon permanente un tout autre niveau, inférieur, de rémunération.

Cela a été dit en toutes lettres sur le site Web de l’industrie, Automotive News, qui écrivait samedi « Dans quelques années, il y aura, à Detroit 3, un seul niveau de rémunération pour les membres de l’UAW – comme ils l’ont exigé. »

« Mais il ne sera pas celui qu’ils voulaient. Si le contrat provisoire du syndicat avec Fiat Chrysler est une indication, le rang survivant sera celui du bas: les emplois riches traditionnels vont disparaître au fil du temps, remplacés par une classe de travailleurs de l’automobile qui gagnent moins en salaires et en avantages que les mieux payés d’aujourd’hui. »

En retour, l’UAW aura le contrôle de la fourniture des prestations de santé grâce à l’expansion d’une soi-disant mutuelle, dont les détails ne sont pas encore inclus dans le contrat. La mutuelle serait calquée sur les prestations médicales de 60 milliards de dollars des travailleurs de l’automobile retraités: la Mutuelle de santé volontaire des employées (VEBA). L’expansion de cette caisse noire donnerait aux dirigeants de l’UAW et à leurs conseillers de Wall Street une incitation supplémentaire à réduire les prestations et à augmenter la part payée par l’employé, les franchises et autres coûts des employés en ligne avec l’objectif de l’administration Obama de transférer le coût des soins de santé vers les travailleurs.

Si on déclare un « oui » à ce stade, il ne peut être dû qu’à une fraude massive de la part de l’UAW. La défaite probable du contrat a inspiré les travailleurs de l’industrie automobile ; les travailleurs de GM et Ford ont loué leurs frères et sœurs pour avoir tenu tête à l’entreprise et au syndicat. Cependant, ce serait une erreur fatale de croire que l’UAW va maintenant faire demi-tout et rechercher une meilleure offre.

Bien que choqués par la résistance des travailleurs, il n’y a aucun doute que syndicats et dirigeants d’entreprise, et les fonctionnaires de l’administration Obama préparent déjà une stratégie pour essayer de défaire l’opposition par l’usure, pour diviser les travailleurs en vue d’imposer les diktats de l’entreprise et de l’élite financière. Cela passera probablement par la menace de fermetures d’usines et de licenciements massifs pour faire chanter les ouvriers jusqu’à la soumission.

L’UAW pourrait simplement faire traîner les choses en prolongeant le contrat indéfiniment. Comme l’a noté le Detroit Free Press, « Pourquoi le PDG, Sergio Marchionne, serait-t-il pressé de s’asseoir et de négocier un contrat encore plus cher? Marchionne est généralement perçu comme un négociateur habile qui sait comment utiliser la pression comme levier. »

Si le contrat actuel est prolongé, l’UAW devrait également continuer à recueillir les cotisations syndicales des travailleurs dans le Michigan et l’Indiana parce que les dispositions de la législation du « droit au travail » dans ces États ne prennent pas effet jusqu’à l’expiration du présent contrat.

L’UAW peut même appeler à une grève bidon comme il l’a fait en 2007 dans le but de laisser se défouler les ouvriers, miner la capacité de combat des travailleurs et imposer un autre contrat néfaste pour eux. Déjà, les médias ont cité les commentaires de divers dissidents officiels qui encouragent les illusions que l’UAW va revenir avec un meilleur contrat, si l’on met la pression.

Les travailleurs doivent rejeter de telles assertions. L’UAW n’est pas une organisation de travailleurs responsable devant ses membres, mais une entreprise de plusieurs milliards de dollars dont les intérêts sont diamétralement opposés à la classe ouvrière.

Le sentiment exprimé dans le « non » au contrat doit maintenant prendre une forme organisationnelle indépendante. Le WSWS appelle à la création d’organisations indépendantes de travailleurs de l’automobile, démocratiquement élues, contrôlées par les travailleurs de base et libres du contrôle dictatorial du syndicat jaune UAW.

La conduite des négociations et la lutte dans son ensemble doivent être retirées des mains de l’UAW. Les comités de base doivent exiger la fin des négociations secrètes et une divulgation complète des propositions et contre-propositions de l’entreprise et de l’UAW.

Ces comités d’action de base formeront le socle de l’unification des travailleursde Fiat Chrysler avec ceux de GM et Ford afin de préparer une lutte commune qui mobilise les travailleurs dans tous les États-Unis et au plan international.

(Article paru d'abord en anglais le 28 septembre 2015)

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