La crise des réfugiés s’aggrave: la France ferme ses frontières et l’Allemagne coupe les prestations sociales.

Les principaux pouvoirs européens intensifient leurs attaques contre les réfugiés qui fuient des pays ravagés par la guerre en Afrique, au Moyen-Orient et dans les Balkans. Le premier ministre Manuel Valls a annoncé mardi soir que la France rétablirait ses frontières tandis que les responsables allemands ont décidé jeudi de réduire drastiquement les aides versées aux demandeurs d’asile arrivant en Allemagne depuis d’autres pays de l’UE.

Ces déclarations ont été faites au moment où le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) révisait à la hausse son estimation de combien de centaines de milliers de personnes se réfugiaient en Europe. « En 2015, l’UNHCR s’attend à ce que près de 400.000 solliciteront une protection internationale en Europe via la mer Méditerranée. En 2016, ce nombre pourrait atteindre 450.000 ou plus, » a dit l’organisation.

Celle-ci a précisé que le groupe le plus important était les réfugiés syriens ayant fui la guerre et contraints de quitter les camps de réfugiés de pays voisins comme la Turquie, le Liban et la Jordanie du à l’insuffisance de fonds d’aide financière à ces camps. Elle a indiqué que ses prévisions sous-estimaient probablement le nombre total de réfugiés car elle avait présumé qu’ils cesseraient d’entreprendre la traversée du au mauvais temps et à la baisse des températures. Depuis le début de l’année 366.000 aurait déjà fait le voyage.

Au moins quatre millions de réfugiés syriens étant à l’étranger, confrontés à une extrême pauvreté, et compte tenu que Washington et l’UE envisagent d’intensifier la guerre en Syrie, la crise des réfugiés risque de s’aggraver indéfiniment.

La réaction de Berlin et Paris à la crise tout comme la répression brutale dont sont victimes les réfugiés dans les Etats d’Europe de l’Est et des Balkans qu’ils traversent, montre la réponse impitoyable et brutale à leur situation de la part de l’UE.

Lors de son discours à l’Assemblée nationale, Valls a annoncé le recrutement de 900 policiers pour rétablir les contrôles frontaliers et refuser l’entrée aux migrants. La police allemande a déjà commencé les contrôles frontaliers de personnes franchissant la frontière Allemande depuis la France. Celle-ci avait déjà restauré les contrôles le long de la frontière franco-italienne pour les immigrés arrivés d’Italie, en provenance de Libye.

« La France n’hésitera pas à rétablir temporairement le contrôle aux frontières, » a dit Valls en référence à la décision de l’Allemagne de restaurer les contrôles frontaliers et de fermer temporairement ses frontières à des milliers de migrants. « Nous avons déjà rétabli ce printemps des contrôles temporaires à cette frontière [franco-italienne]. Et nous n’hésiterons pas à le faire de nouveau comme les règles de Schengen le permettent à chaque fois que les circonstances l’imposent, si c’est nécessaire dans les prochains jours ou prochaines semaines. »

Il a annoncé que la France comptait procéder cette année à 16.000 déportations forcées, contre 14.000 l’année dernière. Il a affirmé qu’il était difficile pour la France d’avoir les moyens d’aider les réfugiés arrivant en France et annonça que seuls 279 millions d’euros supplémentaires seraient débloqués en 2015-1016 pour faire face à la crise.

La France a pris ces mesures alors que partout en Europe les pays sont en train de rétablir les contrôles frontaliers. Outre la Hongrie, qui est en train de poser une barrière de barbelés et d’ériger un mur, le Danemark a fermé ses frontières avec l’Allemagne, l’Autriche a fermé ses frontières avec la Hongrie, la Slovaquie a fermé ses frontières hongroises et autrichiennes, la République tchèque a fermé sa frontière avec l’Autriche et la Pologne s’est dite prête à reprendre immédiatement ses contrôles frontaliers.

Si un bon nombre de ces fermetures frontalières sont censées être temporaires et ne durer que le temps de la crise des réfugiés, elles signifient manifestement que la liberté de circulation telle qu’elle garantie par les accords de Schengen sera supprimée durablement entre pays de l’UE.

Des articles ont paru jeudi comme quoi Berlin projetait de réduire drastiquement les prestations versées aux réfugiés alors qu’il se prépare à intensifier la crise des réfugiés.

Dans une loi devant être votée en procédure accélérée et qui a été divulguée hier à l’AFP, le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, prévoit des réductions drastiques des allocations destinées aux demandeurs d’asile. Les réfugiés se rendant en Allemagne en provenance d’autres pays de l’UE ne recevraient que des documents de voyage et des aides en nature et non la totalité des aides garanties par la loi. Les migrants qui tentent d’éviter la déportation en refusant de nommer leur pays d’origine se verraient refuser le droit de travailler et perdraient leurs prestations sociales.

« Le projet de loi du gouvernement va faire de l’isolement, de la dissuasion et de la privation d’un toit une partie intégrante du programme », a déclaré sur son site Internet Pro-Asyl, un groupe de défense des réfugiés.

Manfred Schmidt, le président de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF), a démissionné hier après avoir déclaré auparavant dans un entretien radiophonique ne pas avoir prévu « certains effets » de la crise des réfugiés. « On peut dire que j’ai échoué puisque c’est comme ça, » a dit Schmidt qui a fait l’objet de critiques de la part de municipalités qui l’ont accusé de ne pas leur avoir donné les moyens appropriés pour faire face à l’afflux de nouveaux réfugiés.

La police allemande a rapporté jeudi que 7.266 « passages illégaux de la frontière » avaient eu lieu mercredi, deux fois plus que mardi alors que 4.600 réfugiés attendaient en Autriche pour passer la frontière vers l’Allemagne.

Les réfugiés étant refusés par la Hongrie, qui a fermé sa frontière pour 30 jours après une répression brutale mercredi, par la police hongroise, de réfugiés qui tentaient de franchir la frontière serbo-croate, des milliers d’autres cherchent actuellement à entrer dans l’UE en passant par la Croatie depuis la Serbie. Des milliers de réfugiés sont en train d’affluer vers la capitale croate, Zagreb, et les autorités croates craignent qu’ils ne s’égarent dans les champs de mines toujours là depuis les guerres des années 1990 contre la Serbie.

Une descente de police contre des réfugiés à la gare de Tovarnik en Croatie aurait visé à mettre des femmes et des enfants dans des bus à destination de Zagreb et a fini dans une bousculade lors de laquelle une personne est morte d’un arrêt cardiaque.

Riad, un réfugié irakien de Bagdad, a dit à Reuters à Tovarnik qu’il avait été séparé de sa femme et de son enfant. « Seules les femmes et les enfants ont été autorisés à monter dans les bus. Ma femme et mon enfant sont partis et [la police] ne me laisse pas les rejoindre. Mon téléphone portable ne marche plus. »

Le ministre croate de l’Intérieur, Ranko Ostojic a menacé hier que la Croatie fermerait à son tour sa frontière avec la Serbie si 8.000 personnes de plus franchissaient en une seule journée la frontière vers la Croatie. Néanmoins, les tentatives d’empêcher que des centaines de réfugiés n’entrent en Croatie en bouclant les points de passage ont échoué après que des réfugiés se sont affrontés à la police en deux endroits et ont réussi à entrer de force dans le pays. La Slovénie voisine menace cependant de fermer ses frontières et les réfugiés en Croatie rencontreront encore de nombreux obstacles avant de parvenir en Allemagne ou en Scandinavie.

(Article original paru le 18 septembre 2015)

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