Syriza prépare une coalition gouvernementale de droite

Deux semaines avant les élections en Grèce, le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, a dit clairement qu’indépendamment du résultat, il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour appliquer le nouvel accord de prêt conclu avec l’UE et les mesures d’austérité qu’il implique.

« Nous respecterons l’accord conclu avec les créanciers, » a dit lundi à Thessalonique le premier ministre sortant lors d’une conférence de presse. L’accord était le meilleur résultat possible des négociations, a souligné Tsipras. Le respect de l’accord était « le seul moyen » de faire sortir la Grèce de la crise.

Tsipras n’avait jamais auparavant soutenu en termes aussi clairs le mémorandum de l’UE. Il appuie maintenant ouvertement un programme qui comprend la baisse des retraites et des salaires et une hausse des taxes régressives et il déclare qu’il n’y a pas d’alternative.

Tsipras est même allé jusqu’à dire que même s’il n’était pas réélu le 20 septembre et était relégué aux bancs de l’opposition son parti voterait pour les coupes sociales radicales prévues dans l’accord de crédit. Vu les rapports de forces actuels, ceci ne peut que signifier que Syriza est prêt à soutenir un gouvernement du parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) dans la mise en vigueur des mesures d’austérité exigées par l’UE.

Bien que Tsipras rejette une coalition directe avec ND, il est déjà clair ce que vaut la campagne de promesses faite par l’actuel parti au pouvoir. En janvier, Syriza fut élu sur la base de promesses de mettre fin aux mesures d’austérité. Quelques semaines plus tard, il mettait en pratique des mesures d’austérité allant même au-delà de ceux du gouvernement précédent.

Lundi, Tsipras a aussi confirmé n’avoir aucune objection de principe à former une coalition avec des partis pro-austérité. Lors d’une conférence de presse, il a exclu tout appel à de nouvelles élections en disant qu’il y aurait un gouvernement de coalition si Syriza s’avérait être le parti le plus fort. Quant à savoir qui du parti libéral To Potami (La Rivière) ou du social-démocrate PASOK rejoindrait le gouvernement, c’est à eux de décider a précisé Tsipras.

Pour ce qui est des coupes sociales, le PASOK n’a rien à envier à ND. Le PASOK avait gouverné le pays de 2009 à 2011 et appliqué le premier accord contenant de sévères mesures d’austérité. Durement puni par les urnes, il a pourtant poursuivit ce travail après 2011 grâce à diverses coalitions avec ND.

Ce sont ces forces que Tsipras veut à présent faire revenir au gouvernement. Le dirigeant de ND, Vangelis Meimarakis, a déjà dit que son parti était prêt à une coalition avec Syriza. Ces derniers mois, ND, PASOK et To Potami ont plusieurs fois voté pour les lois déposées par le gouvernement pour assurer une majorité au gouvernement. Meimarakis s’est dit prêt à renoncer au poste de premier ministre, même si son parti arrivait en tête à l’élection.

Etant donné que sa politique ne se distingue pas de celle de ND et du PASOK, Tsipras concentre de plus en plus, dans sa campagne, son discours sur la question de la corruption qu’il prétend combattre. Dans la politique grecque, le fait de taper sur le népotisme des autres sert toujours à dissimuler ses propres cochonneries.

En réalité, les récentes déclarations de Tsipras montrent pourquoi le premier ministre a vraiment appelé à de nouvelles élections. Son principal objectif est de conférer une légitimité pseudo de gauche à son programme droitier. Si Syriza devenait le parti le plus fort, Tsipras l’interpréterait comme une expression du consentement avec le programme de l’UE. Si ND l’emportait, le résultat serait le même.

C’est la raison pour laquelle la colère des travailleurs vise de plus en plus l’ensemble de l’establishment politique. D’après un grand nombre de sondages d’opinions, une importante partie de l’électorat est indécise, ne sachant pour qui voter.

Evel Economakis, instituteur dans une banlieue d’Athènes, a dit au WSWS que très peu de gens croient que Tsipras tiendra une seule de ses modestes promesses. « Les gens sont abasourdis, confus et en colère, » a-t-il dit.

Economakis a parlé de l’état d’esprit qui régnait à Athènes. Alors qu’il faisait ses courses, il a rencontré un retraité, Manolis en train d’acheter du lait et du riz. « Tsipras réclame de nouvelles élections parce qu’après le meurtre il lui faut gérer les funérailles du pays, » a dit Manolis. « Nous les Grecs, nous n’avons jamais été à court de fossoyeurs. »

« C’est un beau gouvernement de gauche que nous avons, » a dit un chauffeur de taxi qui attendait un client. « Il impose des réductions rétroactives de la retraite, supprime les revenus aux personnes à bas salaires, augmente les impôts, signe des programmes pour des emplois en intérim et, grâce à la Banque mondiale, ouvre grand la porte aux investissements étrangers dans un pays où les salaires sont de 300 euros par mois. » 

« Il existe deux sources de pouvoir dans ce monde, » a dit un vendeur de souvlaki avec un sourire moqueur, « un tas d’argent et un tas de gens. Syriza a capitulé devant le premier parce qu’ils n’ont pas eu le courage de compter sur les derniers. »

Alekos, pompiste d’une station-essence, a dit que ce n’était pas par hasard que des gens comme le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, et le directeur général du mécanisme européen de stabilité, Klaus Regling, ont soutenu Tsipras. « Ils veulent être sûrs que le mémorandum soit appliqué, » a-t-il dit.

Economakis a raconté qu’un grand nombre de gens voient d’un œil critique le parti Unité populaire nouvellement formé, qui a quitté Syriza après que Tsipras a demandé de nouvelles élections. Il se compose principalement de parlementaires de la Plateforme de gauche qui avaient voté contre certaines des mesures d’austérité tout en défendant toujours le gouvernement. 

Sophia, contrôleuse de billets à Athènes, a dit que la Plateforme de gauche avait critiqué Tsipras mais n’avait rien fait pour empêcher le mémorandum. D’autres, comme Giorgos, un travailleur de cinquante ans, voit dans la Plateforme de gauche une tentative de vendre la politique de droite de Tsipras comme étant de « gauche ».

Larissa, une mère de Bulgarie qui élève son enfant seule et qui travaille comme femme de ménage a aussi critiqué Unité populaire. « Ils doivent des excuses à la population parce qu’ils n’ont pas quitté Syriza lorsque le ‘non’ au référendum a été transformé en ‘oui’, » a-t-elle dit. « Ils sont partis quand Tsipras a annoncé la tenue de nouvelles élections et qu’ils ont su qu’ils ne figureraient pas sur les listes électorales. »

Tsipras a réagi à la colère et au désespoir grandissants des travailleurs en insistant pour dire qu’ il n’y a pas d’alternative dans les élections et que le programme de l’UE, soutenu par la classe dirigeante grecque, sera appliqué quels que soient les résultats.

(Article original paru le 9 septembre 2015)

 

 

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