Les electeurs boudent le referendum du PS sur l'unité de la gauche avant les régionales

Le referendum proposé le weekend dernier par le Parti socialiste (PS) au « peuple de gauche » sur l’unité de la gauche aux premier tour des régionales a été un échec retentissant. Les partis auxquels on proposait cette unité étaient les alliés traditionnels du PS, les écologistes d’EELV, le PCF stalinien, le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. 

Officiellement, seuls 250.000 électeurs ont participé au scrutin dont 135.027 se sont déplacés aux 2.500 urnes à travers la France et 116.300 ont voté sur Internet. Sans surprise, le résultat du referendum était une victoire écrasante du « oui » à 90 pour cent: les électeurs susceptibles de se déplacer pour se référendum auraient été pour la plupart des soutiens de l'alliance de longue date entre le PS et ses satellites de « gauche ».

Trois ans d'austérité sous Hollande ont sapé ce qui restait de base politique au PS. Les deux tours des primaires présidentielles du PS en 2012 avaient mobilisé chacun 2.5 millions de personnes. En organisant le référendum il y a un mois, le responsable des élections au PS, Christophe Borgel, n'osait espérer que 500.000 votants. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a révisé ce chiffre à la baisse, d’abord à 300.000 et enfin à 200.000 votants quelques jours avant le referendum — à peine une fois et demie le nombre d’adhérents au PS.

Même le chiffre annoncé de 250.000 électeurs est suspect, car plusieurs journalistes du Monde, de L'Obs, et du Huffington Post ont vérifé qu'il était possible de voter plusieurs fois.

Il suffisait de saisir des données d’un premier vote puis, aprés l'enregistrement de ce vote, modifier uniquement l'adresse e-mail saisie afin d'enregistrer un nouveau vote. Un journaliste de LObs a pu voter dix fois de suite; en réalité l’opération aurait pu être répétée à l’infini.

La présidente d’Europe Écologie Les Verts (EELV), Emmanuelle Cosse, s’est étonnée d’avoir reçu un mail de confirmation l’informant de sa participation au vote. Elle tweetait le soir du vote « Donc je viens de recevoir un mail de “referendum Unité” me remerciant pour mon vote ?!??Bourrage des urnes... Je le crains ».

Malgré la très faible participation et les fraudes, Jean-Christophe Cambadélis s’est efforcé à tout prix de faire bonne figure: « Même s’il a été vilipendé, ce referendum a placé le PS au centre des débats! » Sa conclusion lamentable fut: « C’est un succès, c’est le top, pas le flop! »

Même des membres du PS se sont plaints du referendum. Le député Christian Paul s’est dit « atterré » par le referendum ... C’est un non-événement. Demain, il faut se remettre aux choses sérieuses. On a détourné les énergies militantes de la campagne [des régionales] pour rien, car ce referendum n’a aucun effet sur la réalité. »

Le referendum était présenté comme permettant une alliance de toute « la gauche » qui serait indispensable pour empêcher le Front national néofasciste de contrôler des régions jusqu’à présent contrôlées par le PS. Le FN est en position de gagner la présidence de deux des douze nouvelles régions, Nord-Picardie et Provence-Côte d’Azur.

Ce referendum tentait de présenter le PS comme étant à « gauche » par le biais des alliances avec le Front de gauche et EELV, tout en encourageant un vote PS en agitant l'épouvantail du FN. Cette stratégie s'est soldée par un échec retentissant.

Les partis vers lesquels le PS se tournait sont eux-mêmes largement discrédités aux yeux de la majorité de la population, chez qui ils ne suscitent aucun enthousiasme. Des masses de gens sentent instinctivement que leur politique ne serait pas différente de celle du PS, avec qui ils ont noué des alliances étroites depuis plusieurs décennies.

Ces partis, qui représentent des couches aisées de la petite bourgeoisie, ont tous applaudi Syriza après que ce parti a négocié l'imposition de mesures d'austérité féroces aux travailleurs grecs avec l'Union européenne.

Le PCF soutient Syriza depuis des années. Le dirigeant du PCF, Pierre Laurent, était présent avec Podemos lors du dernier meeting de la campagne électorale de Syriza à Athènes le 18 septembre, en tant que président du Parti de la gauche européenne. Il a déclaré : « Votre vote est attendu par 27 autres pays européens, pour les peuples desquels, une victoire de Syriza serait symbole d’espoir et de lutte! Réélisez Syriza et Alexis Tsipras, car ils continueront de se battre contre ce vieux système politique ».

Jean-Luc Mélenchon, allié du PCF dans le Front de gauche et dirigeant du Parti de gauche, a maintenu son soutien à Syriza même après que Tsipras eut accepté les mesures dictées par Berlin. Mélenchon a publié un communiqué qui déclarait : « Le gouvernement d’Alexis Tsipras a résisté pied à pied comme nul autre ne l’a aujourd’hui fait en Europe. »

L'argument qu'un vote PS serait le meilleur moyen de barrer le chemin au FN perd aussi son influence. Après trois ans d’austérité sans répit contre la classe ouvrière, de politique sécuritaire à outrance avec patrouilles de l'armée sur le territoire national, et d'interventions à répétition au Moyen-Orient et en Afrique, le PS met en pratique une partie importante du programme du FN. Hollande a même invité Marine Le Pen, la dirigeante du FN, à l'Elysée en janvier, après l'attentat contre Charlie Hebdo.

Dans ces conditions, l'argument que le PS est le meilleur « vote utile » pour barrer la route au FN n'exerce plus aucune influence sur de larges masses d'électeurs.

Dès lors, le référendum proposé par Cambadélis, dépourvu de tout contenu politique hormis les tactiques électorales du PS, n'a pu obtenir aucune réaction significative. C'était la stratégie d'une classe politique décadente, isolée de la population et profondément hostile aux travailleurs.

Loading