Le budget de Syriza met en oeuvre les diktats des banques européennes

Lundi soir, le premier ministre grec Alexis Tsipras a présenté un projet de budget 2016 comportant des mesures d'austérité radicales, qu'il a qualifiées de « seul moyen » de sortir de la crise économique que connaît le pays.

Le budget reprend toutes les coupes convenues en juillet entre le gouvernement grec mené par Syriza et ses créanciers européens dans le cadre du soi-disant protocole d'entente. Elles comprennent de nouvelles hausses des taxes régressives, des coupes dans les retraites et la suppression de droits des travailleurs.

Malgré une récession profonde et une pauvreté qui monte en flèche, le gouvernement s’est engagé à obtenir un excédent budgétaire l'an prochain. Celui-ci sera utilisé pour rembourser la dette et les intérêts. Les milliards d'euros extraits grâce à la réduction des dépenses imposée à la classe ouvrière grecque seront transférés sur les comptes des créanciers du pays.

La proposition de budget est une nouvelle étape dans la capitulation de Syriza aux diktats du capital financier européen et dans la répudiation de ses promesses de mettre fin à l'austérité.

Quand Tsipras a signé l'accord avec les créanciers de la Grèce en juillet, il a déclaré qu'on l’avait forcé à mettre en œuvre des coupes sociales. Maintenant il promeut ouvertement l'austérité, faisant valoir qu’elle est le seul moyen de sortir le pays de la crise. La Grèce doit retrouver sa crédibilité, a déclaré Tsipras. « Nous devons nous serrer la ceinture ».

Lors d'une réunion du Groupe Syriza, samedi dernier, Tsipras s’est aligné entièrement sur le Mémorandum. «Nous devons oser mettre en œuvre les réformes dont le pays a besoin », a-t-il dit. «Notre principal objectif est de sortir le plus rapidement possible de la surveillance et de retrouver l'accès aux marchés internationaux ».

S’adressant au parlement lundi, il a affirmé que l’application inconditionnelle de l’accord de crédit ouvrait la possibilité de restructurer les dettes de la Grèce. Il a dit qu'il soutiendrait dans l’Euro Groupe l'augmentation de la durée des échéances de remboursement des prêts, liant celui-ci à la croissance économique, et la fixation de taux d’intérêts permanents. Tsipras a ainsi laissé tomber sa demande précédente d’un allégement de la dette.

Le projet de budget est basé sur l'hypothèse que l'économie se contractera de 2,3 pour cent cette année. La baisse projetée pour 2016 est de 1,3 pour cent. Bien que le gouvernement prévoie un excédent primaire l'an prochain, il suppose que la charge de la dette totale du pays passera à 196 pour cent du PIB d'ici la fin de l'année et à 201 pour cent l’année suivante. Le principal facteur de cette hausse étant les taux d'intérêt usuraires des créanciers de la Grèce.

L'argument de Tsipras que la coupe des dépenses sociales conduira à sortir la Grèce de la crise est absurde. La réalité est que les mesures d'austérité imposées ces dernières années l’ont enfoncé plus avant dans la récession et porté son taux d'endettement à un niveau exorbitant.

En attendant, le gouvernement de Tsipras a déjà entamé le processus de mise en œuvre des mesures. Lundi soir, les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis à Luxembourg pour discuter l’application de l'accord.

A cette réunion, le ministre grec des Finances Efklidis Tsakalotos a fait état d’un plan pour présenter avant le 15 octobre 48 « jalons » déjà spécifiés dans le Mémorandum au Parlement grec. Ceux-ci comprennent de nouvelles coupes dans les retraites, la privatisation des aéroports et une loi sur l'insolvabilité donnant plus de pouvoirs aux banques grecques pour recouvrer leurs créances.

Le gouvernement dit qu'il espère obtenir par une mise en œuvre rapide du programme le versement de la prochaine tranche de prêts de deux milliards d'euros. Un premier rapport devrait être présenté à l'UE à la fin du mois pour décider du paiement. Globalement, l'accord couvre des prêts de l’UE de plus de 86 milliards d'euros, dont 13 milliards ont déjà été versés à la Grèce. Le gouvernement avait utilisé cette somme pour rembourser des prêts à l'UE et au FMI.

La recapitalisation des banques fut également un thème central des discussions, mais aucun accord définitif n’a été conclu. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) a mis à disposition des banques grecques jusqu'à 25 milliards d'euros, de l’argent dont les banques ont besoin parce que la BCE a plafonné leur financement et imposé des contrôles de capitaux.

Du à la profonde récession, des mauvais prêts à hauteur d’environ 100 milliards d'euros se sont accumulés dans les quatre grandes banques du pays. Le gouvernement grec a accepté de modifier les lois de recouvrement de créances pour permettre aux banques de liquider ou de restructurer les entreprises surendettées. Le résultat en sera des licenciements et des réductions de salaire massifs.

Malgré ces mesures, la capitalisation des banques est loin d'être assurée. Le MES a déclaré qu’il avait l’intention de remplacer la direction actuelle des banques concernées afin de les contrôler directement, une démarche rejetée jusqu'à présent par le gouvernement grec.

La situation sociale en Grèce est déjà désastreuse. Le quotidien Kathimerini a publié ce week-end des chiffres internes de l'administration fiscale, selon lesquels plus de 60 pour cent des 5,9 millions de ménages enregistrés ont un revenu annuel inférieur à 12.000 euros. Avant l'introduction de mesures d'austérité dictées par la troïka en 2010, seulement 2,8 millions de ménages tombaient dans cette catégorie. L'analyse a montré que le revenu de la population à revenu moyen du pays (€20.000-30.000 par an) a baissé d'environ 30 pour cent.

L’implacable programme d'austérité du gouvernement Syriza lui a valu les applaudissements non seulement de la bourgeoisie européenne, mais aussi de l'élite dirigeante grecque. La semaine dernière, le président de la Fédération hellénique des entreprises (SEV), Theodoros Fessas, s’est félicité du nouveau gouvernement dans le quotidien d’affaire allemand Handelsblatt. Il a déclaré qu'il était plus « fermé et uni » qu’un gouvernement d'unité nationale et, en plus, soutenu par l'opposition. Syriza avait « réalisé que le sort de notre pays dans la famille européenne est une question de survie ».

Les partis d'opposition ont déjà exprimé leur soutien au gouvernement. Le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), le PASOK social-démocrate et le rejeton de Syriza qu’est la Gauche démocratique (Dimar), avaient déjà assuré une majorité parlementaire à Tsipras dans la dernière législature.

Dimanche, le parlement a élu à sa présidence le député de Syriza Nikos Voutsis avec 181 voix, 26 voix de plus que le total des sièges de la coalition. Cette majorité incontestable a été considérée comme un signe de soutien au nouveau gouvernement. On s’attend à ce que Tsipras gagne son propre vote de confiance au parlement, prévu pour mardi soir.

L'émergence d'Alexis Tsipras comme un politicien de droite traditionnel, pro-austérité, confirme l'analyse politique du Comité international de la Quatrième Internationale. Le World Socialist Web Site avait, bien avant l'élection de Syriza en janvier, démasqué cette organisation de la pseudo-gauche comme un parti bourgeois, pro-capitaliste reposant sur les secteurs les plus privilégiés de la classe moyenne supérieure et qui trahirait les aspirations des travailleurs et des jeunes en Grèce.

« Si des groupes comme Syriza se servent parfois d’une phraséologie d’apparence radicale ou marxiste », avait écrit le WSWS plus tôt cette année, « ils ne le font que pour couvrir une politique de droite et une défense du système capitaliste. En Grèce, la pseudo-gauche est au pouvoir et son caractère a été démontré de façon concluante ».

 

(Article original paru le 06 octobre 2015)

 

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