Cameron et Hollande se rencontrent pour discuter de l'escalade militaire en Syrie

Le président français François Hollande et le premier ministre britannique David Cameron, qui cherchent à répondre aux attaques terroristes du 13 novembre par une escalade de la sanglante guerre de Syrie se sont rencontrés lundi à Paris. 

La France a lancé lundi les premiers bombardements contre l’État islamique (EI) en Syrie effectués par des avions de son porte-avions Charles de Gaulle, déployé en Méditerranée orientale. Le navire peut mobiliser 26 avions de guerre, trois fois le nombre des avions français actuellement en service en Syrie. 

Mardi, Hollande doit rencontrer le président américain Barack Obama et plus tard dans la semaine, la chancelière allemande Angela Merkel et le président russe Vladimir Poutine. 

Pour Cameron, les discussions avec Hollande visaient à faciliter l’obtention d’un vote du parlement britannique pour une intervention militaire de la Grande-Bretagne en Syrie. Parlant aux côtés de Hollande, qui a déclaré que son gouvernement allait y « intensifier » ses missions de bombardement, Cameron a dit, « Je soutiens fermement l'action que le président Hollande a prise de frapper l'Etat islamique (EI) en Syrie et j'ai la ferme conviction que la Grande-Bretagne devrait le faire aussi ». 

La Grande-Bretagne permettrait à la France d'utiliser la base de la Royal Air Force (RAF) à Chypre pour effectuer des bombardements en Syrie, a dit Cameron. 

La Grande Bretagne et la France pressent toutes deux à une escalade massive des opérations militaires à l'extérieur et de la répression policière à l'intérieur. 

Immédiatement après sa rencontre avec Hollande, Cameron a fait à Londres une déclaration sur la Strategic Defence and Security Review du gouvernement (SDSR – Examen stratégique de Défense et de Sécurité). Au Parlement, il a présenté un agenda militariste disant que la Grande-Bretagne « utiliserait la force là où c'était nécessaire ». 

À cette fin, les forces armées recevraient £12 milliards (€17 milliards) de plus, portant les dépenses militaires à £178 milliards (€252,7 milliards) en tout pour la prochaine décennie. Cela inclut une augmentation de 30 pour cent du budget de la «lutte contre le terrorisme» et £2 milliards (€2,8 milliards) de plus pour les forces et les opérations spéciales. 

La pièce maîtresse de l'Examen est la formation de deux nouvelles «brigades d'attaque» de 5 000 soldats chacune. Elles seront formées à partir de personnel militaire existant et déployées partout dans le monde. Les brigades d'attaque et d'autres unités disposeront de près de 600 nouveaux véhicules blindés. Le nombre total de forces déployables passe de 30 000 à 50 000 soldats. 

Cameron a annoncé l’achat de 42 nouveaux avions de chasse furtifs F-35 Lightning, dont 24 (contre huit actuellement) seront utilisés sur deux nouveaux porte-avions devant être opérationnels d'ici 2023. Ils seront aussi affectés à la protection du système de missiles nucléaires et des porte-avions. Au moins l'un des deux nouveaux porte-avions en cours de construction sera déployé toute l'année.

Seront créés deux escadrilles supplémentaires d'avions de chasse Typhoon – sept en tout – à 12 avions chacune. Ces escadrilles fonctionneront jusqu’à ce que les chasseurs F-35 deviennent opérationnels, ceux-ci devant opérer jusqu'en 2040. On achètera neuf nouveaux avions de patrouille maritime Boeing P-8 capables de surveiller et combattre sous-marins et navires de surface. Au moins 13 nouvelles frégates seront construites, dont huit de lutte anti-sous-marine. Plus de 20 nouveaux drones Protector seront achetés, deux fois le nombre des drone Reaper qu'ils remplacent. 

On dépense sans compter des milliards de livres supplémentaires de fonds publics pour la guerre, une aubaine pour les fabricants privés d’armes. Mais cela n’est qu’un acompte. Le budget de la Défense sera augmenté de 0,5 pour cent en sus de l'inflation an pour an jusqu’à 2020-2021. Cameron a également révélé que le coût du renouvellement de Trident, le système de défense nucléaire du Royaume-Uni, augmentera de £6 milliards. Cela ne s’arrête pas là, £10 milliards étant ajouté au budget Défense pour besoins imprévus.

Suite aux attentats de Paris, le gouvernement Hollande a proposé la création de 10.000 postes des forces de sécurité, dont 5 000 policiers et gendarmes, 1 000 agents des douanes et 2 500 postes dans le système judicaire et pénal. Le gouvernement encourage activement le recrutement pour l’armée; son objectif est de recruter 170.000 nouveaux candidats à des emplois militaires contre 120 000 en 2014. Le Centre d'information et de recrutement des Forces armées a dit que 1000 personnes par jour en moyenne l’avaient contacté depuis les attentats de Paris.

Cette dernière semaine, la population, en France et en Belgique, a assisté à l’occupation par des soldats armés et des forces anti-émeutes de zones urbaines entières. Après le verrouillage de la ville de Saint-Denis, en banlieue parisienne, par une opération militaire et policière massive, c’est Bruxelles qui connaît depuis trois jours une opération militaire sans précédent.

Ces scènes sont en passe de devenir monnaie courante au Royaume-Uni. Cameron a annoncé qu'il avait autorisé un « nouveau plan d'urgence pour faire face à des attaques terroristes majeures ... Dans le cadre de cette nouvelle mesure, jusqu'à 10.000 militaires seront disponibles en soutien à la police pour traiter le genre d'attaque terroriste choquante que nous avons vue à Paris ».

Chaque centime disponible est confisqué par l'élite dirigeante pour faciliter la répression. En plus de l'argent alloué à la Défense, on augmentera les ressources pour la surveillance d’Etat massive de la population britannique par les 12.700 membres des agences de renseignement MI5, MI6 et GCHQ; on augmentera les ressources de ces agences pour leur donner 1 900 espions supplémentaires.

Les pouvoirs impérialistes insistent pour dire que l’attaque des conditions sociales des ouvriers et des jeunes est nécessaire pour «investir» massivement dans des dépenses militaires et d'armement. Les £12 milliards alloués à la préparation des nouvelles guerres de la Grande-Bretagne correspond exactement à ce que le gouvernement enlève du budget de l’aide sociale.

Cameron, qui, au début de son mandat il y a cinq ans proclamait «l'âge de l'austérité», a introduit l’Examen par cette fanfaronnade: « en respectant notre plan économique à long terme, la Grande-Bretagne est devenue la grande économie avancée du monde à la croissance la plus rapide ces deux dernières années... Nous avons maintenant une économie plus forte et nous pouvons choisir, à juste titre, d'investir davantage dans notre sécurité nationale – plus de navires, plus d'avions, une plus grande marine, une plus grande armée de l’air, une armée mieux équipée, meilleure en terme de lutte contre les cyber-attaques et le terrorisme ».

L'extension de la capacité militaire de l'élite dirigeante britannique intervient trois jours seulement avant une déclaration attendue de Cameron en faveur d’une action militaire en Syrie. Dans un document d’information soutenant cette déclaration, on utilise les attentats de Paris pour justifier la guerre en Syrie: « Les opérations de combat [en Afghanistan] ont pris fin en octobre 2014 pour le Royaume-Uni et l'attention s’est portée sur les opérations contre l’Etat islamique au Moyen-Orient. Les attentats de Paris ont incité un nouveau débat quant à savoir si le Royaume-Uni devait étendre ses opérations militaires offensives à la Syrie ».

L’escalade guerrière au Moyen-Orient et ailleurs va de pair avec le rôle central de la Grande-Bretagne dans le développement de l’agression de la Russie par l'OTAN. Le document d'information attire l'attention, entre autres développements depuis l'Examen 2010, sur « les actions de la Russie sur le flanc est de l'OTAN ». Il note, « la Russie fut à peine mentionnée dans la SDSR de 2010, mais… méritera beaucoup plus d'attention cette fois ci. Dans le cadre de la réponse large de l'OTAN aux actions russes en Ukraine, le Royaume-Uni mènera la nouvelle Force de réaction rapide à haut niveau de préparation en 2017 et s’est engagé à y contribuer un groupement tactique de mille soldats chaque année pour le reste de la décennie ».

(Article paru en anglais le 24 novembre 2015)

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