Les travailleurs de GM Kansas City, sont les premiers à voter contre le contrat au rabais de l'UAW

Les travailleurs de l'usine d'assemblage de General Motors Fairfax à Kansas City, ont voté avec résolution contre l'accord de principe conclu par le syndicat UAW (United Auto Workers). C'était le premier vote sur l'accord de quatre ans devant couvrir 53.000 travailleurs de GM au plan national. 

Dans un camouflet à l'UAW qui cherchait à faire passer l'accord en force deux jours seulement après la diffusion de son contenu, 63 pour cent des travailleurs de la production et 67 pour cent des travailleurs des métiers spécialisés ont voté «non», les 30 et 31 octobre. L'usine, qui produit les modèles Chevrolet Malibu et Buick LaCrosse, emploie 3.230 travailleurs. 

Bien conscients qu'un vote rapide provoquerait l'opposition chez les ouvriers de la base, l'UAW a néanmoins opté pour cette stratégie parce que le président de l'UAW Dennis Williams, la vice-présidente Cindy Estrada et leurs semblables savent que plus ils auront eu le temps d’étudier l'accord, plus ils pourront construire une opposition. Les scrutins dans les autres sites de GM devraient être achevés cette semaine. 

Le vote des travailleurs de Kansas City a précipité une crise dans l'appareil de l'UAW qui redouble donc d’efforts pour mentir et menacer les travailleurs de façon à faire passer l'accord. Dans un message aux ouvriers de Fairfax, la présidente de la Section 31 de l'UAW, Vicki Hale, écrit que les dirigeants syndicaux de tous les États-Unis ont tenu une conférence téléphonique après le « non ». Les hauts dirigeants de l'UAW ont dit à Hale et à d'autres responsables locaux que si les travailleurs battaient le contrat au plan national, il n'y aurait pas d'autre alternative qu’une grève, ajoutant qu'un tel débrayage « ne garantissait absolument pas des gains supplémentaires ». 

À la fin des négociations, a poursuivi Hale: «Le conseil d'administration de GM a été absolument clair sur le fait qu'il n'y avait plus de concessions à donner en ce moment ... Si une grève devient inévitable l'équipe de direction a dit tout à fait clairement que le financement pour plus de concessions serait pris dans les $1,9 milliard de la répartition par produit ». 

Comme dans les négociations avec Fiat Chrysler, la mention d'une grève est conçue comme une menace non pas à l’égard des entreprises, mais à l’égard des travailleurs. L'UAW est opposé à toute lutte sérieuse contre leurs «partenaires» patronaux et dit aux travailleurs qu'ils auront à subir un débrayage isolé, avec de maigres indemnités de grève et qu’à la fin ils ne gagneront rien. En plus, on menace les travailleurs de fermetures d'usines et de la destruction d'emplois. 

L’affirmation que l'UAW a des engagements d'investissement ayant « créé ou conservé » 3.300 emplois ont aussi peu de valeur que les décennies de soi-disant accords de «sécurité d'emploi» qui n'ont rien fait pour arrêter la destruction depuis 1979 de plus d’un million d'emplois chez les trois grands constructeurs automobiles de Detroit. L'accord actuel permet la fermeture permanente de l'usine de Janesville, Wisconsin. D'autres sites, dont l'usine d'emboutissage de Marion, Indiana, n'ont pas de nouveaux produits. Ces usines seront condamnées à moins que l'UAW ne gagne « des possibilités d'emploi » en imposant des reculs encore plus forts. 

Le contrat a été adopté à l'usine Grand River de Lansing, Michigan au cours du week-end, bien que 43 pour cent des travailleurs s'y soient opposés. L'usine a subi des milliers de licenciements et les responsables syndicaux ont conclu plusieurs accords pour rendre le site « compétitif ». Quelque 500 emplois ont été rétablis pour construire la Chevrolet Camaro, retirée de l'usine GM d'Oshawa, près de Toronto au Canada, une démarche qui menace des milliers d'emplois. 

L'UAW utilise le chantage économique pour forcer les travailleurs de GM à accepter un accord pourri. Un examen de son contenu montre pourquoi. L'accord de GM, comme le contrat Fiat Chrysler avant lui, ne peut en aucune façon être considéré comme un «contrat avec les travailleurs» dans le sens où il oblige la société à respecter les normes salariales, les règles de travail et les autres conditions d'emploi. Au contraire, c'est un contrat entre deux entités commerciales: General Motors et UAW S.A., dans le but d'augmenter les profits extraits sur le dos des travailleurs de l'automobile. 

Les centaines de pages de l’accord détaillent les obligations de l'UAW – définie comme « le partenaire de travail» de l’entreprise – pour imposer les diktats de la direction. En échange, l'appareil de l’UAW, qui contrôle neuf pour cent des actions de la société par le biais de la Mutuelle maladie des retraités de l’UAW, participe à un vaste réseau de programmes de cogestion pour augmenter les profits, empêcher tout mouvement social et restructurer les opérations de l'entreprise par des fermetures d'usines et des licenciements.

La clé de voûte des affirmations de «gains salariaux significatifs» de l'UAW est que les travailleurs de second rang parviendront à obtenir des « salaires traditionnels » après avoir travaillé huit ans. Mais il n’y a aucune garantie à ce sujet puisque le contrat est seulement pour quatre ans et que l'UAW et l’entreprise ont une longue histoire d'abandon de leurs engagements dû aux « circonstances économiques ».

En tout cas, après huit ans ou plus, le nouveau salaire de base de $29 de l’heure – celui qui a été gelé toute une décennie pour les travailleurs du premier rang – sera beaucoup plus proche d'un salaire de pauvreté qu'il ne l'est maintenant.

Loin d'abolir le système détesté des salaires et des avantages à deux vitesses, l'accord GM va en rajouter un troisième, un quatrième et même plus (selon certaines estimations huit ou plus). Il y aura les travailleurs de premier et deuxième rang, les différents échelons de travailleurs intérimaires, les travailleurs des pièces détachées et les travailleurs en CDD dans les filiales comme GM Subsystems Manufacturing. Ces derniers, payés des salaires de misère, ne sont pas inclus dans l'accord national, mais sont obligés de payer des cotisations à l'UAW.

« C’est du bradage », a dit un travailleur chevronné de l'usine de Transmission GM de Toledo. « Ils inondent l’usine avec des intérimaires pour éliminer toutes les heures supplémentaires des salariés permanents, dressent les travailleurs de différents rangs les uns contre les autres pour se débarrasser des plus anciens. Et une fois qu’ils auront éliminé ce premier rang, ce sera le tout du deuxième rang. L’accord crée la concurrence entre les salariés, pour dégrader la situation générale de tous les salariés. »

Les salariés anciens – qui subissent depuis dix ans un gel des salaires qui a amputé leur salaire réel d’un tiers -- reçoivent une augmentation insultante de six pour cent et deux paiements forfaitaires de quatre pour cent. Les indemnités indexées sur l’inflation, d’abord gagnées en 1950, ont été remplacées par des «primes de rendement» qui mèneront au retour du système haï du travail aux pièces.

Autrement dit, au lieu que les travailleurs de second rang soient «en progression» vers un avenir d'emplois bien payés et sécurisés et des retraites et prestations médicales à la charge de l’employeur, l’accord met tous les salariés de l'automobile « en régression » dans une catégorie permanente de bas salaires et d'avantages inférieurs une fois évincés les salariés plus âgés et mieux payés.

La question la plus importante peut-être, qui donne à l’accord son caractère «transformateur» pour les patrons de l'automobile et l'UAW, ne figure pas expressément dans l'accord. En conformité avec la politique du gouvernement Obama de transfert des coûts de santé des employeurs aux travailleurs, les entreprises et le syndicat sont déterminés à éliminer la couverture de soins médicaux «à vie» obtenue par les travailleurs de l'automobile.

La proposition de l’UAW de monter une « coopérative » de prestations de santé a été retirée de l’accord actuel, car, pour citer le site web de l'industrie Automotive News, « les travailleurs payés à l'heure à [Fiat Chrysler] l’ont considérée avec méfiance, comme un cheval de Troie pour augmenter leur contributions financières aux prestations médicales ». Si les analystes de l'industrie ont appelé l'inclusion par Williams de cette proposition dans les négociations actuelles, une « erreur tactique », l’ancien négociateur de GM Art Schwartz a dit à Automotive News que cette « idée ... pourrait être relancée plus tard ».

Les travailleurs de second rang ont déjà ces prestations médicales de qualité inférieure de sorte qu’elles ne dépassent pas le seuil de la taxe « Cadillac » d'Obama sur les prestations de « coût élevé ». Mais l'UAW a promis de collaborer avec l’entreprise pour réduire les prestations des travailleurs de premier rang ou imposer des franchises aux travailleurs refusant d’abandonner leur couverture de santé actuelle.

« Ils veulent qu’on aille voir leurs médecins bon marché, et pas nos spécialistes », a dit un travailleur avec 15 ans d’ancienneté à l’usine GM d’Arlington, Texas, où 4.125 travailleurs votaient hier. « Nous avons été dupés dans le dernier contrat. L'UAW a dit qu'il fallait aider l'entreprise à sortir de la faillite en acceptant un gel des salaires et perdre notre indemnité indexée sur l’inflation. Maintenant ils ont fait $8 milliards de bénéfices pour les neuf premiers mois de cette année, et tout ce que l'UAW va négocier est une augmentation de $1,75 de l'heure sur quatre ans. Beaucoup de travailleurs sont contre. »

« La prime à la signature de $8000 est un pot de vin pour nous faire tenir tranquille. Mais notre usine produit la Cadillac Escalade et d'autres gros VUS qui rapportent gros à l’entreprise. Nous avons d'énormes moyens, mais l'UAW ne les utilisera pas. Ils ne cessent de dire que nous pouvons nous mettre d’accord sur quelque chose avec l’entreprise, mais après on n’aura rien ».

«J’ai vu des gens tomber morts et ils les écartent de la chaîne pour maintenir la cadence. Au bout du compte, ils ne pensent qu’au fric, pas au travailleur. J’ai été blessé parce qu'ils avaient accéléré la chaîne et parce que j’ai été en maladie 90 jours, je n’ai même pas le droit à la prime à la signature. C’est une claque dans la figure. L'UAW ne se bat pas pour nous, ils se battent pour eux-mêmes ».

(Article paru en anglais le 2 novembre 2015)

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