Bernie Sanders, associé tacite du militarisme américain

Bernie Sanders mène maintenant devant la favorite Hillary Clinton dans les sondages des électeurs démocrates du New Hampshire, le premier État à tenir une primaire et il est en passe de combler son écart dans l'Iowa, le premier Etat à choisir ses délégués à la convention qui désigne le candidat aux présidentielles et aussi dans les sondages nationaux. Sanders continue d'attirer de grandes foules, il est bien traité favorable dans les médias (le New York Times a publié un article flatteur en une le 21 août) et les contributions de campagne affluent. 

Les commentaires sans imagination des politologues des médias ont largement ignoré un vide important dans la campagne de Sanders. L'aspirant à la Maison Blanche n'a pas donné la moindre indication de ce qu'il ferait en tant que commandant en chef des armées. En quatre mois de campagne, Sanders a fait peu ou pas de référence à la politique étrangère et militaire dans ses discours. La politique étrangère ne figure même pas sur le site web de sa campagne qui énumère 10 sujets, tous de politique nationale. 

Un article sur Yahoo News le 24 août soulève la question de “Comment le président Bernie Sanders gèrerait la politique étrangère". Le rapport commence par prendre note de ce fait curieux: "Bernie Sanders, sénateur indépendant du Vermont, a une section spéciale 'Guerre et Paix' sur son site officiel, qui précise ses opinions sur des questions comme l'Irak, l'Afghanistan et le processus de paix au Moyen-Orient. Bernie Sanders lui, qui brigue la nomination présidentielle démocrate ... n'en a pas. " 

L’article poursuit en énumérant les positions de Sanders sur une gamme de questions de politique étrangère, se fondant sur son bilan de votes en tant que membre du Congrès et sénateur. Son profil est typique des démocrates libéraux: il a soutenu la guerre du gouvernement Clinton contre la Serbie en 1999 et l'invasion de l'administration Bush de l'Afghanistan en 2001, tout en votant contre la guerre du Golfe en 1991 et l'autorisation pour l'utilisation de la force militaire contre l'Irak en 2002. Il a critiqué le bombardement par Obama de la Libye en 2011 surtout pour n'avoir pas demandé l'autorisation du Congrès, mais a soutenu son bombardement de l'Irak et de la Syrie en 2014. 

Sanders est un partisan indéfectible de l'Etat d'Israël et a approuvé a plusieurs reprises les attaques israéliennes de la bande de Gaza, tout récemment le bombardement sauvage de juillet-août 2014 qui a tué près de 2000 Palestiniens, dont plus de 500 enfants. Lors d'un meeting en août 2014, Sanders a notoirement exigé que les membres du public "la ferment" quand ils ont remis en cause son soutien aux actes criminels d'Israël. 

Adversaire véhément de la Chine tant en politique étrangère qu' économique, il a soutenu l'intervention américaine en Ukraine en vue de fomenter un coup d'Etat mené par des éléments fascistes pour renverser le gouvernement pro-russe et mettre en place un régime fantoche pro-occidental. "Le monde entier doit résister à Poutine," a déclaré Sanders l'année dernière, à un moment où la campagne belliciste dans les médias américains et européens battait son plein. 

Yahoo News résume le profil de la politique étrangère du candidat ainsi: "L'image qui se dégage est moins celle d'un boute-feu radical anti-guerre qu'un libéral pragmatique qui considère la force militaire comme un second choix dans presque toutes les situations, mais un choix qui doit parfois être fait". 

CBS News, dans un profil de Sanders la semaine dernière, a noté son alignement général sur la politique étrangère du gouvernement Obama, y ​​compris sa guerre contre l'Etat islamique en Irak et en Syrie, son accord nucléaire avec l'Iran, et sa décision de normaliser les relations avec Cuba. 

Le silence continu de Sanders sur la politique étrangère et militaire est devenu un sujet assez embarrassant pour certains de ses partisans libéraux de gauche. Dans un commentaire ce mois-ci sur le site Web d'Al-Jazira Amérique, Norman Solomon, critique dans les médias, s’est plaint après avoir soutenu Sanders avec enthousiasme sur les questions intérieures et économiques, du refus du candidat d'aborder les questions du militarisme et de dépenses militaires. 

Salomon dit: «Les mêmes omissions étaient visibles au dîner annuel du Parti démocrate de l'Iowa le 17 juillet, où Sanders a prononcé un discours convaincant mais sans aucune référence aux affaires étrangères. A l'entendre, on n’aurait pas dit que les Etats-Unis sont dans leur 14e année d’une guerre sans interruption. On n' aurait pas dit non plus qu'un vaste budget militaire limite terriblement les options pour un investissement public élargi dans l'enseignement universitaire, les infrastructures, l'énergie propre et l'emploi, que Sanders préconise ". 

Sanders n’est pas seulement généralement aligné sur la politique étrangère du gouvernement Obama, il a refusé de spécifier un seul programme d'armement ou projet du Pentagone qu'il réduirait ou éliminerait s'il était élu en 2016. Il est partisan de longue date du programme d'armement le plus onéreux des États-Unis, les $1.400 milliards de l'avion de chasse F-35, dont certains seront basés à Burlington, au Vermont, la ville où il réside. 

Le soi-disant «socialiste» a voté de façon répétée pour des lois allouant de vastes crédits au Pentagone qui maintenaient le financement des guerres, financement auquel il se disait opposé, ainsi que le financement de l'infrastructure de la CIA, de la NSA et du reste du vaste appareil de renseignements américain espionnant la population américaine. 

Son bilan en politique étrangère et militaire est tellement de droite que même ses plus serviles apologistes, les groupes pseudo de gauche Socialist Alternative et International Socialist Organization ont été contraints de s’en plaindre, même si cela ne les a pas empêchés de saluer la campagne de Sanders comme un énorme progrès et de soutenir ouvertement un candidat à l'investiture présidentielle du Parti démocrate. 

Dans un long portrait de Sanders, Dan LaBotz de l'ISO qualifie ses positions en politique étrangère de “gros problème”, ajoutant, "Ce que ce bilan démontre c'est que Sanders n'a pas de position cohérente et principielle contre l'impérialisme américain." C’est là une grosse distorsion: Sanders est un défenseur avéré de longue date de l'impérialisme américain, pas un adversaire tiède ou incohérent. 

LaBotz poursuit: «Le programme de Sanders ne fait aucune mention de l'armée. Alors qu'il se dit lui-même socialiste, la politique étrangère et la politique militaire de Sanders restent alignées sur le capitalisme de la grande entreprise, le militarisme et l'impérialisme ". 

En d'autres termes, Sanders n'a rien à voir avec les principes internationalistes sur lesquels se fonde le véritable socialisme. Il est du même bois que les Tony Blair (le premier ministre britannique travailliste qui était le partenaire junior de George W. Bush dans la guerre criminelle en Ira) et les François Hollande (le président français ‘socialiste’ qui est le partenaire junior d' Obama en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Libye et dans toute l'Afrique). 

(Article paru en anglais le 27 août ici 2015)

 

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