Perspectives

Les noyades en masse en Méditerranée : un crime de l’impérialisme

Une nouvelle et horrible tragédie s’est abattue sur des réfugiés fuyant l'Afrique du Nord pour atteindre l'Europe via la mer Méditerranée. Dimanche, un petit bateau a chaviré à environ 200 km au sud de l'île italienne de Lampedusa. Jusqu’à 700 personnes sont mortes. Lundi, les secouristes cherchaient toujours à récupérer les corps. Il se peut que le nombre exact de morts ne soit jamais connu.

Cette catastrophe intervient quelques jours seulement après qu’un bateau transportant 550 réfugiés a coulé en Méditerranée; au moins 400 d’entre eux se sont noyés.

Le nombre de personnes qui meurent en tentant d'émigrer vers l'Europe est choquant: plus de 1 500 depuis le début de cette année, 30 fois le nombre de décès pour la même période l’année dernière. Quelques 20 000 réfugiés ont atteint l'Italie, dont la majorité est maintenant prisonnière dans des camps d'internement.

Cette dernière noyade de masse n’est pas simplement une tragédie, c’est un crime. Les grandes puissances impérialistes d'Europe et les États-Unis ont du sang sur les mains.

Le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'autres organismes d'aide estiment qu'un demi-million de personnes campe sur les côtes libyennes et cherche désespérément à trouver un passage à bord de tout navire disponible pour faire la traversée vers l'Europe. Elles ne représentent qu'une fraction de la population de réfugiés de cette région: deux millions pour la seule Libye, déplacés par la guerre de l’OTAN et des USA en 2011, qui a détruit le régime de Kadhafi et déclenché la guerre civile subséquente. Une autre guerre civile incitée par les USA en Syrie a créé un million de réfugiés. Des milliers d'autres ont été déplacés dans les pays de la Corne de l'Afrique Érythrée, Éthiopie et Somalie, ravagés par la famine, la guerre civile ou les frappes à partir de drones américains.

A cela s’ajoute un grand nombre de personnes fuyant l’effondrement des pays d’Afrique occidentale sous l'effet conjugué de la crise économique, de la sécheresse, de la maladie et des déprédations causées par les puissances impérialistes, dont la France qui y joue un rôle de premier plan. Il s’agit entre autres de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Tchad, de la Haute-Volta, de la Côte-d'Ivoire, du Cameroun et de la République centrafricaine.

Israël a contribué à l'afflux de réfugiés par l’offensive menée contre la bande de Gaza l'été dernier et qui a détruit les habitations de centaines de milliers de personnes. S’ajoute à cela le blocus économique incessant de ce territoire imposé conjointement par Tel-Aviv et la dictature militaire égyptienne et dont l’effet est d’emprisonner l’ensemble de la population, soit 1,5 million de personnes.

La classe dirigeante européenne a répondu à cette catastrophe humanitaire en érigeant une « forteresse Europe » et s’est efforcée avant tout d’empêcher les migrants d'atteindre le continent. L'Union européenne considère la noyade de réfugiés comme un moyen de dissuader d'autres personnes voulant risquer la traversée à l'avenir.

Cependant, la responsabilité principale revient à l'impérialisme américain et à l'administration Obama, dont les attaques militaires incessantes, les assassinats par drones, les blocus économique et les opérations de changement de régimes menées par la CIA ont produit une catastrophe humanitaire sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Deux décisions prises par Washington méritent un examen particulier: le déclenchement de la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Libye en mars 2011 et l'intervention en Syrie, qui a commencé le même mois et continue à ce jour. Dans chaque cas, l'administration Obama a cherché à dissimuler ses objectifs prédateurs derrière le discours d’une défense des droits humains et démocratiques. Les médias américains à la solde du grand patronat lui ont fourni la propagande nécessaire et les voix libérales comme le magazine The Nation et des groupes de la pseudo-gauche comme l'International Socialist Organization l’ont applaudie.

Dans le cas de la Libye, l'administration Obama a affirmé qu'il y avait une catastrophe humanitaire imminente à Benghazi, où les troupes gouvernementales libyennes auraient été sur le point d’écraser une « rébellion » soutenue par les Etats-Unis. Il s’est avéré plus tard que cette rébellion avait été conduite par des intégristes islamiques liés à Al-Qaïda, recrutés pour la campagne anti-Kadhafi, puis mobilisés pour la guerre civile en Syrie.

Six mois de bombardements des forces des USA et de l’OTAN, complétés par l'aide aux forces terrestres par procuration dirigés par des conseillers impérialistes, ont conduit au renversement de Kadhafi et à son assassinat par des forces « rebelles » dans les rues de Syrte. Hillary Clinton, secrétaire d'État, maintenant favorite à l'investiture démocrate à la présidentielle, a fait remarquer après, « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort », riant de sa lamentable plaisanterie.

Depuis, la Libye a sombré dans le chaos, des milices rivales y luttent pour le pouvoir, des gouvernements, des parlements et des capitales multiples sont apparus et un tiers de la population a été déplacée, n’ayant plus de foyer. Le principal butin sur lequel les pays impérialistes ont mis la main a été les vastes ressources pétrolières du pays, les installations de raffinage pour l’exportation et les ports nécessaires pour livrer le pétrole sur le marché mondial. Il se peut que la suite de l’histoire soit un retour pur et simple au colonialisme car l'Italie, l'ancienne puissance coloniale, envisage un blocus naval dirigé contre les bateaux de réfugiés et l'envoi de troupes au sol pour « rétablir l'ordre ».

En Syrie, pays beaucoup plus peuplé et économiquement développé, l'intervention américaine a été plus indirecte, mais non moins catastrophique. Les alliés des USA et de la CIA ont financé, armé et entraîné une succession de groupes rebelles qui cherchent à renverser le gouvernement du président Bachar al-Assad, le principal allié arabe de l'Iran et la Russie.

Les villes du pays ont été dévastées, en particulier Alep, la plus grande ville et le centre commercial. Le régime Assad a perdu le contrôle de la moitié du pays. Un tiers de la population de 26 millions d’habitants a été déplacée et des millions d’autres ont fui vers le Liban, la Turquie et la Jordanie. Un grand nombre a cherché à atteindre l'Europe, contribuant à l'afflux de réfugiés en Méditerranée.

Un autre million de réfugiés a été déplacé en Irak dû à l'émergence de l'Etat islamique (EI), lui-même un sous-produit de l'invasion américaine antérieure, de l'occupation de l'Irak et des opérations de la CIA en Syrie. Des millions d'autres réfugiés ont été créés par la dernière explosion de violence impérialiste dirigée contre le Yémen, que l'Arabie saoudite et d'autres États clients des Etats-Unis bombardent à l’aide d’avions de guerre, de bombes et de missiles américains, tout en préparant une éventuelle invasion terrestre de troupes équipées par les Etats-Unis

Depuis la première guerre du Golfe persique de 1990-1991, la classe dirigeante américaine a été engagée dans une guerre presque continuelle pour dominer les régions riches en pétrole du Moyen-Orient, d'Asie centrale et d'Afrique du Nord. Ces guerres ont détruit des sociétés entières et produit des souffrances humaines indicibles dans toutes ces régions.

Les deux grands partis et toutes les institutions officielles du capitalisme américain sont impliqués dans ce crime historique, y compris le Congrès, les tribunaux et les médias contrôlés par la grande entreprise.

Chaque partie de l'establishment politique défend les intérêts impérialistes des grandes entreprises et des banques. Tout homme politique, démocrate et républicain, est à la solde de l'appareil militaire et du renseignement qui soutient ces intérêts dans le monde entier. La lutte contre la guerre impérialiste nécessite un appel à la classe ouvrière et sa mobilisation révolutionnaire contre le capitalisme.

Pour diriger ce mouvement, une direction politique doit être organisée. C’est pour cette raison que le Comité international de la Quatrième Internationale a organisé le rassemblement en ligne de la Journée internationale du 1er mai 2015

(Article original publié le 20 avril 2015)

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