Perspectives

Avec la guerre des drones d'Obama l’assassinat est devenu routine

L’aspect le plus extraordinaire peut-être de l’annonce du président Obama jeudi dernier que deux otages d’Al-Qaïda, un Américain et un Italien, avaient été tués au Pakistan dans une frappe de missile à partir d’un drone américain est l’absence de toute réaction significative des milieux politiques officiels ou des médias.

Il y a bien eu une certaine désapprobation polie dans la presse tout comme des expressions de sympathie pour la famille du Dr Warren Weinstein, travailleur humanitaire de longue date au Pakistan, enlevé par Al-Qaïda en 2011 et tué par le gouvernement américain en janvier 2015.

Mais personne n’a remis en question la prémisse de base du programme de missiles lancés par des drones, qui est que la CIA et le Pentagone ont le droit de tuer n’importe qui, n’importe où, sur un simple mot prononcé par le président. Les assassinats par drone aux mains du gouvernement américain sont devenu la routine et sont acceptés comme normaux et légitimes par ceux qui font l’opinion publique officielle.

La prise de parole d’Obama, jeudi, faisait froid dans le dos. Il a exprimé les regrets de mise, mais seulement parce que ces récentes victimes de drones américains comprenaient deux otages, l’un américain et l’autre Italien. Ce fut visiblement une mauvaise prestation, qui n’a convaincu personne sinon les rédacteurs du New York Times, qui ont loué « la franchise et la contrition » d’Obama.

Après avoir blâmé, pour la mort de Weinstein et Giovanni Lo Porto, les « erreurs » dues au « brouillard de la guerre », Obama a déclaré, « Mais l’une des choses qui définit l’Amérique à l’opposé de nombreux autres pays, l’une des choses qui nous rend exceptionnels, c’est notre volonté de regarder en face nos imperfections et d’apprendre de nos erreurs. » Il avait décidé d’admettre la responsabilité de ces morts parce que « les États-Unis sont une démocratie, commis à la transparence, dans les bons comme dans les mauvais moments. »

Quelle farce! Loin d’admettre des « erreurs, » Obama, l’homme de paille politique de l’appareil militaire et du renseignement, disait clairement que le programme d’assassinat de drone se poursuivrait et que personne ne serait tenu responsable de cette dernière atrocité.

L’Amérique d’aujourd’hui n’est « exceptionnelle » que dans la mesure où l’ensemble de l’élite dirigeante y a adopté une politique irresponsable d’une violence exercée dans le monde entier, qui comprend l’assassinat, la torture et la guerre d’agression. Les États-Unis sont gérés par des criminels.

Un test majeur à passer pour tout président américain est de savoir s’il est prêt à approuver les crimes d’État en sa capacité de représentant politique, non pas du peuple américain, mais d’une cabale de généraux et d’assassins de la CIA. Combien de temps encore jusqu’à ce que ces actions ne soient plus menées seulement dans les régions reculées d’Afghanistan ou au Yémen, mais dans les grands centres urbains des grands pays, y compris à la fin aux États-Unis mêmes?

La frappe de drone qui a tué Weinstein et Lo Porto dans la vallée pakistanaise de Shawal fait partie d’une campagne permanente de mort et de destruction. Obama n’a même pas eu à approuver personnellement cette frappe-là car il a donné de façon générale à la CIA l’autorité de mener de telles opérations dans les zones tribales sous administration fédérale du Pakistan, peuplées en majorité de Pachtounes.

L’affirmation que les attaques de drones ciblent les personnes désignées comme « terroristes » par l’appareil militaire et du renseignement américain ne constitue guère une restriction, compte tenu de l’application sans discernement de ce terme à toute personne offrant une résistance significative à la politique étrangère américaine, et de la pratique cynique qui consiste à coller à titre posthume l’étiquette de « combattant ennemi » à n’importe quel individu mâle en âge de porter les armes tué par un missile tiré depuis un drone.

En outre, comme le démontrent les événements de Syrie et de Libye, les « terroristes » anti-américains d’hier peuvent devenir « les rebelles » ou encore les « combattants de la liberté » d’aujourd’hui et bénéficier des armes, de la formation militaire et de l’argent américains. De même, les « combattants de la liberté » ou alliés d’aujourd’hui peuvent-ils devenir demain, dans la « guerre contre le terrorisme, » la cible d’un renversement ou d’un assassinat.

La CIA a recruté des sympathisants d’Al-Qaida pour renverser le régime libyen et assassiner Mouammar Kadhafi, un allié d’autrefois, et pour l’opération de changement de régime en cours contre le président Bachar al-Assad en Syrie. Cette dernière campagne a conduit à la montée de l’État islamique en Irak et en Syrie dont les terroristes tournés « rebelles » ont de nouveau reçu l’étiquette terroriste, conformément aux tours et détours de la politique étrangère américaine.

Des responsables de l’administration Obama ont confirmé que l’attaque de drone qui a tué Weinstein et Lo Porto était une « frappe signature, » pour laquelle les objectifs ne sont pas nommément identifiés, mais sélectionnés sur la base d’un schéma de comportement prétendument conforme à celui d’un groupe terroriste. La CIA a procédé à l’attaque de drone qui a tué six personnes dont Weinstein et Lo Porto sur la base d’une observation aérienne des allées et venues dans le bâtiment ciblé, sans savoir quels gens s’y trouvait ou quels liens ils avaient avec Al Qaida et les talibans.

De telles attaques constituent une violation flagrante du droit international. Les États-Unis bafouent la souveraineté du Pakistan, du Yémen, de la Somalie et d’autres pays où elle effectue de telles attaques.

Les meurtres par missile de drone sont des crimes de guerre en vertu des Conventions de Genève, qui interdisent les attaques délibérées contre des civils ou les opérations militaires qui mettent délibérément en danger des civils. Selon une étude réalisée par le groupe de défense des droits humains Reprieve, les frappes de missiles de drones américains ayant pour cible 41 terroristes présumés, ont tué un total de 1.147 personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants.

Pas une seule voix influente de l’establishment politique ou médiatique américain ne s’est élevée contre le fait qu’on a fait de l’assassinat un élément majeur de la politique étrangère américaine. Dans les années 1970, lorsque le Commission Church du Sénat américain avait tenu des audiences sur des complots de la CIA visant à assassiner un certain nombre de dirigeants étrangers, ses révélations avaient la capacité de choquer. Il y a eu une réaction, même au plus haut niveau de l’establishment politique, et la Maison-Blanche a été contrainte de promulguer un décret exécutif désavouant l’assassinat comme outil de la politique gouvernementale.

Aujourd’hui une telle réaction n’existe pas. Au contraire, plus tôt ce mois, le Times a révélé que les dirigeants du Congrès avaient fait pression sur la Maison-Blanche et la CIA pour multiplier les assassinats par drone. Décrivant les discussions quant à savoir s’il fallait tuer ou capturer un islamiste né au Texas qui avait rejoint Al-Qaïda au Pakistan, Mohanad Al Mahmoud Farekh, le Times écrivait: « Au cours d'une audience à huis clos du House Intelligence Committee en juillet 2013, les législateurs n'ont cessé d'interroger les responsables militaires et du renseignement pour savoir pourquoi M. Farekh n'avait pas été tué.» ( Voir : Le gouvernement américain a ciblé un deuxième citoyen américain à assassiner)

Les médias américains sont bien conscients du bilan des morts par missiles de drone, mais ils le dissimulent. Un article paru vendredi dernier dans le Times notait que la Maison-Blanche refusait toute discussion sur les victimes civiles des attaques de drones quand elles sont pakistanaises ou yéménites. « Quand des Américains ont été tués, cependant, l'administration Obama a jugé nécessaire de rompre avec sa pratique habituelle et de finalement reconnaître les décès, au moins dans les discussions privées avec les journalistes, » a écrit ce journal.

L’absence de toute protestation significative contre les dernières révélations de crimes de guerre des États-Unis est un avertissement à la classe ouvrière, tant aux États-Unis qu’au plan international. Comme le World Socialist Web Site en a averti de façon constante, la poussée de l’impérialisme vers la guerre est liée inséparablement à une attaque frontale des droits démocratiques et sociaux.

 

La lutte contre la guerre et pour la défense des droits démocratiques nécessite un tournant vers la classe ouvrière, la seule force sociale capable de désarmer l’élite dirigeante. C’est le but du Rassemblement international en ligne pour le 1er mai auquel appelle, pour le dimanche 3 mai, le Comité international de la Quatrième Internationale. Nous exhortons tous les lecteurs et sympathisants du World Socialist Web Site de s’inscrire pour ce rassemblement dès aujourd’hui.

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