Syriza offre le ministère de la défense grec à un nationaliste de droite

Lors de la première réunion du conseil des ministres nommé par la coalition Syriza-Grecs Indépendants (ANEL), le premier ministre Alexis Tsipras a déclaré que son gouvernement n'entrerait pas en conflit avec les élites financières internationales.

Selon Tsipras, Syriza ne cherche pas un « clash mutuellement destructif (...) Notre priorité est une nouvelle renégociation avec nos partenaires pour trouver une solution juste, durable, et mutuellement bénéfique ». Il a qualifié sa coalition de « gouvernement de salut national ».

La nomination la plus significative était celle de Panos Kammenos, dirigeant des Grecs Indépendants, un parti nationaliste de droite, comme ministre de la Défense. Kammenos a tissé des liens serrés avec l'armée. Il a exigé, lors des pourparlers avec Tsipras pour former la coalition, qu'ANEL ait la mainmise sur l'armée.

Il n'y a aucun doute qu'en arrière-plan, l'armée envisage une prise de pouvoir éventuelle, au fur et à mesure que la crise économique s'approfondit et que l'opposition au gouvernement dans la classe ouvrière s'intensifie. Le fait qu'une personnalité de droite comme Kammenos dirige l'armée – dans un pays où en 1974, une dictature militaire soutenue par la CIA était toujours au pouvoir – est de mauvais augure.

Syriza est une coalition de forces de pseudo-gauche comprenant staliniens, maoïstes, anciens dirigeants du PASOK social-démocrate, et des courants écologistes. Un de ses dirigeants est le stalinien Giannis Dragasakis, l'adjoint de Tsipras. Il est partisan de « réformes » du secteur public, c'est à dire, de suppressions d'emplois et d'augmentation de la productivité. Il a dit récemment, « Même si la dette était zéro, nous aurions des problèmes sans les réformes nécessaires dans l'Etat et dans l'administration civile ».

En tant que membre du Parti communiste grec (KKE), il a été ministre délégué au gouvernement « oecuménique » de 1989-1990, qui regroupait le KKE, la Nouvelle Démocratie (ND), et le PASOK.

Le Ministère des Finances, chargé de mener les négociations avec l'Union européenne (UE) et les banques sur le remboursement des €300 milliards de la dette grecque, a été donné à Yanis Varoufakis. A la passation de pouvoir au ministère, Varoufakis s'est fait l'écho de Tsiparas en déclarant: « Il n'y aura pas de duel entre nous et l'UE... Il n'y aura pas de menaces ».

Varoufakis enseignait jusqu'à récemment la théorie économique à l'Université du Texas. Il a écrit plusieurs éditions de A Modest Proposal for Resolving the Eurozone Crisis (Une proposition modeste pour résoudre la crise de l'euro), dont la première fut écrite avec l'ancien député travailliste britannique Stuart Holland. La version finale fut publiée en juillet 2013 conjointement avec l'économiste américain J.K. Galbraith. En juin 2013, Varoufakis et Galbraith ont écrit un article de débat dans le New York Times intitulé « Seul Syriza peut sauver la Grèce ».

Ils ont assuré aux élites internationales qu'un gouvernement Syriza « ne serait pas une mauvaise chose pour l'Europe ou les Etats-Unis ». Si Syriza venait à être élu, selon eux, « rien de vital ne changerait pour les Etats-Unis ... Syriza n'a pas l'intention de quitter l'Otan ni de fermer les bases militaires américaines ».

Varoufakis connait intimement la politique bourgeoise grecque, ayant été conseiller économique de l'ancien dirigeant de PASOK, Georges Papandréou, de 2003 à 2006. Ensuite, Papandréou a dirigé le gouvernement PASOK de 2009, qui a imposé la première série de mesures d'austérité en Grèce. PASOK a continué dans ce rôle dans plusieurs gouvernements de coalition avant d'être flanqué à la porte lors des récentes élections.

Varoufakis est un défenseur invétéré du capitalisme. Il prône la réduction du taux de l’impôt sur les sociétés à 15 pour cent. Il a expliqué à la BBC que Syriza voulait « des réformes authentiques qu’il faut mettre en œuvre dans le pays afin de mettre un terme à la bureaucratie » et de « créer un plan rationnel de restructuration de la dette ».

Interrogé sur une éventuelle annulation de la moitié de la dette grecque, que Syriza avait proposé précédemment, il a répondu, « Non, non, non, il y a beaucoup d'effets de manches avant toute élection….il y en a eu de notre côté. Ce qui compte est que nous nous mettions à table et discutions de comment minimiser la réduction de notre dette, l’annulation de la dette. Nous ne voulons pas rembourser moins que ce dont nous sommes capables ».

Syriza compte « lier nos remboursements à notre croissance, » a-t-il ajouté. « Nous voulons faire d'eux [des créditeurs de la Grèce] nos partenaires dans notre reprise ».

Après avoir cité l’une des premières déclarations de Varoufakis, selon laquelle les Grecs doivent vivre « frugalement », le Financial Times a ajouté , «Il n’y aura aucune explosion de dépenses publiques sous la nouvelle administration, a promis M. Varoufakis ».

Dans les premières étapes de son gouvernement, Tsipras joue un numéro d’équilibre délicat. Syriza cherche à rassurer l’Union européenne et le capital mondial qu'il remboursera les dettes grecques, tout en exécutant quelques mesures immédiates pour calmer et duper ceux qui l’ont élu dans l’attente d'un changement social progressiste. Tsipras a informé son conseil des ministres que les ministres « ne doivent pas décevoir les électeurs qui nous ont donné un mandat ».

Panagiotis Lafazanis, un autre stalinien membre de la « plateforme de gauche » de Syriza, dirige le ministère du Redressement productif, de l’Environnement et de l’Energie. Il a annoncé l'arrêt de plusieurs propositions de privatisation, y compris celles de l’Energie publique et de la Transmission indépendante de l’Energie. La privatisation du grand port de Pirée, le port grec le plus stratégiquement vital, serait reportée, et 595 agents de nettoyage licenciés par le gouvernement sortant seraient réintégrés.

La plupart de ces mesures n'impliquent quasiment aucune dépense. Selon le député de Syriza et ministre de la Sécurité sociale Dimitris Stratoulis, « Ce que nous avons dit pendant la campagne électorale sera notre guide, en commençant par les mesures qui n’ont pas d’impact financier important ».

Cependant, même ces mesures symboliques déplaisent aux représentants de l’élite financière. Le chef de « l'euro groupe » des ministres des Finances européens, le ministre hollandais Jeroen Dijsselbloem, a réagi au nouveau gouvernement grec en insistant que, « Le message, ‘nous voulons votre soutien mais pas vos conditions’ ne passera pas ».

Le ministre de l’Economie allemand, Sigmar Gabriel, a commenté que « Les citoyens d’autres états de la zone euro ont le droit de voir que les accords régissant leurs actes de solidarité [les prêts européens à la Grèce] soient respectés ».

Syriza se prépare déjà à une résurgence d’opposition sociale. Ceci était la vraie signification de la première déclaration de Yiannis Panousis, un ancien député de la Gauche démocratique, parti issu d’une scission d’avec Syriza, nommé ministre suppléant au ministère de l’Intérieur avec une attribution de « protection des citoyens ».

Selon Panousis, « la police sera armée lors des manifestations, mais cela ne veut pas dire qu’elle va intimider ou terroriser ».

Auparavant, Syriza avait promis d’abolir les unités de police anti-émeute et de les fusionner avec la force de police générale. Les promesses de Panousis quant à la conduite de la police d'un gouvernemnt Syriza sera rejetée avec mépris par les travailleurs, étant donné la brutalité employée par la police contre les manifestants au cours des cinq dernières années.

La police grecque est un bastion du soutien pour les partis de droite et fascistes. Entre 40 et 50 pourcent des officiers de police ont voté pour le parti fasciste Aube dorée à l’élection cette année, le même pourcentage qu'aux élections de 2012.

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