Perspectives

2015 et la marée montante des guerres

Dans son discours mardi soir, sur l’état de l’Union, le président Barack Obama a affirmé qu’après une décennie et demi du nouveau siècle, les Etats-Unis ont « tourné la page » sur 13 années de guerre ininterrompue, et qu’ils ont appris les « coûteuses leçons » de leurs interventions en Irak et en Afghanistan.

Cette déclaration a aussi peu à voir avec la réalité que ses affirmations délirantes et mensongères que l’« ombre de la crise est passé » pour l’économie américaine, que grâce à son « industrie en pleine effervescence », l’Amérique est « sortie de la récession » avec une « reprise » touchant de « plus en plus de vies » et des salaires « enregistrant finalement une nouvelle hausse. »

Les affirmations surannées d’Obama sur le reflux de la guerre furent démenties par son propre discours. Il a sommé le Congrès de lui accorder une autorisation illimitée pour l'usage de la force militaire (Authorization for Use of Military Force, AUMF) couvrant la nouvelle guerre que la Maison Blanche a lancée il y cinq mois en Irak et en Syrie.

Le président a fait la remarque douteuse que les services de renseignement américains ne pratiquaient plus la torture, alors même que les tortionnaires qui ont agi sous le gouvernement Bush s’étaient vu garantir une totale impunité. Aussitôt après, il s'est vanté de son utilisation « correctement encadrée » des frappes de drone, basées sur des « listes de mort » établies lors de réunions à la Maison Blanche, connues sous le nom de « mardis de la terreur ». Une récente analyse de ces assassinats ciblés a montré qu’au cours de tentatives de meurtre visant 41 individus au Pakistan, les drones américains ont massacré 1.147 personnes.

Reprenant les thèmes de son prédécesseur, George W. Bush, l’ancien champion « de l’espoir et du changement » a déclaré : « Nous continuerons de traquer les terroristes et de démanteler leurs réseaux, et nous nous réservons le droit d’agir unilatéralement comme nous l’avons fait sans relâche depuis que j’ai pris mes fonctions pour débusquer les terroristes qui constituent une menace directe pour nous et nos alliés. » En clair, l’impérialisme américain s’arroge toujours le droit d'attaquer n'importe qui, n’importe où dans le monde, peu importe la loi !

Une des toutes premières paroles d'Obama – que « pour la première fois depuis le 11 Septembre, notre combat en Afghanistan est terminée » – étaient un mensonge. Avec près de 15.000 hommes dans le pays, les forces américaines effectuent toujours des descentes pour liquider des adversaires du régime pro-américain à Kaboul. Le haut commandant américain en Afghanistan a annoncé qu’il gardait en réserve la possibilité de « prolonger la mission » des forces d’occupation américaines.

Vu la situation mondiale, l’affirmation d’Obama qu'il tourne la page signifie non pas une avancée vers une nouvelle ère de paix, mais plutôt une régression vers les tensions mondiales qui ont plongé l’humanité dans une guerre mondiale cataclysmique il y a un siècle.

Sur presque tous les continents, l’impérialisme américain lance des interventions militaires qui risquent de déclencher une nouvelle guerre mondiale. Les premières semaines de 2015 n'ont fait qu'intensifier ces menaces.

Alors que des combats reprennent en Ukraine orientale entre le régime pro-américain à Kiev et ses adversaires pro-russes, le Pentagone a annoncé l’envoi de troupes en Ukraine pour former et conseiller la nouvelle Garde nationale, une force dominée par les milices fascistes. Obama a rejeté les propositions de la Russie en vue d’un règlement pacifique de ce conflit qui, depuis avril, a coûté la vie à près 5.000 personnes, les qualifiant de « plan d’occupation russe. »

Dans son discours, Obama s’est réjoui des ravages produits en Russie par les sanctions imposées par les Etats-Unis, l’Union européenne et l’OTAN. Il s'est félicité du fait que « la Russie est isolée et son économie est en lambeaux. »

Washington est résolu que la guerre doit continuer en Ukraine afin d’infliger une défaite géopolitique décisive à la Russie. Ils voient en cela une étape clé dans le but d’asseoir leur hégémonie sur le continent eurasien – même au risque de déclencher une guerre nucléaire.

En Asie, l’impérialisme américain attise délibérément les tensions avec la Corée du Nord en avançant des accusations sans fondement que la Corée du Nord a piraté Sony, et tout en recherchant une confrontation avec la Chine. Le département d’Etat américain a repoussé l’appel au dialogue lancé par la Corée du Nord et attise les tensions sur la péninsule coréenne en prévoyant au printemps des exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud. Ils alimentent simultanément les conflits avec la Chine en Mer de Chine du Sud.

Dans sa course à la guerre, l’impérialisme américain n’est pas seul. Les puissances impérialistes plus faibles avancent leurs propres intérêts. L’Allemagne et le Japon se sont tous deux débarrassés de leurs prétentions pacifistes d’après la Second guerre mondiale au profit d’une résurgence ouverte du militarisme. La France s’est saisie de la récente attaque terroriste à Paris pour justifier une escalade des interventions impérialistes au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs. Des troupes canadiennes échangent des tirs avec l'EI en Irak, tandis que l’Australie s'offre en partenaire agressif du « pivot vers l’Asie » de Washington.

Pendant qu’Obama prétend mener une lutte contre le « terrorisme » en Syrie et en Irak, Israël, le principal allié des Etats-Unis au Moyen-Orient, est en train d’armer et d’assister la filiale d’al Qaïda en Syrie – comme Washington l’avait fait auparavant – tout en commettant des attaques provocatrices visant à déclencher une guerre dans toute la région.

Comme en 1914 et en 1939, ce qui conduit à cette éruption mondiale du militarisme est la crise systémique prolongée du capitalisme mondial dans laquelle chaque puissance impérialiste cherche à s’en tirer aux dépens de ses rivaux.

Comme l’expliquait Léon Trotsky, le co-dirigeant de la Révolution russe, dans sa brochure célèbre écrite il y a un siècle, La Guerre et l’Internationale, la cause fondamentale de la guerre se trouve dans les contradictions du système capitaliste mondial et surtout entre le caractère mondial de la production capitaliste et le système des Etats-nation dans lequel sont enracinés le capitalisme et la propriété privé des moyens de production.

La guerre mondiale qui a éclaté en 1914, écrivait Trotsky, est « l’effondrement le plus colossal dans l’histoire d’un système économique détruit par ses propres contradictions internes. » Elle a démontré « la banqueroute historique » de tous ceux « qui eurent pour mission de guider la société bourgeoise, de parler en son nom et de l’exploiter ».

Alors que la guerre est « la méthode par laquelle le capitalisme, à l’apogée de son développement, cherche à résoudre ses contradictions insolubles, » Trotsky poursuit en disant, la classe ouvrière doit y opposer « sa propre méthode, la méthode de la révolution socialiste. »

Cent ans après que ces lignes furent été écrites, le système capitaliste confronte l’humanité à la menace d’une catastrophe encore plus grande :une troisième guerre mondiale nucléaire. Ceci donne aux alternatives énoncées par Trotsky en 1914 une puissance et une urgence encore plus grandes. Le seul moyen d’éviter la catastrophe que prépare capitalisme mondial est la construction d'un mouvement anti-guerre de masse par la classe ouvrière internationale sur la base de l’internationalisme socialiste.

(Article original paru le 23 janvier 2015)

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