Perspectives

La crise grecque atteint le paroxysme

La décision des autorités financières européennes de mettre fin au plan de sauvetage de l’Union européenne (UE) pour la Grèce et de limiter le flux des crédits aux banques grecques a conduit le pays au bord de l’effondrement économique et financier. C’est la dernière étape d’un assaut impitoyable de cinq ans ayant imposé des mesures d’austérité draconiennes qui ont dévasté l’économie du pays.

Après l’annonce par l’UE de la fin du programme de sauvetage, la Banque centrale européenne (BCE) a déclaré qu’elle maintiendrait, mais ne relèverait pas, le plafond de 89 milliards d’euros des liquidités d’urgence aux banques grecques, dont la plupart ont déjà été utilisés. Devant la possibilité d’un effondrement du système bancaire, Athènes a imposé le contrôle des capitaux et déclaré une semaine de fermeture pour les banques.

Le programme présenté par l’UE, la BCE et le Fonds monétaire international revient à un plan pour le suicide économique et social de la Grèce, déjà saignée à blanc.

Il exige de nouvelles et fortes réductions des retraites, des augmentations de la taxe régressive sur la valeur ajoutée, donc des coupes sombres dans le pouvoir d’achat des travailleurs, et la privatisation de l’énergie, des infrastructures portuaires et de transport. L’éditorialiste du Financial Times, Wolfgang Münchau, l’a qualifié de « version économique de l’enfer de Dante » et ajoute: « Il aurait causé la destruction économique totale de la Grèce. »

Par l’imposition de cet enfer, les élites financières et politiques européennes ont montré qu’elles ne reculeraient devant rien, car elles cassent toutes les normes et tous les principes démocratiques afin d’imposer la dictature du capital. Dans cette lutte à mort, la classe ouvrière doit tirer un bilan politique de l’expérience amère des cinq derniers mois et faire avancer sa propre lutte indépendante.

La leçon politique centrale est que l’affirmation de Syriza que toute lutte pour le socialisme et la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière doit être rejetée au motif qu’elle ne serait pas réaliste a été réfutée par les événements. C’est la politique menée par Syriza qui s’est avérée totalement banqueroutière.

Cinq mois durant, Syriza n’a rien fait pour défendre la classe ouvrière grecque contre l’attaque de la classe dirigeante. Il a même refusé d’imposer un contrôle des capitaux alors que des milliards étaient retirés par les oligarques grecs et transférés sur des comptes à l’étranger – l’argent pour le faire étant obtenu en imposant le gros des mesures d’austérité exigées par les persécuteurs de la Grèce.

Ce n’est que maintenant que Syriza a imposé des contrôles qui ne font qu’empêcher les travailleurs grecs d’accéder à leur propre argent et de nourrir leurs familles.

Syriza n’a rien prévu

La politique de Syriza est fondée sur les intérêts sociaux de secteurs de la classe moyenne supérieure. Toute sa stratégie s’est basée sur le vain espoir que quelque partie de la bourgeoisie allait se laisser persuader de venir au secours de la Grèce et d’accepter un plan d’austérité modifié.

Syriza est avant tout opposé à une mobilisation indépendante de la classe ouvrière sur un programme socialiste et révolutionnaire. Il a répondu à l’exigence d’un appauvrissement de masse de la classe ouvrière grecque en espérant des palliatifs qu’il pourrait utiliser pour faire accepter l’austérité à la population.

Il poursuit cette politique par la convocation d’un référendum le 5 juillet sur la question d’accepter ou non les dernières mesures de l’UE. Le gouvernement dirigé par Syriza est engagé dans un exercice politique cynique. Son principal but est de faire porter au peuple grec la responsabilité politique d’accepter un nouveau cycle d’austérité brutale.

Politiquement, le gouvernement grec a déjà le mandat clair de rejeter les demandes d’austérité. Il a été élu sur la base d’un appel à la colère populaire profonde face aux diktats des banques européennes. Dès le début, cependant, Syriza a insisté sur son engagement en faveur du plan de sauvetage et sur son désir de parvenir à un accord avec les institutions européennes.

Ce que déciderait le référendum n’est pas même clair à ce stade. Les institutions européennes ont indiqué que si la Grèce faisait défaut sur ses paiements prévus ce mardi, c’est l’intégralité de l’accord qui serait annulé. Syriza n’a d’ailleurs pas tenté d’expliquer ce qu’il ferait s’il y avait un vote en faveur du « non », ou indiqué de quelle façon il allait changer sa politique de vouloir rester dans la zone euro et de parvenir à un accord avec les créanciers de la Grèce.

Même maintenant, Syriza fait de la résistance uniquement pour trouver un arrangement. Dans la journée de dimanche, poussé par une préoccupation croissante quant à l’impact de la ligne dure de l’Allemagne sur les marchés européens, il y eut des appels à trouver un moyen de sortir de l’impasse. Préoccupé par les implications financières et géopolitiques de la crise grecque, Obama a appelé la chancelière allemande Angela Merkel pour discuter la nécessité d’une « reprise » par la Grèce « des réformes et de la croissance dans la zone euro ».

Pour leur part, les institutions européennes se réservent la possibilité d’un changement de régime. Le Financial Times, dans un éditorial attaquant Syriza dimanche, a averti de cette possibilité. « George Papandréou a tenté une manœuvre [de référendum] similaire en 2011 quand il était Premier ministre. Le dur accord de sauvetage a survécu; M. Papandréou a perdu son emploi. » Il ne peut y avoir aucun doute que pour faire face à l’opposition de masse de la classe ouvrière, les plus hauts généraux conspirent en ce moment à huis clos et jaugent la possibilité d’utiliser l’armée pour intervenir directement et répondre aux protestations par la violence et la répression.

Syriza a ouvert la voie à une telle issue par ses efforts pour obtenir le soutien de la police et de l’armée contre la classe ouvrière.

La situation à laquelle fait face la classe ouvrière est grave. Il ne s’agit pas seulement de l’avenir des travailleurs en Grèce, mais de ceux de toute l’Europe. En cherchant à humilier Syriza, les banques européennes veulent envoyer ce signal: des élections où la population vote contre l’austérité comme celle qui a porté Syriza au pouvoir en janvier, n’ont aucun impact sur la politique menée concrètement. Elles font de la Grèce un exemple montrant qu’aucune opposition à l’austérité ne sera tolérée.

Le World Socialist Web Site appelle les travailleurs en Grèce à voter « non » à l’acceptation des exigences de l’UE pour plus d’austérité. Mais un tel « non » doit être compris dans toutes ses implications.

La troïka – la voix du capital international – a déclaré la guerre économique à la Grèce. La classe ouvrière doit répondre en avançant son propre programme, basé sur une lutte révolutionnaire contre le système capitaliste.

La classe ouvrière ne peut se défendre sans agir immédiatement pour faire échouer la conspiration de la classe dirigeante grecque et internationale et pour prendre en main le pouvoir en constituant un gouvernement ouvrier. Il faut prendre le contrôle des banques et des industries stratégiques comme le transport maritime et il faut saisir les comptes et les avoirs des oligarques qui contrôlent la Grèce.

Les travailleurs en Grèce doivent avant tout faire appel au soutien et à des actions de protestation qui mobilisent l’opposition profonde à l’austérité dans toute la classe ouvrière européenne. Si l’UE réussit à faire un exemple de la Grèce, elle voudra bientôt imposer les mesures brutales imposées en Grèce à toute la classe ouvrière européenne. Une lutte efficace contre ces attaques nécessite la mobilisation politique de la classe ouvrière à travers l’Europe, comme en Grèce, dans une lutte révolutionnaire pour le socialisme.

(Article paru d'abord en anglais le 29 juin 2015)

 

 

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