La politique d’austérité de Syriza expose le rôle réactionnaire du NPA

L’imposition de profondes mesures d’austérité par le gouvernement Syriza (« Coalition de la Gauche radicale ») en Grèce révèle le rôle réactionnaire des groupes petits-bourgeois qui ont présenté Syriza comme modèle radical pour une politique de gauche. Le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) et ses affiliés internationaux au sein du Secrétariat unifié (SU) sont politiquement responsables des attaques que Syriza impose à présent aux travailleurs grecs. 

Mois de six mois après son arrivée au pouvoir, Syriza a lancé de nouvelles coupes sociales et des privatisations qui dévasteront le prolétariat grec déjà ruiné. Foulant aux pieds ses promesses électorales de mettre fin aux mesures d’austérité de l’Union européenne (UE) et le « non » dans le référendum du 5 juillet, Syriza a accepté un vaste plan d’austérité dicté par Berlin le 13 juillet. Depuis, Syriza s’active pour le faire passer au parlement grec. 

Le gouvernement Syriza est une expérience critique de la classe ouvrière sur le rôle des partis petits-bourgeois tels que Syriza et le NPA. Le gouffre qui sépare leur politique procapitaliste et cynique de la classe ouvrière est pleinement évident. C’est un avertissement sévère que les travailleurs voulant s’opposer à l’austérité doivent organiser leurs luttes indépendamment de ces partis de pseudo gauche, et contre eux. 

Dès que Syriza s’est révélé être le principal bénéficiaire électoral de l’effondrement du parti social-démocrate Pasok, les pablistes du NPA ont présenté Syriza comme le grand espoir de la gauche européenne. En mai 2012, le Bureau exécutif (BE) du SU a publié une déclaration qui acclamait Syriza comme premier opposant de la « troïka » des créditeurs de la Grèce (UE, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international). 

Le BE a appelé « au rassemblement de toutes les forces qui luttent contre l’austérité en Grèce — Syriza, Antarsya [la coalition à laquelle participent les alliés grecs du NPA], KKE [Parti communiste grec], les syndicats et les autres mouvements sociaux — autour d’un plan d’urgence... Face à cette politique, la gauche radicale grecque, et en particulier Syriza qui a aujourd’hui une place centrale, défend un plan d’urgence autour de 5 points ». Ces points étaient : « l’abolition des mémorandums, de toute les mesures d’austérité », « la nationalisation des banques », « le moratoire du paiement de la dette », « l’abolition de l’immunité des ministres », et « la modification de la loi électorale ». 

En 2014, Alan Thornett, du groupe britannique Résistance socialiste (RS) lié au SU, a prédit que Syriza au pouvoir se verrait obligé de mener des luttes révolutionnaires. Il a écrit que lors d’une crise, « un tel parti, tentant de défendre les intérêts de la classe ouvrière, avec un soutien de masse sur le terrain, et avec des revendications inacceptables aux classes dirigeantes, pourrait déclencher un processus qui se développerait en une mise en cause du capitalisme lui-même ». 

Il a attaqué une analyse marxiste de Syriza, qu’en tant que parti procapitaliste représentant des sections de la bourgeoisie et des classes moyennes aisées grecques, Syriza se révèlerait hostile aux travailleurs : « On justifie souvent le refus de soutenir Syriza en prétendant que c’est un parti social-démocrate (ou réformiste) de gauche... Un tel parti réformiste de gauche, dit-on, ne peut jamais dépasser le capitalisme, car à force de se rapprocher du pouvoir, il s’adaptera de plus en plus à l’ordre capitaliste ». 

Thornett rejeta cet argument, qu’il considérait être un obstacle aux relations qu’il voulait développait avec Syriza : « Je ne pense pas cependant qu’il soit utile d’attacher l’épithète de réformiste de gauche sur Syriza ». 

Les promesses du SU que Syriza dirigerait une mobilisation populaire étaient des mensonges, et sa perspective antimarxiste de faire élire Syriza s’est avérée être un piège pour la classe ouvrière. Au pouvoir, Syriza a répudié chacune des revendications du « plan d’urgence » du SU. 

Après son élection, Syriza n’a rien fait pour mobiliser la classe ouvrière en Grèce ou en Europe, mais a lancé de longues tractations avec l’UE. Syriza a prolongé le mémorandum de l’UE, promis de rembourser la dette grecque, et commencé à piller des milliards d’euros des autorités locales grecques. Quand ces fonds ont fait défaut en juin, Syriza n’avait pas d’alternative politique à proposer. Pour sauvegarder la richesse des classes possédantes grecques, fondée sur l’euro et les institutions européennes, Syriza a préparé une capitulation totale au diktat d’austérité de l’UE. 

Ces politiques n’ont pas terni l’enthousiasme du NPA. Après l’échec des pourparlers avec l’UE, quand le Premier ministre grec Alexis Tsipras a appelé à un référendum sur l’austérité le 5 juillet, le NPA a applaudi l’appel à un référendum comme le début d’un mouvement inéluctable de Syriza vers la gauche : « Que va faire le gouvernement Tsipras ? Il n’y a pas d’accord possible avec la troïka. Il n’y a pas d’autre issue que l’affrontement avec elle et la bourgeoisie grecque pour imposer l’annulation de la dette, la nationalisation des banques, le contrôle et la saisie des banques ». 

En fait, le gouvernement Syriza a totalement capitulé au diktat de l’UE et de la bourgeoisie grecque. Chacune des prévisions du NPA sur les politiques radicales que Syriza allait prétendument mener s’est révélée totalement fausse. Loin de lutter contre les tentatives de l’étouffer par la Troika, Tsipras s’est révélé être l’instrument de la troïka en Grèce. 

L’appel à un référendum était, comme le WSWS l’avait écrit à l’époque, « une escroquerie réactionnaire visant à donner un vernis de légitimité démocratique au pillage des travailleurs et de la classe moyenne grecs par les banques ». Plus tard, les reportages sur la discussion au sein de Syriza ont confirmé que Tsipras, tout en appelant à voter non, espérait que les menaces de l’UE d’expulser la Grèce de la zone euro forceraient un vote positif. Tsipras comptait démissionner et céder le pouvoir à un gouvernement pro-UE, et ainsi éviter la responsabilité d’imposer l’austérité. 

Les travailleurs grecs n’ont pas suivi la feuille de route de Tsipras, ils ont bravé les menaces de l’UE et des médias grecs en choisissant « non » à 61 pour cent. Le cœur du vote non était les travailleurs et les pauvres. Tsipras s’est vu obligé de répudier le résultat auquel il avait lui-même appelé. Après une autre semaine de pourparlers avec l’UE, il a accepté un programme d’attaques sur les retraites, d’augmentations de la TVA, de privatisations, et d’éliminations de subventions dictées par Berlin afin de garder la Grèce dans l’euro. 

Le NPA et les partis du SU ont réagi en tentant de bloquer l’opposition à cette politique réactionnaire, et en avançant une politique impuissante consistant à lancer des appels vers une ou autre fraction de Syriza. 

A. Sartzekis du groupe OKDE grec lié au NPA a appelé à une action « résolue et unitaire » par la même liste de partis et de syndicats que le SU avait encensés avant l’élection de Syriza : « En Grèce même, les mobilisations maintenues – vendredi, des milliers devant le parlement à l’appel avant tout d’Antarsya, des anarcho-syndicalistes, de PAME (courant syndical du KKE), de la gauche de Syriza ; dimanche , rassemblement à l’appel d’Antarsya et des syndicats de base – doivent passer à la vitesse supérieure ». 

Le NPA a aussi publié une longue entrevue avec Fani, un membre de l’OKDE, qui a défendu Tsipras. Elle a dit : « Tout d’abord, je souhaite clarifier un point : je ne pense pas qu’on puisse dire que Tsipras et son gouvernement aient trahi le peuple grec et la classe ouvrière. Il a opté dès le départ pour une stratégie de collaboration de classe et de gestion du système capitaliste au sein des institutions. Ses choix actuels sont les conséquences des contradictions du réformisme. » 

Cette remarque cynique soulève beaucoup de questions. Si le SU savait que Syriza attaquerait la classe ouvrière à cause de sa perspective procapitaliste, pourquoi le SU a-t-il passé des années à promouvoir Syriza comme grand espoir à gauche, à insister que l’opposition de Syriza à une révolution socialiste n’avait pas d’importance, et à attaquer ceux qui, en se fondant sur une analyse marxiste, avertissaient les travailleurs que Syriza trahirait les attentes des masses ? 

Le mélange de mauvaise foi, d’aveuglement, et de stupidité qui a caractérisé la ligne politique du NPA et de SU au courant de la crise du gouvernement Syriza se développait sur la base d’intérêts de classe hostiles au prolétariat. Le milieu petit-bourgeois et réactionnaire d’universitaires altermondialistes, de dirigeants de divers fiefs syndicaux, d’étudiants en pleine ascension sociale, et de parlementaires carriéristes dont ressort Syriza craignait les conséquences d’une lutte contre l’euro, notamment l’impact d’une crise financière grecque sur leurs avoirs en bourse. 

Les mêmes couches sociales représentées en France par le NPA et ailleurs par les autres sections du SU voyaient en Syriza la réalisation d’un but chéri : prendre le pouvoir et diriger l’État capitaliste. Ils n’avaient pas l’intention de permettre à une éruption de la lutte des classes de nuire aux arrangements financiers et aux plans de sauvetage européens qui avaient protégé leur richesse après le krach de 2008. Ils supposaient que Syriza pourrait trouver un accord avec l’UE. 

Ce que la crise de Syriza a en fait démontré est le caractère profond et insurmontable de la crise du capitalisme européen, et du conflit entre le capital financier et la classe ouvrière. L’UE s’est avérée être un instrument dictatorial des banques, piétinant l’opinion pour imposer un diktat d’austérité irrationnel au continent qui, comme l’avoue même la presse financière, impose à la Grèce une dette élargie et non viable qui détruira son économie. Quant aux partis qui prétendaient mettre le capitalisme européen sur des bases plus viables, telles que Syriza ou le NPA, la crise a démontré leur banqueroute totale. 

La leçon de chaque aspect de l’expérience du gouvernement Syriza est qu’aucune opposition effective à l’austérité n’est possible sans mobilisation de la classe ouvrière contre l’UE et contre le capitalisme européen. Ceci confirme la perspective trotskyste d’une lutte révolutionnaire de la classe ouvrière pour le socialisme, en exposant la faillite politique des conceptions petites-bourgeoises du NPA. 

Alors que la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) petite-bourgeoise se dissolvait en 2009 pour former le NPA sur la base d’une opposition explicite à la continuité du trotskysme, elle articulait les conceptions théoriques et politiques qui sous-tendent le gouvernement Syriza. 

À l’époque, le WSWS a fait l’analyse suivante du NPA : « Pour faire partie du réarrangement de la gauche par la bourgeoisie, la LCR doit montrer clairement qu’elle rompt tous les liens, aussi ténus soient-ils, qu’elle a pu avoir avec une politique révolutionnaire. Dans la mesure où la LCR est associée au Trotskisme dans l’esprit du public, cela constitue un obstacle au fort virage à droite qu’elle prévoit d’effectuer en collaboration avec les syndicats, le Parti socialiste (PS), et les autres forces de l’establishment politique français. L’objectif réel de la LCR en se liquidant, est en fait de liquider l’héritage politique de Trotsky, c’est-à-dire l’insistance sur l’indépendance politique complète de la classe ouvrière, l’internationalisme révolutionnaire, et une opposition indiscutable à la collaboration avec l’État bourgeois, les bureaucraties staliniennes et sociales-démocrates ainsi que toutes les variantes du nationalisme bourgeois et du radicalisme petit-bourgeois ». 

Le soutien apporté par le NPA au gouvernement Syriza confirme entièrement cette analyse du contenu réactionnaire de la politique du NPA et de son hostilité envers une lutte politique indépendante de la classe ouvrière. Le soutien du NPA pour Syriza n’était ni une erreur ni un élément accidentel de sa trajectoire politique. Elle ressortait organiquement de l’hostilité du NPA envers la perspective trotskyste des États-Unis Socialistes d’Europe. 

Le NPA a explicitement rejeté ce mot d’ordre lors de son congrès fondateur, en le remplaçant par une vague conception d’une « Europe des travailleurs et des peuples ». Les documents du NPA ont bientôt démontré que cette conception impliquait un rapprochement avec l’UE et les banques. En 2009, dans un article intitulé « Une alternative anticapitaliste en Europe », un membre dirigeant du NPA, François Sabado, a proposé une perspective de faire pression sur l’UE pour assouplir la politique monétaire en réponse à la crise économique. 

Citant favorablement le plan de relance d’Obama, qui faisait 5 pour cent du PIB des États-Unis, Sabado a écrit : « Que dire des plans de relance européens ? Ils sont pour le moins sous-dimensionnés : 1,3 pour cent du PIB en GB, 1 pour cent en France, 0,8 pour cent en Allemagne, 0,1 pour cent en Italie ». 

Il ajouta, « L’Europe pourrait constituer le cadre fonctionnel d’une relance keynésienne. Pourtant, les politiques de l’Union européenne illustrent bien l’incapacité des classes dominantes à impulser un tel tournant ». Regrettant que l’élite dirigeante n’ait « pas l’intention d’imposer de nouvelles normes financières ou de contrôler effectivement le crédit pour relancer l’activité ». Il a laissé entendre qu’un tournant keynésien pourrait émerger d’un nouveau « rapport de forces ».

Cette perspective loufoque d’imposer un « rapport de forces » dans le but d’obtenir de nouvelles normes comptables ne s’adressait pas aux travailleurs. Les plans de sauvetage financiers aux USA et en Europe impliquaient tous de profondes attaques contre la classe ouvrière, à qui les banques essayaient de reprendre l’argent avec lequel on les sauvait. La perspective de Sabado était plutôt destinée à un type de régime capitaliste que Sabado espérait construire, qu’il cachait cyniquement sous le terme « gouvernement ouvrier ». 

Le NPA n’utilisait pas ce terme dans le sens marxiste, pour désigner un État qui émerge de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et qui poursuit une politique socialiste. En fait, le « gouvernement ouvrier » était une forme d’État bourgeois que le NPA se proposait de créer, et qui fonctionnerait d’une manière anormale. 

Dans un article intitulé « Quelques éléments clés sur la stratégie révolutionnaire dans les pays capitalistes avancés », Sabado écrit : « Le gouvernement ouvrier est une formule transitoire de gouvernement, dans une situation de crise où les institutions du vieil appareil d’État ne sont pas encore détruites. Ce n’est pas encore le pouvoir des organismes populaires ou de la 'dictature du prolétariat', mais ce n’est plus le fonctionnement normal des institutions bourgeoises. Ce n’est donc pas le synonyme de la dictature du prolétariat. C’est une possibilité de gouvernement intermédiaire vers la conquête du pouvoir par les travailleurs ». 

Les perspectives antitrotskystes du NPA ont subi l’épreuve des faits avec le gouvernement Syriza, un gouvernement bourgeois de crise extrême qui a tenté d’impulser un changement de politique financière dans le cadre de l’UE. Cette perspective a fait naufrage. La politique financière de l’UE s’est durcie. Quant à Syriza, ce parti s’est avéré offrir non pas un chemin vers la conquête du pouvoir par les travailleurs, mais davantage d’austérité et d’oppression sociale. Les travailleurs ne peuvent échapper à ce piège qu’en se mobilisant dans une lutte révolutionnaire à la fois contre Syriza et contre l’UE.

 

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