Alors que la Grèce approche de l'effondrement, la troïka exige un nouveau plan d'austérité

La chancelière allemande Angela Merkel doit rencontrer le premier ministre grec Alexis Tsipras aujourd’hui lors d'une réunion des dirigeants de l'Union européenne à Riga, la capitale de la Lettonie.

Avant la réunion, le président de la Commission européenne (CE) Jean-Claude Juncker a nié avoir proposé à la Grèce des prêts se montant à environ €5 milliards en échange d'un train de réformes structurelles. 

Lundi, le quotidien grec To Vima avait indiqué que le plan de la CE prévoyait le déblocage de €1,8 milliards restant dans la portion EU de la convention de prêt en cours de la Grèce avec la « troïka »: l’Union européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). La Grèce recevrait aussi €1,9 milliards de bénéfices de ses obligations grecques, achetées par la BCE en 2010, et environ €1,3 milliards de bénéfices supplémentaires des obligations grecques que la BCE recevra en juillet. 

Selon l’article, Syriza devra s'engager à un ensemble de mesures d'austérité moins sévères que celles exigées par le FMI et les ministres des Finances de l'Eurogroupe. On a également accédé à l'une des demandes du gouvernement grec, celle d’un objectif d'excédent primaire plus bas pour 2015. 

Selon le Financial Times un responsable participant aux pourparlers a dit que les deux autres institutions étaient « atterrées » à l’idée d’un accord avec la Grèce sur les modalités suggérées. 

Commentant ces informations mardi, Juncker a déclaré, « Il n'y a aucun plan Juncker. Cette rumeur dans la presse britannique et grecque d'un plan Juncker n'est pas vraie. » 

Interrogé pour savoir s’il pensait qu'un accord pourrait être conclu avec la Grèce, il a répondu, « Oui, vers la fin mai, début juin. » Il a exclu la possibilité qu'un accord soit conclu au sommet de Riga. 

Sans nouveaux prêts, la Grèce sera en faillite. Ses principales banques sont seulement maintenues à flot par les prêts au compte-gouttes de l'Assistance de liquidité d'urgence, à taux d'intérêt élevés, de la Banque centrale européenne. 

La troïka n'était pas arrivée à un accord avec le précédent gouvernement d’Antonis Samaras (Nouvelle démocratie) au cours de ses derniers mois au pouvoir. Syriza a promis quelques semaines après sa prise de fonction de continuer l’ensemble du programme d'austérité devant expirer le 30 juin, mais a été incapable de parvenir à un accord sur les mesures exigées par la troïka. Elu sur une plate-forme anti-austérité, Syriza cherche à contenir la colère sociale vis-à-vis de nouvelles pertes d'emplois, réductions de salaires, attaques des retraites et continuation de l’impôt foncier détesté – tout en maintenant son engagement à imposer les exigences des banques européennes. 

La troïka n’a consenti aucun prêt à la Grèce depuis neuf mois. Cela inclut €7,2 milliards de prêts liés à la condition que le programme d'austérité existant, agréé par Syriza, soit achevé. 

Si cela continue, Syriza fera bientôt défaut sur sa dette totale de plus de €300 milliards. Un tel défaut pourrait se produire dans les prochaines semaines si aucun accord n'est conclu, puisque l'Etat grec doit rembourser près de €24 milliards supplémentaires cette année, dont environ €11

en juillet/août.

Le 8 mai, quelques jours seulement avant qu’un paiement de €750 millions au FMI ne tombe à échéance, Tsipras a été forcé d'écrire une lettre à la directrice du FMI, Christine Lagarde, à Mario Draghi de la BCE et à Juncker, en leur disant que son gouvernement ne pouvait pas effectuer le paiement et ferait défaut sans le déblocage de fonds d'urgence. Le quotidien Kathimerini a écrit que Tsipras avait également appelé le secrétaire américain au Trésor Jack Lew pour l'informer de la situation. Le paiement a été effectué seulement après que le gouvernement a pris €650 millions d'un compte de droits de tirage spéciaux émis par le FMI – en fait un emprunt auprès du FMI pour payer le FMI.

Tsipras et le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis mettent en avant la possibilité d'un accord imminent; Varoufakis a déclaré lors d’une émission de télévision lundi, « je pense que nous sommes très près ... Disons ... environ une semaine ».

Mardi, cependant, le ministre du Travail Panos Skourletis a fixé une date, le 5 juin, comme dernier délai, déclarant: « Si une solution financière n’est pas trouvée d'ici là, les choses seront difficiles ».

À cette date, une autre somme de €305 millions doit être payée au FMI. Le quotidien Die Welt a écrit dimanche, s’appuyant sur des sources de la troïka actives dans les négociations, « Bien qu'on ait parlé ces derniers jours de certains progrès dans les négociations, la triste réalité est que les deux parties continuent d'être séparées par un fossé considérable ».

Ce journal a cité un responsable disant, « C’est comme le Titanic. L'ambiance est meilleure aujourd'hui qu'elle ne l'était plus tôt dans les discussions. Mais quelle importance si le navire est en train de couler? »

Selon des responsables au courant d’une réunion à huis clos du FMI la semaine dernière, au moins un membre du Conseil a évoqué la possibilité de présenter une « proposition à prendre ou à laisser » à la Grèce.

Parlant de la possibilité d'un prêt supplémentaire à la Grèce au-delà de juin, le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, a déclaré: « Il est possible que la Grèce bénéficie d’une aide supplémentaire, si Athènes remplit ses obligations envers les prêteurs ».

Des personnalités du gouvernement Merkel s’opposent à de nouveaux prêts importants pour la Grèce. Volker Kauder, le chef du groupe parlementaire de l’Union chrétienne-démocrate, a dit à Die Welt, « Nous ne devons pas discuter d'un troisième accord. La situation est très difficile. Les Grecs doivent démontrer qu'ils agissent comme convenu ».

Des dirigeants de Syriza, dont Tsipras, parlent régulièrement de supposées « lignes rouges » qui ne seront pas dépassées dans les pourparlers. En réalité Syriza fait tout ce qu’il peut depuis son arrivée au pouvoir pour que tous les prêts soient remboursés aux détenteurs de bons du Trésor grec et de la troïka.

Le gouvernement dirigé par Syriza a déjà fait 14 remboursements distincts totalisant €13,2 milliards, soit €1200 pour chaque homme, femme et enfant du pays. Lundi, le Financial Times a indiqué que Syriza avait pris des « mesures extraordinaires pour qu’Athènes survive durant la dernière quinzaine » parmi lesquelles « le pillage des collectivités locales ».

Les paiements ont été effectués en grande partie en dévalisant tous les fonds de l'Etat disponibles. En avril, Syriza a adopté un décret autoritaire, sans vote du Parlement, exigeant que toutes les autorités et entreprises publiques fassent des contributions financières à la Banque centrale grecque et les mettent entre les mains du gouvernement. Le décret a été appliqué après avoir été exigé par la troïka.

Chaque centime appartenant à l'Etat grec est pillé afin d'effectuer les remboursements. Rien que cette semaine, Syriza a exigé que des dizaines d'ambassades grecques renvoient les fonds non attribués et les recettes provenant des actes consulaires (délivrance de visas, procurations, etc). Même les fonds non utilisés encore pour la papeterie, les produits de nettoyage, etc., pour les deux prochains mois doivent être renvoyés.

Sans accès à des financements extérieurs et dans une situation où ses banques sont quasiment incapables de fonctionner, l'économie grecque est maintenant officiellement de nouveau en récession. L'économie s’est contractée de 0,2 pour cent au cours du premier trimestre de cette année, après une contraction de 0,4 pour cent au quatrième trimestre de 2014. 59 petites entreprises par jour en moyenne ont fermé durant cette période, 95 pour cent de toutes les demandes de prêts bancaires ont été refusées.

Au cours des quatre dernières années, le PIB a chuté de plus de 25 pour cent.

Selon la Confédération hellénique du Commerce et de l'entreprise (ESEE), l'économie a besoin de €25 milliards juste pour rattraper les pertes subies depuis décembre. Ses pertes sont de l’ordre de €22,3 millions par jour. Depuis que Syriza est au pouvoir, 613 emplois sont perdus chaque jour – soit un total d'environ 18 000 pour cette période. 

(Article original paru le 20 mai 2015)

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