Le gouvernement PS annonce une nouvelle série de réformes libérales

Après avoir imposé le mois dernier une loi de déréglementation pro-patronale sans passer par un vote au parlement, le Parti socialiste (PS) est en train de préparer une suite de nouvelles mesures d’austérité et de réformes structurelles impopulaires, dont des attaques contre les lois protégeant du licenciement, l’accès aux soins de santé et les allocations chômage.

Après avoir accordé à Paris un nouveau délai de deux ans pour atteindre un taux de déficit de 3 pour cent du PIB, la Commission européenne a dit à Paris d’intensifier les réformes structurelles et les mesures d’austérité. Vendredi 27 février, l’UE a demandé au gouvernement de réduire le déficit structurel de la France de 0,5 du PIB (Produit intérieur brut) en 2015, de 0,8 pour cent en 2016 et de 0,9 pour cent en 2017.

Selon le site Internet EU Observer, l’UE a donné au PS jusqu’au 10 juin pour prendre des mesures efficaces et présenter un rapport détaillé sur la stratégie de consolidation envisagée pour atteindre les objectifs fixés. Paris recherchera donc des mesures d’économie supplémentaires de l’ordre de 4 milliards d’euros. Un responsable de la Commission a souligné que Bruxelles s’attendait à une réponse structurelle et pas à des mesures ponctuelles.

Après la décision d’accorder un nouveau délai à Paris, certains politiciens allemands ont fustigé l’UE pour sa mollesse à l’égard de la France. Gerda Hasselfeldt du CSU (Union chrétienne-sociale en Bavière), a écrit au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour l’exhorter à appliquer les règles. Le journal Welt am Sonntag l’a citée ainsi, « Il est important qu’au moment même où nous faisons face à de grands défis dans le cadre de notre responsabilité vis-à-vis de l’Union européenne et de la zone euro, nous ne fassions aucune exception. »

Lundi 2 mars, le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron a rencontré des responsables de l’UE à Bruxelles afin de les convaincre que l’intention de Paris est bien de mettre en œuvre des réformes structurelles. A l’issue de la réunion, Macron a dit, « Nous avons programmé 50 milliards d’économie de 2015 à 2017 et nous les ferons. Nous tiendrons aussi le nouvel objectif d’un déficit budgétaire réduit à 3 pour cent en 2017. »

Selon Le Journal du Dimanche, le gouvernement projette des coupes draconiennes qui transformeront le tissu social de la France: « L’idée de Matignon : avancer vers ‘un nouvel ordre social’, selon l’expression utilisée dans l’entourage de Manuel Valls. Les dossiers sur la table sont tous sensibles : temps de travail dans les entreprises en difficulté, assurance chômage, retraites complémentaires… Ils ne figureront pas tous dans la ‘loi travail’ mais, dans l’esprit de l’exécutif, ils ont vocation à avancer ‘rapidement’. »

Mercredi dernier, Valls avait rencontré des groupes d’affaires et des responsables syndicaux pour leur soumettre les nouvelles réformes modifiant la représentation des salariés dans les entreprises ou le « dialogue social » et qui doivent être adoptées l’été prochain par le parlement. Le gouvernement prend en charge la ‘loi travail’ après que les groupes patronaux et la bureaucratie syndicale ne sont pas parvenus à un accord en janvier. Valls a affirmé que son gouvernement « assume ses responsabilités » pour appliquer une réforme « nécessaire ».

Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le PS a été en mesure d’imposer de telles mesures avant tout parce que la profonde opposition à l’austérité de la classe ouvrière en France, comme dans toute l’Europe, a été systématiquement étouffée. La bureaucratie syndicale et les partis de la pseudo-gauche tel le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui ont appelé à voter pour le président PS François Hollande en 2012, s’opposent à une mobilisation politique de la classe ouvrière contre le gouvernement PS. C’est sur cette base que Valls et Hollande mettent en œuvre de nouvelles coupes.

Valls en a appelé aux syndicats et aux organisations patronales pour ouvrir rapidement des pourparlers sur le système d’assurance chômage, une autre réforme que l’UE presse la France d’imposer.

Le gouvernement projette une réduction budgétaire de 3 milliards d’euros supplémentaires. Bien que le plan n’ait pas encore été annoncé officiellement, le magazine économique Challenges a écrit : « Une part importante des économies viendra de la ‘maîtrise de la masse salariale’ à hauteur de 860 millions d’euros. Soit 22 000 postes supprimés, 2 pour cent des effectifs des hôpitaux publics. »

Le gouvernement projetterait également de réduire le prix des médicaments et des dispositifs les plus coûteux, ainsi que la durée des séjours hospitaliers en pressant les patients à recourir davantage à la chirurgie ambulatoire.

Les associations patronales ont réclamé un assouplissement des règles du « dialogue social » sur les lieux de travail afin d’éliminer les quelques faibles protections qu’offrent encore les actuelles procédures de négociations dans les entreprises. Les associations patronales ont dénoncé les actuelles mesures comme étant trop onéreuses.

Présentement, les soi-disant ‘seuils sociaux’ engendrent un certain nombre d’obligations pour les entreprises sur la base du nombre de salariés. Les entreprises de moins de onze employés n’ont pas d’obligation. Les entreprises employant plus de onze salariés sont tenues d’organiser l’élection de délégués du personnel. Avec 50 employés ou plus, les entreprises doivent créer un comité d’entreprise, un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et prévoir un plan de réorganisation en cas de licenciement collectif.

L’association patronale Medef a critiqué les actuels seuils et obligations et les a qualifié de « coûteux et paralysants. »

La Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) s’est plainte qu’une « entreprise qui passe de 49 à 50 salariés doit faire face à 35 obligations nouvelles et son coût du travail augmente de 4 pour cent ».

Répondant aux exigences du patronat, cette réforme établirait une « délégation unique du personnel » pour les entreprises comptant jusqu’à 300 salariés contrairement aux 200 qui existent déjà, et donnerait aux entreprises la chance d’adapter la structure de leurs délégations du personnel par un accord collectif. Pour les entreprises de moins de onze salariés, le gouvernement propose de mettre sur pied des commissions régionales composées à égalité de 10 salariés et de 10 employeurs respectivement.

Le gouvernement PS présente cyniquement cette réforme comme un « progrès social majeur ». En fait, celle-ci vise à réorganiser la main-d’œuvre en faveur des entreprises, à détruire davantage encore les droits des travailleurs et à créer des précédents pour des attaques encore plus étendues contre toute la classe ouvrière.

Durant leurs négociations avec les patrons, les syndicats se sont hypocritement opposés à la mesure, mais ils ont déclaré s’attendre à ce que le gouvernement ferait passer la loi. En vertu de la nouvelle loi, les syndicats coordonneraient plus étroitement leurs efforts avec les employeurs en vue de contrôler l’ensemble de la main-d’œuvre et imposerait des concessions plus dures que celles déjà proposées.

Après la réunion avec Valls, la CFDT, proche du PS, a salué la loi, l’a décrite comme une « vraie victoire » pour les travailleurs des petites entreprises et a affirmé qu’« aucune prérogative » n’avait été supprimée pour les autres.

D’autres syndicats, dont la CGT, stalinienne et FO (Force ouvrière) qui avaient soutenu les précédentes réformes du droit du travail, appellent à une énième journée d’action le 9 avril, dans plus d’un mois.

(Article original paru le 4 mars 2015)

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