Les banques centrales dopent les actions alors que l'économie mondiale s'enfonce dans la récession

Les décisions prises par deux des principales banques centrales du monde la semaine dernière signalent des pressions déflationnistes montantes dans l'économie mondiale et l'incapacité des autorités monétaires et financières de rien faire pour les inverser. 

Jeudi, la Banque centrale européenne a indiqué qu'elle était prête à prolonger son programme « d'assouplissement quantitatif » de €1,1 mille milliards d'achats d'actifs, citant des risques pour la zone euro et l'économie mondiale qui découlent du ralentissement en Chine et de son impact sur les marchés émergents. 

Le lendemain, la banque centrale chinoise a baissé son taux d'intérêt de référence pour la sixième fois en un an. Ceci fait suite à la publication de données montrant le plus faible taux de croissance depuis un quart de siècle en Chine où le produit intérieur brut a augmenté de seulement 6,9 pour cent au cours du troisième trimestre. La Banque populaire de Chine a baissé son taux de référence de 1,75 pour cent à 1,5 pour cent, taux le plus bas jamais enregistré, et a réduit la part des dépôts de la clientèle que les banques doivent garder en réserve. 

Selon Eswar Prasad, professeur à l'Université Cornell et ancien chef pour la Chine au Fonds monétaire international, les démarches chinoises augmentent les inquiétudes du fait que «l'économie est peut être en perte de vitesse un peu plus rapide que celle suggérée par le taux de croissance officiel du PIB ». 

Ces craintes ont été soulignées par la déclaration du Premier ministre chinois Li Keqiang que le gouvernement «ne défendrait pas jusqu'à la mort » son objectif de croissance de l'ordre de 7 pour cent cette année. Li parlait à la veille d'une importante réunion du Parti communiste au pouvoir où seront fixés les objectifs de croissance pour les cinq prochaines années. 

Les inquiétudes sur l'impact du ralentissement de la croissance en Chine étaient au centre de la déclaration officielle du président de la Banque centrale européenne Mario Draghi suite à une réunion du conseil des gouverneurs de la BCE à Malte jeudi dernier. 

Il a dit que la BCE était prête à « agir si nécessaire » et était « ouverte au menu complet de la politique monétaire » lors de sa prochaine réunion en décembre. Une indication claire que la BCE se prépare à prolonger et augmenter son programme d'assouplissement quantitatif, ce qui actuellement consiste en l'achat de €60 milliards d'actifs financiers par mois jusqu'en septembre 2016. 

Draghi a évoqué des inquiétudes au sujet des «perspectives de croissance dans les marchés émergents» et de l'évolution des marchés financiers et des matières premières qui «continuent de signaler des risques baissiers de croissance et d'inflation.» Ces deux processus découlent du ralentissement croissant en Chine, qui fait que les prix des matières primaires industrielles (métaux de base, pétrole, gaz, minéraux et produits agricoles) tombent, alimentant une crise financière dans les économies émergentes. 

Quant à la zone euro, les dernières données montrent que la croissance de son PIB a baissé à 0,3 pour cent au deuxième trimestre, en baisse par rapport au 0,4 pour cent du premier trimestre, une croissance si faible que même après sept ans la région n'a pas rattrappé le niveau de production d’avant la crise financière de 2008. Bien que la BCE ait pour objectif un taux d'inflation de 2 pour cent par an, l'inflation est tombée à -0,1 pour cent en septembre, comparé à 0,1 pour cent en août. 

L'explication officielle est que cela est en grande partie dû à la chute des prix du pétrole elle-même due à l'offre excédentaire. Mais Draghi a dit qu'il fallait être « plus prudent » à ce sujet et que ce pourrait être le résultat d'un « choc induit par la demande » c'est à dire une chute de la demande du pétrole en raison de la baisse de la production industrielle. 

Bien que ces développements indiquent une aggravation de la crise de l'économie réelle, les marchés boursiers mondiaux ont bondi, dopés par la confiance renouvelée que les banquiers centraux et les chefs de gouvernement continueront à subventionner les activités parasitaires des élites financières et à soutenir le détournement des ressources de l'investissement productif vers la spéculation. 

Des conclusions claires se dégagent des démarches de la BCE et de la Banque centrale chinoise et aussi de la confusion et des divisions au sein des organes directeurs de la Réserve fédérale américaine, sur les plans annoncés précédemment de commencer à relever les taux d'intérêt. 

Il n'y a pas de reprise de l'économie mondiale alors qu’on enchaîne les mesures d'urgence et les responsables de la politique économique et monétaire n'ont aucune idée de comment en créer une. Ce n'est pas le résultat d'une incapacité intellectuelle. Cela provient du fait que les événements de 2008 ne sont pas une crise conjoncturelle, mais une rupture fondamentale du système capitaliste mondial, qui continue de s'approfondir. 

La seule réponse des autorités financières à chaque tournant de la situation a été de rendre disponible encore plus d'argent ultra bon marché, une politique dictée par la crainte qu'un retour à des taux «normaux» pourrait déclencher une nouvelle crise et des exigences insatiables des parasites financiers qui commandent les hauteurs de l'économie. 

Lorsque ce programme a été annoncé, il a été affirmé qu'il fournirait un stimulus à la croissance de l'économie réelle. Cette affirmation a été complètement discréditée. L'assouplissement quantitatif sous ses diverses formes nationales n'a rien fait pour relancer l'investissement dans l'économie réelle. Il a plutôt accéléré le processus par lequel la manipulation financière et la spéculation deviennent les principales formes d'accumulation du profit. 

Ce parasitisme a non seulement conduit à la destruction pure et simple des forces productives, comme par le biais des fusions et acquisitions géantes menant à des opérations de démembrement et des licenciements, il est aussi accompagné d'attaques toujours plus graves de la classe ouvrière et d'une augmentation, sans précédent historique, de l'inégalité sociale. 

Les actions de la BCE et de la Banque populaire de Chine soulignent aussi le caractère mondial de la crise. D'une part, la BCE invoque les problèmes de la Chine comme raison des nouvelles mesures de relance monétaire, d'autre part les autorités chinoises, dont le président Xi Jinping, désignent la situation globale qui s'aggrave comme raison des difficultés croissantes auxquelles ils sont confrontés. La « Fed » elle, indique le ralentissement de la Chine et la turbulence potentielle des marchés émergents comme facteurs contraignants dans tout éloignement de la politique des taux d'intérêt nuls des sept dernières années. 

Les gardiens de l'ordre économique et financier sont incapables d'avancer quoi que ce soit qui ressemble à une réponse coordonnée. Les divisions se creusent; la Fed est au moins théoriquement engagée à relever les taux tandis que la BCE, la Banque centrale chinoise et la Banque du Japon sont déterminées à maintenir des taux faibles record. 

Leur perplexité et leurs politiques contradictoires proviennent d'une contradiction centrale du système capitaliste: celle entre le caractère global de l'économie et le système de l'État-nation dans lequel ont leurs racines la propriété et les bénéfices de chaque classe dirigeante capitaliste.

Cette contradiction ne peut être résolue dans le cadre du système capitaliste. Elle continuera de couver sous la forme de l’aggravation de la crise économique et de la croissance des antagonismes nationaux et mènera inexorablement à une nouvelle guerre mondiale. La réorganisation historiquement nécessaire des relations sociales en conformité avec le caractère global des relations économiques ne peut être accomplie que par la classe ouvrière sur la base du programme de la révolution socialiste mondiale.

(Article paru en anglais le 26 octobre 2015)

 

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