Vaste désillusion en Grèce avant l’élection de dimanche

Quel que soit le parti ou la coalition de partis qui deviendra le nouveau gouvernement en Grèce au sortir de l’élection de demain, son objectif sera d’imposer des attaques encore plus brutales à la classe ouvrière.

Aucun parti ne représente les intérêts de la classe ouvrière dans cette élection.

Syriza, porté au pouvoir en janvier parce que son intention déclarée était d’inverser l'austérité, est maintenant un parti ouvertement pro-austérité. L'élection a été convoquée quand le premier ministre Alexis Tsipras (Syriza) a démissionné en août après avoir accepté un troisième programme d'austérité de l’Union européenne dépassant de loin ceux des cinq dernières années.

L'accord a été conclu quelques jours seulement après le référendum du 5 juillet. La population grecque y avait voté massivement pour exiger la fin de toute austérité.

Syriza, qui remporta nettement l’élection de janvier, est à Présent au coude à coude dans les sondages avec le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), qui s’est également engagé à imposer le dernier accord d'austérité.

Selon tous les sondages, aucun parti n’à de chance d’obtenir le soutien des 38 pour cent de voix environ requis pour avoir une majorité parlementaire dans le cadre du système électoral grec. Les autres partis qui pourraient éventuellement former ou rejoindre un gouvernement de coalition, les Grecs indépendants (droite xénophobe, ancien partenaire de coalition de Syriza), le Potami et le PASOK social-démocrate, défendent tous l'austérité.

Le dirigeant de ND, Vangelis Meimarakis, a déclaré que son parti était prêt à former une coalition avec Syriza après l'élection. Cette semaine, Tsipras, tout en précisant que Syriza était disponible pour une coalition avec d'autres partis, a décrit une coalition Syriza / ND comme «contre nature».

En réalité, étant donné que le programme des deux partis sont maintenant pratiquement identiques, un partenariat entre les deux partis, avec ou sans participation de Tsipras, ne peut être écarté.

Syriza a perdu énormément de soutien parmi ses anciens électeurs qui sont désabusés et en particulier dans la jeune génération qui l’a déserté. Le propre mouvement de jeunesse de Syriza n’existe pratiquement plus; seuls y restent encore quelques dizaines de personnes.

Un article dans l’Australian Financial Review (AFR) de vendredi, intitulé «Des places vides et pas de foules: les Grecs boudent une élection cruciale », note qu’« à l’intérieur des tentes de campagne dressées à Athènes par les différents partis politiques qui cherchent à rallier les électeurs grecs, dont un énorme chapiteau installé près de la Place Korai par le Syriza de … Tsipras, les chaises et les tables étaient vides l'autre jour ».

Il cite les commentaires d’Angeliki Stergiou, 56 ans, qui a dit, « Nous avons déjà entendu toutes ces chansons de campagne. Nous avons crié tous ces slogans. Encore et encore. Mais cela n'a fait aucune différence. Personne ne croit plus vraiment ce qu'ils disent ».

Cette situation, note l'AFR, était « en contraste frappant avec les jours précédant la dernière élection grecque en janvier, quand des foules bruyantes restaient tard dans la nuit à débattre la politique et l'avenir de leur pays ».

Aujourd'hui Tsipras, « demande aux Grecs de le réélire pour appliquer un accord qui imposerait une nouvelle série de coupes budgétaires et d'autres changements politiques déstabilisants ... », a déclaré l'AFR.

« A de nombreux points de vue, cette élection est absurde », a dit Costas Iordanidis, cité par AFR, un chroniqueur pour le quotidien Kathimerini: « Ce que nous avons à faire est déjà décidé ».

Après que Syriza a rejeté la volonté de la population grecque suite au référendum de juillet, Bloomberg avait décrit Tsipras comme « le nouvel exécuteur » de la troïka (UE, FMI et BCE). Cette semaine, il attire l'attention sur l’ampleur de la capitulation de Syriza dans un article intitulé, « Comment les marchés financiers grecs ont appris à ne plus s’inquiéter de Tsipras et à l’aimer». L’article cite Vassilis Karatzas, le directeur général d'un fonds spéculatif, Levant Partners qui dit, « La perception qu’a le marché de Syriza a considérablement changé depuis la dernière élection. Il est considéré comme une force qui mettra en œuvre le mémorandum ».

Au cours des cinq dernières années, des coupes brutales du niveau de vie, sans précédent dans l'Europe d'après-guerre, ont été appliquées. Des millions de travailleurs vivent maintenant dans une pauvreté abjecte. En 2013, plus de 44 pour cent de la population grecque vivaient avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Les salaires des travailleurs du secteur public ont été réduits de moitié, les retraites de 44 pour cent. Des familles entières survivent avec une retraite mensuelle de € 393 seulement. La pauvreté chez les enfants a doublé, son taux de 40 pour cent en fait le plus élevé des pays développés.

Quel que soit le résultat de l'élection, instabilité politique et troubles sociaux sont certains. L'un des principaux calculs de Tsipras en appelant ces élections était d'éviter qu'elles ne coïncident avec le début de la nouvelle offensive d'austérité, prévue pour octobre.

Ancien député de Syriza, Maria Bolari, maintenant membre d'Unité populaire, organisation formée lorsque la Plateforme de gauche de Syriza a scissionné le mois dernier, a averti cette semaine que l'agitation sociale était inévitable. S’exprimant dans The Independent, elle a dit, « Il y aura une instabilité après l'élection, car il y a une grande polarisation dans le pays. Comme dans les années 2010-2013, il y aura plus de grandes grèves et le chaos sera de retour dans les rues. Quand les gens ont voté pour Syriza la dernière fois, il a été en mesure de mettre en œuvre ses propres politiques. Mais s’il gagne à nouveau, il imposera tout simplement les termes du Mémorandum – et les gens ne vont pas l’accepter ».

Le rôle principal de l’Unité populaire, un amalgame de différentes forces nationalistes de la pseudo-gauche, est d'empêcher la classe ouvrière de tirer les leçons nécessaires du rôle de Syriza et de leur propre rôle dans cette trahison, et de désarmer politiquement les travailleurs.

Avant l'élection de janvier dernier, la Plateforme de gauche, soutenue par les groupes de la pseudo-gauche au plan international, était celle qui criait le plus fort pour affirmer que Syriza représentait la voie à suivre pour la classe ouvrière. Dans un article de perspective écrit le 24 Janvier 2015, le World Socialist Web Site avertissait la classe ouvrière en Grèce et à l'étranger du rôle réel que Syriza allait jouer au service de l'élite financière mondiale s’il était élu.

Le WSWS écrivait, « Malgré sa façade de gauche, Syriza est un parti bourgeois de droite s’appuyant sur les couches aisées de la classe moyenne. Sa politique est déterminée par la bureaucratie syndicale, les universitaires, les membres des professions libérales et le personnel parlementaire, qui tous cherchent à défendre leurs privilèges en préservant l’ordre social….

« Syriza se réclame explicitement des piliers du capitalisme grec, européen et international: la propriété bourgeoise; l’Etat bourgeois, sa police et son armée; l’euro; l’Union européenne et l’OTAN. Il offre ses services en tant que parti capable de protéger le capitalisme et ses institutions face à la menace de soulèvements sociaux ».

L’article du WSWS avait appelé « les travailleurs grecs à ne donner aucun soutien politique à Syriza ». Il avait averti qu’« un gouvernement Syriza qui attaquerait la classe ouvrière sous couvert d’un discours de gauche apporterait de l’eau au moulin d’‘Aube dorée’ et d’autres organisations fascistes qui cherchent à mener dans une voie réactionnaire la déception et la colère des couches sociales opprimées ».

Ces prédictions ont été confirmées, les forces les plus à droite ayant été renforcées par la capitulation totale de Syriza devant l'UE et le capital mondial. Les derniers sondages montrent qu’Aube dorée, qui se présente comme un adversaire de l'austérité, se situe en troisième ou quatrième position.

(Article original publié le 19 septembre 2015) 

Voir aussi :

La capitulation de Syriza et ses leçons pour la classe ouvrière

[24 février 2015]

 

Les conséquences de la trahison de Syriza: des termes d’une capitulation aux termes d’une occupation

[14 Juillet 2015]

 

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