En Allemagne, le Parti de gauche rejoint la campagne anti-réfugiés

La dirigeante du groupe parlementaire du Parti de gauche Sahra Wagenknecht a rejoint l’agitation d’extrême-droite anti-immigrés et a appelé lundi à des mesures d’Etat policier.

Après une réunion de son parti à Berlin, elle s’est servie des événements de la Saint Sylvestre à Cologne pour déclarer: « Celui qui abuse du droit à l’hospitalité a perdu le droit d’être un invité. » C’était une « position très claire » du Parti de gauche, a-t-elle dit.

Parler d’« invités » pour des personnes qui ont fui la guerre, la faim et la mort fait partie du vocabulaire de l’extrême droite. Avec l’hystérie raciste déclenchée depuis le Nouvel An, on utilise de nouveau largement le terme. Les implications en sont claires: les réfugiés sont invités et ils doivent se comporter en tant que tels, ils n’ont pas de droits démocratiques. On les tolérera et à la première occasion, on leur demandera de quitter l’Allemagne. S’ils ne le font pas volontairement, on les expulsera.

Wagenknecht se joint au chœur des partis de l'establishment et des médias dont le slogan est « criminels étrangers dehors! »

Le co-leader de Wagenknecht dans le groupe parlementaire, Dietmar Bartsch, a déclaré que ses demandes sont conformes au droit existant. « Nous devons faire respecter les lois actuellement en place avec beaucoup de détermination, » a-t-il exigé. Il y avait actuellement en Allemagne un « déficit de mise en vigueur. »

Wagenknecht s’est prononcée explicitement en faveur de la limitation du nombre des réfugiés. Le mois dernier, dans une interview à Der Spiegel, elle a dit, « Il est clair également que nous ne pouvons pas accepter un million de personnes chaque année. »

Puis, le 11 janvier, elle a fait valoir devant les représentants des médias, « Il y a des limites objectives à la capacité. Il est très clair que l’Allemagne ne pourra accueillir un autre million de réfugiés dans l’année qui vient et peut-être encore plus à l’avenir. »

Il était nécessaire de veiller à ce que « la question des réfugiés de guerre [ne] surcharge [pas] un seul pays », a-t-elle poursuivi. Sinon, il y aurait des conséquences pour les demandeurs d’asile, « ainsi que pour la volonté de la population à les accepter. » Cette limite était, à son avis « presque atteinte ». Elle comprenait donc les inquiétudes exprimées par « beaucoup de gens » à propos du grand nombre de réfugiés; elle dit: « Si les gens craignent maintenant qu’apparaissent en Allemagne des zones où les lois ne sont pas appliquées, les politiciens doivent faire quelque chose. »

Wagenknecht a clairement dit ce qu’elle comptait faire à ce sujet en tant que dirigeante politique de Die Linke: renforcer la police. « Pourquoi a-t-on éliminé tant de postes dans la police de ce pays? » a-t-elle demandé, répondant que les Lands souffraient du frein à l’endettement. Avoir plus de personnel dans la police était « ce dont nous avons réellement besoin. »

L'appel au renforcement de la police est maintenant général dans le Parti de gauche.

La semaine dernière, le président de Die Linke Berndt Riexinger a averti dans un communiqué de presse que la réduction massive des postes dans la police déstabilisait le pays. Ces économies restreignaient « la capacité fonctionnelle de l’État » et conduisaient « au bord de la faillite d’Etat. »

Jan Korte, chef adjoint du groupe parlementaire et membre de la Commission des affaires intérieures du Parlement, a déclaré lundi à l’émission quotidienne d’information « Tagesschau », « Il est clair que nous devons discuter pour voir s’il y a eu un échec de l’État dans ce pays. » Korte a continué en demandant: « Dans le secteur public la police est-elle en fait suffisamment équipée? En personnel et autres choses? »

Le Parti de gauche du Brandebourg, qui fait partie de la coalition qui gouverne à Potsdam, s’est exprimé le même jour. Le chef de file au parlement du Land, Ralf Christoffers, a dit à la presse, « Les criminels de la Saint-Sylvestre à Cologne doivent être mis en examen rapidement et punis en utilisant la totalité des moyens juridiques, dont la perte éventuelle de leur droit de séjour. » L’ordre juridique devait être « appliqué sans restrictions. »

Ce n’est là que de la propagande à bon marché dont le seul objectif est de casser le soutien aux réfugiés qui existe dans la grande majorité de la population. Wagenknecht dit qu’elle comprend les soucis de « beaucoup de gens » quant au « grand nombre de réfugiés. » Qui sont ces « nombreuses personnes » dont elle parle? Quelques milliers d’extrémistes de droite qui se réunissent chaque semaine à Dresde pour les démonstrations de Pegida, tout en se présentant comme des « citoyens concernés ». Tandis que des centaines de milliers de personnes s’engagent dans des organisations de soutien aux réfugiés ou soutiennent leur travail par des dons.

Plus méprisable encore est la tentative de Wagenknecht de jouer les réfugiés contre les travailleurs, les chômeurs et les pauvres. Elle a affirmé à plusieurs reprises ces derniers mois que les réfugiés pouvaient être utilisés pour faire pression sur les salaires et les faire baisser. Lundi, elle a affirmé que les réfugiés aggraveraient les problèmes sur le marché de l’immobilier. « Si les politiciens ne commencent pas enfin à faire construire des logements abordables à grande échelle, les loyers continueront d’augmenter. » Ce ne fut pas une « crainte irrationnelle, mais plutôt une crainte tout à fait compréhensible. »

Wagenknecht omet de dire que le Parti de gauche a imposé les réductions de coûts au niveau des Lands et des municipalités, en particulier en Allemagne de l’Est où il n’a pas hésité à vendre les logements publics à l’encan. Le conseil municipal de Dresde a bazardé avec le plein soutien du Parti de gauche la société municipale de HLM avec près de 60.000 appartements (des « logements « abordables ») au hedge-fonds « Forteresse » pour 1,7 milliards d’euros. Au cours des quinze années précédentes, la municipalité a vendu 120.000 appartements de la ville à des propriétaires privés.

Les propositions de Wagenknecht sont identiques à celles de son mari, Oscar Lafontaine. Le père fondateur du Parti de gauche, longtemps son président, a commencé à faire de l’agitation anti-réfugiés en novembre dernier. À l’époque, nous écrivions, « l’argumentation de Lafontaine est totalement populiste de droite. Il cherche à jouer les sections les plus pauvres de la société contre les immigrés, accompagnant cela de quelques piques inoffensives contre les millionnaires et il appelle à plus de police. »

Lafontaine avait écrit à l’époque, « Il ne faut pas faire porter le coût à ceux qui sont déjà défavorisés, les petits salaires, les chômeurs, les familles et les retraités. C’est inadmissible que les coupes soient faites dans les écoles, dans le secteur social, dans le secteur public et dans la police, tandis que Merkel, Gabriel et Cie refusent de faire participer proportionnellement les millionnaires au financement. »

Wagenknecht combine maintenant ses appels au renforcement en personnel de la police à des critiques du manque de personnel dans le secteur public en général, en particulier dans l'éducation; ses attaques contre l'orgie de coupes des municipalités à l’appel à des hausses d’impôts pour les riches; et son agitation contre les réfugiés aux « craintes de la population. » Si on enlève de sa rhétorique la démagogie sociale, il reste deux choses: l'opposition aux réfugiés et le renforcement de la police.

Les déclarations de Wagenknecht montrent combien à droite et dégénéré est le Parti de gauche. Pendant longtemps Wagenknecht, l'ancienne porte-parole de « Plateforme communiste », a été dépeinte comme une représentante de la prétendue aile gauche du parti, qui s'opposait à l'aile droite dirigée par Dietmar Bartsch et Stefan Liebich. Cela a toujours été une fraude. Sur la question des réfugiés, Wagenknecht et Lafontaine ont été plus loin que ces éléments droitiers déclarés.

(Article paru d’abord en anglais le 16 janvier 2016)

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