Après le départ de Taubira, Mélenchon couvre la politique autoritaire du PS

Jean-Luc Mélenchon a réagi à la démission de la Garde des sceaux, Christiane Taubira, qui servait de caution de « gauche » au gouvernement Valls, en tentant de stimuler des illusions sur une évolution vers la gauche d'une frange du PS et de ses alliés. 

Dans une entrevue au JDD, Mélenchon a critiqué la nomination de Jean-Jacques Urvoas, un spécialiste du renseignement, en tant que Garde des sceaux. 

Il a dit: « Le départ de Christiane Taubira est une étape spectaculaire dans le processus d'isolement sectaire de François Hollande. Il divise tout et tout le monde: le mouvement social, la gauche, sa propre majorité, son gouvernement. Maintenant, il nomme comme nouveau garde des Sceaux quelqu'un qui a proposé de fusionner le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, et qui traitait les frondeurs de "djihadistes". Taubira est partie dégoûtée. Maintenant que tous les dégoûtés sont partis, il ne reste que les dégoûtants ». 

Ce n'est là qu'une tentative de redorer le blason de la minorité d'éléments au sein du PS qui se posent cyniquement en critiques de Hollande. Il n’y a pas de rupture fondamentale entre Taubira et la politique réactionnaire du gouvernement PS, qui vise à mettre en place un régime autoritaire. 

La querelle entre d’un côté le duo Hollande-Valls et de l’autre Taubira portait sur la révision de la Constitution française afin d’y inclure l’état d’urgence permanent, et sur la possibilité de déchoir de sa nationalité une personne jugée coupable de divers délits. Ceci constitue un pas important vers un état autoritaire, car la déchéance de nationalité est directement tirée du programme des néofascistes. 

Taubira représentait au sein de l'élite dirigeante ceux qui, sans contester l'action du PS sur le fond, craignent que les références d'extrême-droite de Hollande ne provoquent une opposition plus large et des effets contraires. Des magistrats contestent le bien-fondé de mesures qui permettraient à la police d'échapper à long terme au contrôle des institutions judiciaires. Divers satellites politiques du PS s'inquiètent de l'adoption de la déchéance de nationalité, politique infâme utilisée par Vichy lors de sa tentative d'exterminer les Juifs en France. 

Toutefois, aucune de ces forces ne s'oppose aux guerres impérialistes menées par la France et ses alliés, et d'où sont sorties les milices islamistes qui ont commis les attentats du 13 novembre, ni aux mesures d'urgence antidémocratiques imposées par le PS. 

Ainsi, Taubira a déclaré au Monde qu'elle ne s'opposait pas à Hollande : « Je ne me pose pas en opposante. Je suis partie sur un désaccord politique majeur. ... Mais je veux que ce soit clair : je suis très respectueuse de la fonction présidentielle. Quand une société est dans un moment de doute et de fragilité, il faut que les institutions soient fortes et puissantes ». 

La tentative de Mélenchon de néanmoins faire passer Taubira ou le Front de gauche pour une opposition à Hollande sont d'un cynisme achevé. Les « dégoûtants » dont il parle sont ceux qu'il a côtoyés pendant des décennies et qu’il a aidés à faire élire en 2012, comme il le reconnaît : « Nous avons élu François Hollande pour nous débarrasser de la politique de Sarkozy. Un an avant la fin du quinquennat, sur tous les marqueurs de l'époque – et au premier rang le chômage – la situation est pire que sous Sarkozy. ». 

En fait Mélenchon a aidé à faire élire Hollande sachant très bien quelle politique il mènerait. En 2012, il traitait Hollande de « Hollandréou », c'est-à-dire de tenant de la politique d'austérité du premier ministre grec Georges Papandréou, indiquant ainsi qu'il savait que les promesses de Hollande de s’attaquer au monde de la finance étaient mensongères. 

Mélenchon est un politicien d’expérience, qui a fait carrière au PS de 1976 à 2009. C’est en plein tournant de la rigueur contre la classe ouvrière après 1983, sous la présidence de Mitterrand, que Mélenchon est devenu sénateur. Tout deux coordonnèrent à plusieurs reprises la stratégie du PS. En 1997, Mélenchon est devenu ministre du gouvernement impopulaire de la Gauche plurielle dirigé par Lionel Jospin. 

Ses tentatives de prendre ses distances de l'actuel tournant à l’extrême-droite du PS ne sont qu'une opération d'enfumage politique. Il est lui-même admirateur de Mitterrand, ancien fonctionnaire du régime de Vichy, qui garda des liens avec des familles patronales pro-Vichy et des figures comme le chef de la police de Vichy René Bousquet. Mélenchon s’est accommodé du passé vichyste de Mitterrand et s'est associé aux nostalgiques de l'Action française comme Eric Zemmour, Patrick Buisson, ou encore Henri Guaino. 

Mélenchon était parfaitement conscient qu’en appelant à voter Hollande en 2012, il trompait les travailleurs et qu’une fois le PS au pouvoir, sa politique se solderait par la montée du FN. Une fois Hollande au gouvernement, Mélenchon a servi de couverture de gauche pour bloquer toute opposition politique de la classe ouvrière à Hollande. 

Après les attentats de novembre dernier, le Front de gauche à voté l’état d’urgence que Mélenchon traite de « pleinement justifié dans les premières heures suivant le massacre de novembre, car il permettait des interventions rapides. ». 

En soutenant l’état d’urgence, Mélenchon légitime la mise en place d’un Etat policier permettant de donner à la police et aux services de renseignements des pouvoirs illimités, de perquisitionner et d’assigner à résidence arbitrairement n’importe qui sans l’aval d’un juge. L'état d’urgence a permis le déploiement en masse de l’armée et de la police, l’interdiction des manifestations et l’incarcération des salariés protestant contre leur licenciement. 

Le cynisme inouï de Mélenchon est un fidèle reflet de la profonde corruption de toute une couche des classes moyennes aisées, influencée par les ex-soixante-huitards et effrayée de la désillusion croissante des masses ouvrières face au PS. Craignant l'émergence d'un mouvement d'opposition qui déborderait le PS et eux-mêmes sur leur gauche, elle s'accommode très bien de la déclaration de Valls qu'il n'existe « pas d'alternative à gauche » du PS. 

Ainsi Mélenchon dit au JDD, « Hollande aura réussi à disqualifier jusqu'au mot de "gauche" lui-même. Aujourd'hui, les gens n'ont plus de repères politiques: pour eux, droite et gauche sont deux blocs faisant la même politique. Le clivage est davantage entre le peuple et la caste des puissants. En France, la misère est devenue muette, et personne ne parle en son nom. » 

En fait, la question principale est la construction d'une alternative à gauche du PS, car les partis qui se disent actuellement de « gauche » sont consciemment hostiles aux principes d'égalité qui fondent toute politique de gauche. 

Fin 2014, dans son livre intitulé L'ère du peuple, Mélenchon déclarait la fin du socialisme, de la classe ouvrière, et de la gauche pour ensuite défendre un populisme nationaliste. Comme le démontre l'évolution actuelle du PS, ce que ce type de politique réactionnaire a fini par accomplir en France, c'est de créer une atmosphère où le PS peut réhabiliter les mesures du régime de Vichy.

Loading