Des caissières et des dockers convoqués par la gendarmerie – un avertissement pour les travailleurs

La convocation de dockers et de caissières d'un Casino à la gendarmerie a provoqué une journée de grève sur le port de Marseille fin février. C'est un avertissement que l'Etat compte attaquer les travailleurs même lorsqu'ils font grève sur des revendications limitées sur les lieux de travail. 

Le gouvernement Hollande a profité des attentats de novembre à Paris qui firent plus de 120 morts pour instaurer l'état d'urgence. Ceci lui a permis d'interdire les rassemblements et de mener des perquisitions de masse. La mise en place de ces mesures antidémocratiques est orientée non pas contre la menace terroriste posée par des islamistes qui servent par ailleurs aux puissances de l'OTAN pour mener leur guerre contre Assad en Syrie, mais contre l'opposition de la classe ouvrière à la politique du gouvernement. 

Le mouvement débuta lorsque neuf salariés du supermarché Casino dans la ville de Port Saint Louis se sont mis en grève début novembre pour demander la prolongation de 3 CDD jusqu'à Noël, le remplacement d'un titulaire, et l'augmentation de leur temps de travail de 30 à 36 heures. La grève dura deux mois, ce qui est le plus long mouvement jamais connu par le groupe de grande distribution. 

Fait inédit, les neuf salariés ainsi que le délégué national de la CGT de Casino ont été auditionnés en février par les gendarmes de Port Saint Louis, après une plainte déposée par le directeur de Casino pour vol aggravé pendant la période de grève et d'occupation du magasin, mais aussi pour « entrave concertée et menace à la liberté du travail ». 

Cette plainte est une attaque directe et extraordinaire contre le droit de grève, facilitée par l'atmosphère hystérique que veut faire régner le PS sous l'état d'urgence. Quant à la plainte pour vol aggravé, fondé sur la disparition d'un paquet de M&M's, d'un paquet de chips, et d'un paquet de Kinder, ce n'est qu'une provocation contre les grévistes. 

Quelques jours après, trois agents portuaires dont deux dockers ont été auditionnés pendant deux heures pour des faits de « violences volontaires en réunion » qui auraient été commis au cours du conflit au Casino à l'encontre de la direction. 

La CGT des ports et docks de Marseille ont protesté contre la convocation des trois agents en appelant à une grève de 24 heures et à une manifestation devant le commissariat qui rassembla 2.000 adhérents du syndicat. Une délégation a pu pénétrer à l'intérieur de la gendarmerie et assister aux interrogatoires. 

Les bureaucrates de la CGT ont demandé l'annulation de la convocation pour des « faits ridicules et mensongers » et ont dénoncé la « discrimination syndicales et les attaques contre la CGT ». 

La CGT et la bureaucratie syndicale ne lutteront ni contre l'état d'urgence ni contre la criminalisation de l'opposition des travailleurs au patronat et au gouvernement. La défense des caissières et des agents portuaires nécessite une mobilisation plus large des travailleurs, pas seulement contre Casino et la convocation à la gendarmerie, mais contre l'état d'urgence et la politique réactionnaire du gouvernement PS. 

En 2010, la CGT avait laissé le gouvernement Sarkozy envoyer les CRS pour débloquer les raffineries et menacer de peines de prison les travailleurs réquisitionnés pour redémarrer les raffineries. Alors qu'il fallait appeler à un mouvement de défense de ces travailleurs réprimés par l'Etat, la CGT et les partis politiques soit disant de gauche avaient fait en sorte que cela soit le point de départ de l'étouffement du mouvement contre la réforme des retraites. 

La CGT a soutenu l'imposition de l'état d'urgence par le gouvernement Hollande. Méprisant les droits démocratiques, le Front de Gauche, proche de la CGT, s'est rangé derrière le gouvernement en votant l'état d'urgence à l'Assemblée nationale, sans opposition de la CGT. 

La convocation des délégués CGT ne signale pas une tentative d'écraser l'appareil cégétiste, qui joue depuis des lustres un rôle essentiel dans la mise en place des politiques d'austérité du gouvernement et les licenciements dans les entreprises. Sur le port de Marseille, la CGT divise en permanence les différentes catégorie de travailleurs entre elles et fait peser des menaces sur des travailleurs jugés trop militants. 

Toutefois, face à une profonde crise économique mondiale et à une montée de la colère sociale parmi les travailleurs, l'Etat sent qu'il doit discipliner plus fermement même des appareils qui sont depuis longtemps à sa botte. Il compte démontrer que toute lutte sera sévèrement punie. Il veut ainsi essayer d'intimider les travailleurs, et décourager tout délégué syndical tenté par l'idée de lâcher de la vapeur sur son lieu de travail en lançant une opération revendicative jugée intempestive par la direction. 

Les caissières et les agents portuaires n'en n'ont pas fini avec la justice. A en juger par les cas d'autres travailleurs visés par la justice sous l'état d'urgence, tels que les salariés de Goodyear et d'Air France, il faut supposer que les syndicats ne feront rien pour assurer la large mobilisation nécessaire à leur défense.

 

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