Avec la baisse des exportations chinoises

Le FMI émet un nouvel avertissement sur l’économie mondiale

Le Fonds monétaire international a mis en garde cette semaine contre un nouvel affaiblissement de l’économie mondiale après la publication des chiffres montrant une baisse significative du commerce chinois et mondial. 

Dans un important discours à l’Association nationale pour l’économie d’entreprise à Washington mardi, le premier directeur général adjoint du FMI, David Lipton, a déclaré qu’il était « très déconcertant » que le développement de « l’aversion au risque » conduise à un « fort repli des flux de capitaux et du commerce mondial. » 

Il a noté que les marchés émergents ont connu une sortie de capitaux de 200 milliards de dollars l’an dernier par rapport à une entrée nette de 125 milliards de dollars en 2014. « Les flux commerciaux en même temps sont traînés vers le bas par la faiblesse de la croissance des exportations et des importations dans les grands marchés émergents comme la Chine, ainsi que la Russie et le Brésil, qui ont été soumis à un stress considérable », a-t-il dit. 

Lipton a fait ses remarques à la suite de la publication de données montrant que les exportations chinoises ont connu leur plus forte contraction depuis 2009. C’est un autre signe que l’économie mondiale, loin d’être sur la route de la « reprise », soit devant une baisse continue de la demande. 

En février, les exportations chinoises ont baissé de 25,4 pour cent en dollars par rapport à février 2015, après une chute de 11,2 pour cent en janvier, alors que les importations ont diminué de 13,8 pour cent, après une baisse de 18,8 pour cent en janvier. Bien que les chiffres aient été quelque peu déformés en raison de problèmes liés à la fête du Nouvel An lunaire, les chiffres de janvier et février démontrent une baisse marquée par rapport à l’année précédente, et personne n’attend que les données de mars aillent montrer une amélioration. 

Les résultats chinois sont les dernières d’une série de rapports montrant une baisse du commerce mondial, en particulier au cours des deux dernières années, en raison de l’intensification de tendances à la récession. Dans les années précédant la crise financière, le commerce mondial a augmenté à un taux qui était le double environ du taux de croissance pour l’économie mondiale elle-même. Depuis 2011, le taux a été en ligne avec ce chiffre, ou même en dessous. 

L’an dernier, la valeur du commerce mondial a chuté de 13,8 pour cent en dollars, la première contraction depuis 2009. Les chiffres publiés la semaine dernière aux États-Unis, la plus grande économie du monde, montrent la même tendance que la deuxième plus grande économie, la Chine. Les exportations américaines ont chuté de 2,1 pour cent, tandis que les importations ont diminué de 1,3 pour cent. La valeur des exportations de marchandises des États-Unis était la plus basse depuis février 2011. 

Lipton a conclu son discours en répétant le mantra officiel que « la reprise économique mondiale se poursuit. » Cependant, tout ce qui a précédé a montré que le contraire était le cas. 

« La dernière lecture de l’économie mondiale du FMI montre une fois encore une ligne de base qui s’affaiblit », a-t-il dit. « En outre, les risques ont encore augmenté, avec des marchés financiers volatils et de bas prix des marchandises créant de nouvelles inquiétudes sur la santé de l’économie mondiale. »

Ces préoccupations ont été nourries par « la perception que dans de nombreux pays les décideurs sont à court de munitions ou ont perdu la volonté de les déployer. » Répétant l’appel lancé par le FMI avant la récente réunion du G20 à Shanghai, il a dit que c’était : « impératif que les pays avancés et ceux en développement dissipent cette notion dangereuse en faisant revivre l’esprit audacieux d’action et de coopération qui a caractérisé les premières années de l’effort de redressement. » 

Il a affirmé que la réunion du G20 avait reconnu que l’économie mondiale est restée trop faible, mais elle avait fourni « une certaine assurance que les pays sont prêts à agir si nécessaire. » En fait, telles sont les divisions au sein du G20 que les propositions de coopération n’ont même pas été incluses à l’ordre du jour de la réunion. Comme un certain nombre de reportages l’ont noté, la réunion a été caractérisée par les efforts de chaque pays de blâmer tous les autres pour la détérioration de la situation. 

Lipton a souligné à la fois ce qu’il a appelé « des héritages non résolus » et « l’émergence de nouveaux risques. » Dans de nombreuses régions d’Europe, la dette gouvernementale et privée, ainsi que les prêts non performants des banques, sont demeurés élevés. Aux États-Unis, les besoins d’infrastructures non remplis « réduisent les perspectives économiques », tandis qu’au Japon, « la déflation met la reprise en péril. » 

En plus de ces « héritages », de nouveaux risques se sont développés : « Le ralentissement économique mondial fait du mal aux bilans bancaires et les conditions de financement se sont considérablement durcies », a-t-il averti. « Dans les marchés émergents, la capacité excédentaire est en train d’être défaite par une forte baisse des dépenses en immobilisations, alors que la croissance de la dette privée, souvent libellée en monnaie étrangère, augmente les risques pour les bilans des banques et des pays souverains [gouvernements]. » 

Lipton a souligné que la baisse des indices boursiers pour cette année impliquait une perte de capitalisation boursière de plus de 6000 milliards de dollars, ce qui équivaut à environ la moitié du total des pertes subies dans la phase la plus aiguë de la crise financière de 2008. Alors que le déclin à l’échelle mondiale était de 6 pour cent, certains marchés ont subi des pertes de 20 pour cent. 

Il a prévenu que la faible demande mondiale prolongée associée à la turbulence financière a créé le risque de « boucles de rétroaction négative » entre l’économie réelle et les marchés financiers, générant la déflation et la « stagnation permanent », une situation où le niveau de l’épargne dépasse en permanence la demande de fonds d’investissement. 

En d’autres termes, la faible demande mondiale, dans une large mesure le résultat de la faiblesse des investissements, conduit à la volatilité financière, qui à son tour conduit à la réduction des investissements, abaissant encore la demande. 

Lipton a dit que les exportateurs de matières premières ont dû reconnaître que les prix des marchandises « pourraient bien rester inférieurs en permanence. » Cette évaluation a également été faite par Goldman Sachs, l’une des plus grandes banques opérant sur les marchés des matières premières. Dans une série de rapports publiés cette semaine, elle dit que la récente flambée des prix était susceptible d’être temporaire, et le déclin sur 20 mois avait encore à durer avant que l’approvisionnement se réduise et que les marchés se rééquilibrent. 

Lipton a répété la déclaration désormais obligatoire des grandes institutions économiques du monde selon laquelle les leçons de l’histoire devaient être apprises et les politiques égoïstes, dans lesquels un pays tente d’améliorer sa position au détriment des autres, devaient être évitées parce que, à long terme, elles rendent tous les pays plus pauvres. 

L’un des principaux mécanismes de ces « jeux à somme nulle » est la dévaluation compétitive de la monnaie. Mais, ces mesures sont intensifiées et non diminuées. Alors que toutes les banques centrales insistent pour dire que leurs programmes d’assouplissement quantitatif et de taux d’intérêt négatifs, à travers lesquels elles injectent l’argent dans le système financier, ne sont pas destinés à abaisser la valeur de leur monnaie, c’est bien là leur effet. 

Suite à la décision de la Banque du Japon de présenter des taux d’intérêt négatifs à la fin de janvier, une nouvelle étape dans cette direction est attendue aujourd’hui lorsque le conseil d’administration de la Banque centrale européenne (BCE) se réunira. Beaucoup prévoient que la BCE va étendre son programme d’assouplissement quantitatif et faire passer les taux d’intérêt en territoire négatif, ce qui exacerbe les tensions sur les marchés financiers. 

(Article paru d’abord en anglais le 10 mars 2016)

 

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