Perspectives

Le virus Zika, l’inégalité sociale et le capitalisme

L’Agence américaine de veille sanitaire (CDC) a annoncé mercredi qu'elle avait déterminé des preuves suffisantes établissant que le virus Zika, qui s’est répandu comme une traînée de poudre à travers les Amériques, provoque la microcéphalie, une malformation congénitale dévastatrice donnant aux nourrissons des têtes plus petites que la normale, du à un développement anormal du cerveau.

Les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine, suivent de près un avertissement de responsables américains de la santé que le danger posé par le virus aux États-Unis était beaucoup plus important que prévu initialement.

« Tout ce que nous observons dans ce virus semble être un peu plus effrayant que nous ne le pensions à l’origine », a déclaré le directeur adjoint de la CDC, le Dr Anne Schuchat. Elle a expliqué que Aedes aegypti, l’espèce des moustiques transportant le virus, et d' autres maladies comme la dengue, le chikungunya et le virus du Nil occidental, était présent dans 30 Etats américains, au lieu de 12 comme on l’avait cru d’abord.

Sur le territoire semi-colonial américain de Porto Rico, a-t-elle ajouté, le nombre d'infections par le virus Zika pouvait atteindre des centaines de milliers parmi eux des centaines de bébés.

Sur le continent américain même, il y aurait eu, jusqu’à la semaine dernière, 700 personnes infectées par le virus dont 69 femmes enceintes.

Le virus Zika est une menace mondiale pour la santé publique. Cette semaine, le Brésil, l'épicentre de l'épidémie de Zika, a déclaré qu'il avait confirmé 1.113 cas de microcéphalie, la plupart d'entre eux estimés provenir d’une contraction du virus par les mères pendant la grossesse. De nombreux pays d'Amérique latine ont à faire à des crises d'une ampleur similaire. L'Organisation mondiale de la santé a prédit 3 à 4 millions de nouvelles infections dans tout l'hémisphère.

Le virus a également été associé à des troubles neurologiques graves chez l'adulte.

Dans ces conditions, le Congrès des États-Unis a rejeté une demande d'un peu moins de 2 milliards de dollars pour faire face à la crise du virus Zika. Sans nouveau financement, le gouvernement Obama a siphonné 589 millions de dollars des fonds précédemment alloués à la lutte contre l'épidémie d'Ebola de 2014 qui a ravagé l'Afrique de l'Ouest, tuant plus de 11.000 personnes.

Ce même Congrès a approuvé sans problème des centaines de milliards de dépenses militaires. Les 2 milliards de dollars proposés pour Zika équivalent au montant dépensé pour l' achat d' un sous-marin nucléaire de classe Virginia ou deux bombardiers furtifs. Mais il n’y a prétendument plus d'argent pour protéger les mères, les nourrissons et d’autres personnes des conséquences tragiques du virus Zika.

Cette indifférence criminelle du Congrès américain à la propagation du virus Zika est une condamnation non seulement de son leadership républicain, mais d'un système social qui subordonne les besoins vitaux de l'humanité aux profits et à l'accumulation de richesses par une petite oligarchie.

L'échec de la réponse du gouvernement américain à cette crise de santé publique a une profonde base de classe. Le virus Zika est avant tout une maladie qui a ses racines dans la pauvreté et l'inégalité sociale.

L'épicentre de l'épidémie de Zika est le nord-est du Brésil, la région la plus pauvre du pays, où 35 millions de personnes n’ont pas d’eau courante et plus de 100 millions pas d’accès au tout à l’égout. Des millions d'autres vivent dans des favelas pauvres, des quartiers peuplés de taudis où il n'y a pas de ramassage d’ordures. Tous ces facteurs sont idéaux pour la reproduction du moustique transmetteur de ce virus et d'autres maladies mortelles. Les conditions n’ont fait qu’empirer à mesure que l'économie du Brésil tombait dans sa pire crise depuis la Grande Dépression des années 1930.

Les prévisions complaisantes que la propagation du virus ne représenterait pas une menace similaire pour la population des États-Unis ignorent délibérément le fait que de larges sections de la population américaine vivent également dans la pauvreté, sans logement adéquat, sans services sociaux ou de santé.

C’est certainement le cas à Porto Rico, où la moitié de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. C’est encore le cas dans une grande partie du sud, où le danger est le plus grand, y compris dans des villes comme Miami, Orlando, New Orleans et Houston.

« Cela pourrait être une catastrophe rivalisant avec celle de l'ouragan Katrina ou d'autres calamités récentes qui affectent les pauvres de manière disproportionnée, » a écrit Peter Hotez, chef du Baylor College, l’École nationale de médecine tropicale, dans une chronique publiée dans le New York Times la semaine dernière.

La comparaison est pertinente. Ce que Katrina a révélé était non seulement l'incompétence et l' indifférence du gouvernement face à une catastrophe largement prédite, mais aussi les terribles conséquences de décennies de détérioration et de négligence des infrastructures sociales et l'éviscération des programmes sociaux qui profitaient à la grande masse des gens, afin d'enrichir d’avantage l’oligarchie de la grande entreprise et de la finance.

Les mêmes attaques ont été menées contre le système de soins médicaux publics par le biais de décennies de compressions budgétaires. Ce processus a abouti à Obamacare, qui fait partie d'une stratégie calculée pour réorganiser les soins de santé selon les critères de classe, tout en facilitant l’extraction du profit par les grandes sociétés pharmaceutiques, les compagnies d’assurance et les chaînes de cliniques privées.

Fait révélateur, parmi les quelques initiatives annoncées par le gouvernement Obama et le Congrès à ce jour par rapport à Zika, il y a un programme incitatif pour les entreprises pharmaceutiques, leur offrant un examen de réglementation accéléré afin d'obtenir la mise sur le marché de leur nouveaux médicaments les plus lucratifs en échange d’étudier les maladies infectieuses « non rentables » comme Zika. Bien que les responsables de la santé publique aient appelé à un partage de toutes les données concernant ces développements, les grandes compagnies pharmaceutiques des États-Unis n’ont donné aucune indication qu'elles s’y conformeraient.

Tout comme l'épidémie d'Ebola fut suivie de celle de Zika, de nombreuses épidémies plus dévastatrices sont inévitables, et, compte tenu des voyages mondiaux, elles se répandront dans le monde entier. Elles ne peuvent être efficacement combattues que par un effort coordonné au niveau international, appuyé par les ressources nécessaires non seulement pour développer rapidement et produire des vaccins universellement disponibles contre ces fléaux modernes, mais pour éradiquer les conditions de pauvreté et d'oppression leur permettant de se propager.

Faisant obstacle à un tel effort nécessaire, il y a un système capitaliste en faillite, qui subordonne toutes les préoccupations sociales, y compris les soins de santé, aux bénéfices des entreprises et aux rivalités entre capitalistes de différents États-nations.

L'affirmation que les ressources ne sont pas disponibles est un mensonge. Les montagnes de richesse thésaurisée par les 20 Américains les plus riches, qui ont plus que les 50 pour cent les plus pauvres de la population des États-Unis suffiraient à payer bien des fois ces changements vitaux nécessaires.

Faire face à des crises comme les épidémies d'Ebola et de Zika est, fondamentalement, une question politique. Elle exige une lutte de la classe ouvrière internationale pour réorganiser la société sur des bases socialistes et répondre aux besoins sociaux et non au profit privé.

(Article paru en anglais le 15 avril 2016)

 

 

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