Le PS tente de briser violemment les grèves contre la loi travail

Face à l'extension de la grève des raffineries et des routiers contre la loi travail, le Parti socialiste (PS) mobilise les forces de l'ordre pour débloquer violemment des raffineries occupées par les travailleurs et pour tenter de casser l'opposition à la loi. 

Depuis le début de la semaine, toutes les raffineries de France se sont mises en grève et les routiers ont rejoint les travailleurs pour bloquer les raffineries et stopper les livraisons de pétrole aux stations service. En même temps, une mobilisation plus large des travailleurs contre l'austérité et la loi travail se développe. Des travailleurs portuaires et des cheminots sont déjà en grève, ainsi que certains travailleurs de l'automobile, et les syndicats ont déposé des préavis de grève du 3 au 5 juin pour l'aviation civile, ainsi que pour une grève illimitée des transports parisiens à partir du 2 juin. 

Hier, au petit matin, les forces de l'ordre ont attaqué environ 200 militants de la CGT (Confédération générale du travail) stalinienne qui bloquaient le site pétrolier de Fos-sur-Mer, près de Marseille. « Les gardes mobiles sont arrivés vers 4 h 30 et ont fait usage de canon à eau et de gaz lacrymogène », a déclaré Olivier Mateu, secrétaire départemental de la CGT.

Les charges des gardes mobiles ont fait plusieurs blessés parmi les grévistes, selon la centrale syndicale, qui dénonçait « quasiment des scènes de guerre avec des tirs au flash ball pour lever ce barrage ». 

« Il y a eu une charge d’une violence inouïe », a dit Emmanuel Lépine, secrétaire fédéral de la branche pétrole de la CGT; la préfecture de police a évoqué une « résistance importante » des grévistes face à la répression, qui aurait fait sept blessés légers parmi les gardes mobiles. 

Après l'affrontement entre les grévistes et les forces de l'ordre, vers 6h, les camions citerne sont rentrés sur les sites d'approvisionnement sous escorte policière. Le site, près du principal port pétrolier de France, joue un rôle critique non seulement en France mais aussi dans le reste de l'Europe : il approvisionne également des oléoducs qui alimentent les raffineries de Cressier en Suisse et de Karlsruhe en Allemagne. 

Malgré la répression brutale des manifestations, la mobilisation des travailleurs a largement fragilisé et déstabilisé Hollande et le PS. Hier, selon le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, 20 pour cent des 12.000 stations service de France étaient « soit en pénurie complète, soit en pénurie d'un ou deux produits ».  

Le PS, foulant aux pieds le droit de grève inscrit dans la constitution française, multiplie les déclarations belliqueuses menaçant d'écraser les blocages et les manifestations à travers la France. Le premier ministre Manuel Valls avait déclaré lundi, « Nous maîtrisons pleinement la situation. Je pense qu'un certain nombre de raffineries et de dépôts qui étaient bloqués sont débloqués ou vont l'être dans les heures et dans les jours qui suivent ».  

Hier, en visite officielle à Jérusalem, Valls a tenté de se poser en défenseur des automobilistes menacés par les pénuries de pétrole: « Il est hors de question que les Français se retrouvent dans cette situation de pénurie, de blocage ». Il a insisté pour dire que le PS imposerait la loi malgré son rejet écrasant par la population: « Il n'y aura pas de retrait du texte. Sinon, dans ce pays, on ne peut plus réformer ».  

Alors que le ministre de l'Economie Michel Sapin dénonçait des actions « illégitimes » de la part des grévistes, Valls a dénoncé hypocritement les luttes ouvrières comme étant « non démocratiques ».  

Ce n'est pas la classe ouvrière mais le PS qui menace la démocratie et les acquis sociaux. Les trois quarts de la population française sont hostiles à la loi, qui augmente le temps de travail et la précarisation, attaque les heures sup, et permet aux syndicats de négocier des contrats qui violent les dispositions du Code du travail. Néanmoins, face à des manifestations de masse, le PS a imposé sa loi de façon antidémocratique, sans vote à l'Assemblée, en ayant recours à l'article 49-3 de la constitution. 

A présent, le PS indique qu'il veut écraser toute contestation par la force. Le PS agit là de concert avec une offensive de toute la classe dirigeante européenne qui mène une offensive sans relâche pour l'austérité, menée contre les travailleurs par l'Union européenne. La loi travail est d'ailleurs largement l'application en France des dispositions de la loi Hartz imposée il y a dix ans aux travailleurs allemands par le SPD (Parti social-démocrate allemand) malgré un mouvement d'opposition des travailleurs et des jeunes à l'époque.

A présent, un mouvement international contre l'austérité et la dictature des banques se profile dans toute l'Europe, notamment avec l'entrée en lutte des travailleurs grecs contre les mesures d'austérité du gouvernement Syriza (la « Coalition de la gauche radicale ») d'Alexis Tsipras. Cette lutte doit être menée en tant que lutte politique internationale contre la politique régressive et illégitime menée par le gouvernement PS et l'UE.

En France, le blocage des ports, des raffineries, et des transports crée déjà des situations de crise pour de larges pans de l'économie. Au Havre, deuxième port de France après Marseille, qui a une importance stratégique entre autres à cause de son rôle dans l'approvisionnement du bassin de la Seine et de la région parisienne, les grèves ont forcé l'arrêt de nombreuses entreprises de logistique ainsi que de l'usine Renault à Sandouville. 

Les milieux industriels et politiques redoutent une mobilisation plus large des travailleurs en lutte contre le gouvernement PS. Olivier Jean Baptiste, le directeur de XP Log, une plateforme logistique du Havre, a dit à L'Express: « Nous avons travaillé 24 heures sur 24 tout le week-end pour essayer de rattraper le retard. Nous avons repris le travail vendredi soir dès la levée des blocages. Depuis, on navigue à vue. ... Si ça coupe de nouveau, ça va être une catastrophe ». 

« En gros, c'est la panique générale », a commenté un patron de la zone industrielle du Havre.  

Des politiciens de droite laissent même entendre que le PS pourrait se voir contraint d'abandonner la loi travail, du moins temporairement, face à la montée de la colère des travailleurs. « Le gouvernement a provoqué l'accélération de son isolement. Ils vont être contraints à retirer le texte », a pronostiqué Philippe Vigier, chef de file des députés Union des Démocrates et Indépendants (UDI) à l'Assemblée Nationale. 

Christian Jacob des Républicains (LR) s'est moqué des déclarations de l'exécutif selon lesquelles il n'y aurait aucun retrait de la loi travail : « C'est ce qu'on dit jusqu'au jour où on lâche ». 

« On en sait quelque chose », a-t-il ajouté, évoquant la suspension de la promulgation du Contrat premier embauche (CPE) par le président Jacques Chirac, de droite, face à des manifestations de masse des jeunes et des travailleurs en 2006.

Une lutte réelle contre la loi travail ne peut être engagée que si elle est menée indépendamment des organisations syndicales et de leurs alliés politiques, tels que le Front de gauche et le Nouveau parti anticapitaliste, qui sont des satellites de longue date du PS et ont appelé à voter Hollande. Le tournant prétendument « radical » et contestataire de la CGT, ce syndicat lié depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale au stalinisme français, est un piège pour les travailleurs qui cherchent à lutter contre le PS. 

Philippe Martinez, chef de la CGT, essaie d'accompagner la radicalisation des travailleurs, en partie pour en tirer profit vis-à-vis de ses concurrents syndicaux, mais surtout pour empêcher de se voir déborder par les travailleurs et garder la lutte dans un cadre national. Hier, Le Monde décrivait ainsi sa stratégie : « Sans appeler à la grève générale, il prône des grèves reconductibles ... Toujours en crise, affaiblie dans ses bastions, menacée d'être détrônée de sa première place syndicale par la CFDT en 2017, la CGT joue gros ». 

Financés à 95 pour cent par le patronat et l'Etat, et liés politiquement au PS, les appareils syndicaux ne sont plus des organisations ouvrières mais des coquilles vides liées à la classe dirigeante. Ils seront incapables et même hostiles à une lutte politique résolue contre le PS et l'UE.

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