Après l’imposition par Syriza de milliards en nouvelles coupes

L’UE prépare des décennies d’austérité pour la Grèce

Après le vote unanime dimanche des parlementaires de Syriza (Coalition de la Gauche radicale) pour l’imposition d’une nouvelle tranche de 7,2 milliards d’euros de coupes dans les retraites et d’augmentation d’impôts, les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis avant-hier à Bruxelles pour discuter d’une restructuration de la dette grecque.

La réunion eut lieu après une grève de trois jours en Grèce suivie par de vastes sections de la classe ouvrière contre les mesures d’austérité imposées par Syriza et l’Union européenne (UE). La colère ne cesse de grandir contre Syriza qui a maintes fois trahi ses promesses électorales de mettre fin à l’austérité de l’UE. Suite aux récentes coupes qui renforcent tant la TVA que l’impôt sur le revenu pour les travailleurs à bas salaire et les petites entreprises, la retraite minimum d’Etat passera de 450 euros au montant plus dérisoire encore de 392 euros par mois.

De premières informations sur les plans discutés à Bruxelles montrent que Syriza tente de négocier avec l’UE un cadre pour imposer à la Grèce des décennies d’une austérité draconienne. En échange d’un report des échéances de la dette grecque et d’un plafonnement des taux d’intérêt et des remboursements annuels, l’Euro groupe exige que Syriza accepte un « plan de mesures contingentes » pour imposer automatiquement davantage d’austérité au cas où un problème quelconque l’empêcherait de rembourser sa dette à la date fixée. De plus, l’Euro groupe ne mettra définitivement en place le processus de restructuration de la dette qu’à la fin de l’actuel programme de renflouement, en 2018.

Ces mesures d’austérité sont censées continuer pendant des décennies. Leur objectif est de ramener d’ici à 2060 la dette grecque de 170 à 74 pour cent du PIB (produit intérieur brut).

Les responsables de l’UE ont clairement indiqué qu’aucun accord final ne serait conclu lundi sur une restructuration de l’insoutenable dette grecque. « Aujourd’hui, c’est une première discussion générale sur la soutenabilité de la dette ou sur son allègement, » a dit le ministre néerlandais des Finances et le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, à son arrivée à la réunion.

Toutefois, les responsables de l’UE ont signalé que Syriza était en grande partie d’accord avec les « mesures contingentes » qui prescrivent de nouvelles mesures d’austérité visant à garantir que la Grèce assure le service de sa dette. Le commissaire européen chargé des Affaires économiques, Pierre Moscovici, a dit qu’un accord devait tenir compte de trois choses, « les réformes, nous y sommes; le mécanisme de contingence, nous y sommes presque; et la question de la dette, nous commençons la discussion. »

Syriza aurait également abandonné ses objections quant à l’exigence de l’UE qu’il dégage un excédent budgétaire massif équivalant à 3,5 pour cent du BIP grec pour assurer le service de sa dette. Bien que cette mesure soit tellement dure que même le FMI (Fonds monétaire international) a objecté qu’elle était irréaliste, Syriza a l’intention de s’y tenir.

Les responsables de Syriza ont essayé de présenter cet accord comme une victoire pour la Grèce. « Nous avons devant nous une occasion importante pour que le pays brise le cercle vicieux et entre dans un cercle vertueux, » a dit le premier ministre grec Alexis Tsipras. Le ministre grec des Finances Euclid Tsakalotos a précisé, « C’était un très bon Eurogroupe pour la Grèce, et je crois un très bon Eurogroupe pour l’Europe. »

En fait, sous couvert de restructuration de la dette grecque, Syriza est en train de préparer l’imposition d’une austérité drastique de longue durée pour appauvrir davantage encore la classe ouvrière.

Le journal économique La Tribune a écrit: « Le cercle vicieux des objectifs inatteignables et de l'austérité sans fin n'est donc pas brisé, mais renforcé par les ‘mesures contingentes.’ Derrière les cris de victoire d'Alexis Tsipras, il ne faudra pas oublier ce fait inquiétant... Il n'est pas certain que le troc d'une restructuration de la dette contre une austérité et une surveillance renforcée est une bonne affaire et la victoire du gouvernement grec pourrait donc n'être qu'une victoire à la Pyrrhus. »

L’étroite collaboration entre l’UE et Syriza pour imposer davantage d’austérité à la classe ouvrière a confirmé une fois de plus les avertissements lancés par le World Socialist Web Site au sujet de Syriza avant même qu’il n’arrive au pouvoir après les élections de janvier 2015. Il devient évident à un nombre de plus en plus grand de travailleurs, en Grèce et au plan international, que Syriza est un parti bourgeois réactionnaire, l’instrument d’une élite dirigeante résolue à défendre l’UE et le capitalisme grec. Les travailleurs ne peuvent défendre leurs droits sociaux fondamentaux que dans une lutte révolutionnaire contre Syriza et tous ses défenseurs et alliés politiques.

Un récent article du quotidien économique allemand Handelsblatt souligne que le renflouement de la Grèce par l’UE ne fut jamais un programme pour aider les masses laborieuses grecques qui ont perdu beaucoup plus du fait des mesures d’austérité qu’elles n’y ont gagné et que c’était plutôt une subvention aux grandes banques européennes, volée aux contribuables européens. Les centaines de milliards dépensés depuis 2009 ont servi en très grande partie à rembourser la dette souveraine grecque détenue par des banques européennes – principalement françaises et allemandes.

Selon Handelsblatt, sur les 215,9 milliards d’euros dépensés par les institutions européennes au renflouement grec, seuls 9,7 milliards d’euros (moins de 5 pour cent) sont allés dans les caisses du gouvernement grec. Sur le reste, 86,9 milliards d’euros sont allés au service de la dette, 52,3 milliards d’euros ont été consacrés au paiement d’intérêts et 37,3 milliards d’euros ont servi à recapitaliser les banques grecques.

« Les plans d’aide ont en premier lieu servi à sauver les banques européennes, » a dit au Handelsblatt, Jörg Rocholl, le président de l’Ecole européenne de management et technologie (ESMT). « Les contribuables européens ont renfloué les investisseurs privés, » a-t-il ajouté.

Le vote à l’unanimité de Syriza pour imposer, dans le cadre de ce mécanisme de renflouement, davantage d’austérité aux travailleurs grecs témoigne du rôle absolument réactionnaire de son type de politique pseudo de gauche.

Lors d’une réunion du groupe parlementaire de Syriza vendredi, Tsipras s’est prononcé sans vergogne en faveur des mesures d’austérité qu’il prétendait rejeter en arrivant au pouvoir et affirma cyniquement que c’était le seul moyen pour Syriza de s’acquitter de sa tâche d’empêcher que ne s’effondre le système de protection sociale de la Grèce. Qualifiant les coupes de « changements progressistes, » il a dit, « notre but n’est pas simplement de passer notre examen auprès des prêteurs – cela pourrait facilement se faire comme auparavant mais de respecter pleinement nos propres obligations. »

Le soi-disant « Groupe des 53 » au sein de Syriza, dont fait partie Tsakalotos, a proposé que le gouvernement Syriza démissionne dans une manœuvre trompeuse pour rejeter le blâme de ses mesures d’austérité sur le prochain gouvernement. Ils sont conscients que l’un des principaux dangers confronté par Syriza est d’être exposé à la colère sociale explosive de la classe ouvrière. Dans une déclaration publiée par le « Groupe des 53 », celui-ci propose que Syriza « tombe héroïquement en affrontant la troïka interne ou externe plutôt que de manière piteuse aux mains de la société [grecque] même. »

(Article paru en anglais le 10 mai 2016)

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