Un homme lié à Daesh assassine un commandant de police et sa femme près de Paris

Dans un crime terrible et horrifiant, un homme apparemment lié à l'Etat islamique (EI) a assassiné un commandant de police puis sa femme, secrétaire administrative de la police, à Magnanville, une ville située à 60 km au nord-ouest de Paris. 

L'agresseur a mortellement poignardé Jean-Baptiste Salvaing, identifié dans les articles de presse comme un fonctionnaire de police judiciaire de 42 ans des Mureaux, devant sa maison lundi soir. Il a ensuite pris en otage sa femme, Jessica Schneider, 36 ans, et leur fils de trois ans à leur domicile, commençant un face-à-face armé avec des policiers du RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion). 

L'agresseur a alors affiché sur Facebook des photos de ses victimes et un appel au meurtre de policiers, de gardiens de prison, de journalistes et de rappeurs. Il a également appelé à des attaques terroristes contre l'Euro de football de 2016, déclarant: « Nous allons faire de l’Euro un cimetière. »  

Lors d'une conférence de presse mardi, le procureur de Paris François Molins a dit: « Au cours de ces négociations avec le Raid, le tueur a indiqué être musulman pratiquant, faire le ramadan et il a précisé qu'il avait prêté allégeance trois semaines plus tôt au commandeur des croyants de l'Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi. Il a ajouté avoir répondu à un communiqué de cet émir qui demandait, je cite, de ‘tuer des mécréants, chez eux avec leur famille’».  

Les forces du RAID ont pris la maison d’assaut lundi à minuit, tuant l'assaillant. Elles ont découvert le corps sans vie de Schneider et le jeune enfant du couple vivant. Schneider avait été égorgée devant l'enfant. Les autorités ont décrit celui-ci comme « indemne mais choqué ». Le jeune orphelin reçoit un traitement psychiatrique. 

Mardi matin, les services français de renseignement et de police ont identifié l'agresseur tué comme Larossi Abballa. Comme dans les attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre dernier à Paris, et ceux du 22 mars à Bruxelles, l’auteur de l’attaque était bien connu des services de renseignement. Il a réussi, on ne sait comment, à développer des liens avec l'EI et planifier son attentat sans être inquiété, bien qu’il se trouvât sous intense surveillance policière. 

L'homme de vingt-cinq ans avait un casier judiciaire étoffé de petit délinquant, il avait été arrêté en 2011 et condamné en 2013 pour participation à un réseau terroriste islamiste. Il avait reçu une peine de prison de trois ans, avec un sursis pour les six derniers mois, pour ses liens avec des « associations de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes ». Il a été apparemment impliqué dans une filière islamiste entre le Pakistan et la France et condamné avec sept autres accusés. 

Les agences de renseignement intérieures ont ouvert un fichier «S» pour Abballa, son téléphone était sur écoute, et il était suivi par la police judiciaire en raison de ses liens avec un homme qui était allé combattre en Syrie. Mais, selon les responsables du renseignement qui ont parlé au journal Le Parisien, Abballa « ne semblait pas présenter de menace concrète et suffisante » pour justifier d’autres actions contre lui.

L’Etat islamique (IE) aurait revendiqué la responsabilité du meurtre mardi, identifiant Abballa comme combattant de l’EI. Le groupe de renseignement SITE basé aux Etats-Unis a publié la traduction d'un article trouvé affiché sur le site web de l'agence de presse de l’EI, Amaq, déclarant: « Un combattant de l’Etat islamique tue un chef adjoint du poste de police dans la ville des Mureaux et sa femme à l’arme blanche ».

Mardi matin à 7 heures, alors qu’il entrait dans une réunion de crise à l'Elysée, le président François Hollande a promis que « toute la lumière ser[ait] faite » sur « cet événement abominable ».

Le député Gilbert Collard, proche du Front national néo-fasciste et de sa dirigeante Marine Le Pen, a dénoncé le gouvernement PS pour avoir permis le déroulement de l’attaque, écrivant sur ​​Twitter « le terrorisme islamique est maintenant dans nos maisons : gouvernement de lâches incapables!»

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a réagi peu après en dénonçant l'assassinat comme un « acte terroriste abject » à sa sortie de la réunion avec Hollande. « La mobilisation du gouvernement est totale », a-t-il insisté, indiquant qu'il allait se rendre « immédiatement auprès des policiers, collègues, des deux policiers qui ont trouvé la mort ».

Le meurtre horrible des deux policiers n’a fait qu’intensifier l'ambiance réactionnaire et droitière qui règne dans les milieux officiels français. Le premier ministre Manuel Valls a demandé « l'unité nationale » derrière la police, engagée actuellement dans une répression acharnée des masses de travailleurs qui luttent contre la loi travail impopulaire et socialement régressive du gouvernement.

Plusieurs membres du parti de droite de l’ex-président Nicolas Sarkozy Les républicains (LR) ont appelé à emprisonner toute personne fichée « S » par les services de renseignement. Cela impliquerait la transformation de la France en état ​​policier, puisque les services de renseignement peuvent établir les fiches « S » à volonté; cela leur permettrait effectivement d'emprisonner arbitrairement toute personne simplement en établissant une fiche "S" contre elle.

L'enquête ne fait que commencer et les faits les plus importants concernant les circonstances dans lesquelles l'attaque a été préparée puis s’est déroulée, apparaîtront sans aucun doute. Mais les indices déjà disponibles indiquent clairement que ce crime est étroitement lié à la guerre de changement de régime par procuration menée en Syrie par les puissances de l'OTAN et dont est issu l’EI.

Comme dans les attaques terroristes précédentes en France et en Belgique, un facteur majeur dans la capacité de l'agresseur à préparer l'attaque sous le nez de la police aura sans doute été le soutien tacite que les réseaux islamistes recrutant des combattants pour la guerre en Syrie reçoivent des services de renseignement européens.

L'exemple le plus frappant de cela a été l'attentat de Bruxelles au printemps, où le renseignement belge avait reçu des avertissements détaillés sur l'identité des assaillants et leurs cibles. Mais les auteurs de l’attentat ne furent pas arrêtés, et la sécurité des lieux ciblés n'a pas été renforcée dans la période précédant le 22 mars – une décision dont les conséquences se sont avérées mortelles.

Quelles que soient les mérites personnels de Salvaing et Schneider – qui furent largement loués par leurs collègues et amis, l’un comme très professionnel et l’autre comme mère dévouée, étroitement impliquée dans la vie des écoles municipales – les tentatives faites par de hauts responsables français pour exploiter ces meurtres en attisant un climat du tout sécuritaire sentent l’hypocrisie à plein nez.

Par leurs guerres en Syrie, au Pakistan, en Afghanistan et ailleurs, la France et les autres puissances de l'OTAN portent une immense responsabilité pour la création des conditions où l'attaque a été menée. De plus, les attentats de Paris, Bruxelles et maintenant Magnanville – où les membres de l’EI ont utilisé les méthodes employées par eux en Syrie depuis que l’OTAN y a lancé sa guerre en 2011 – sont eux-mêmes des rappels du caractère criminel de cette guerre.

Le choc et l'horreur qui se sont abattus sur Magnanville et toute la France après l'attaque de lundi donnent une idée de l'impact, bien plus grand, que la guerre de l'OTAN a eu sur la Syrie: les centaines d’attentats et de raids des « rebelles » islamistes soutenus par l' OTAN y ont déclenché une guerre où plus de 250.000 personnes ont perdu la vie et plus de 10 millions contraints de fuir leurs foyers.

(Article paru en anglais le 15 juin 2016)

 

 

 

 

 

 

 

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