Unidos Podemos devant le Parti socialiste dans la campagne électorale espagnole

Les élections de décembre 2015 ayant produit un parlement sans majorité, incapable de former un gouvernement, une nouvelle campagne est en cours pour des élections législatives le 26 juin. Les sondages donnent le Parti populaire au pouvoir gagnant, le parti pseudo de gauche Unidos Podemos (UP) deuxième et le Parti socialiste (PSOE) troisième, loin derrière. 

Selon un sondage Metroscopia, si les élections avaient lieu aujourd'hui, le PP obtiendrait 28,5 pour cent des voix, UP 25,6 pour cent et le PSOE 20,2 pour cent. Aux élections du 20 décembre, le PP avait obtenu 28,7 pour cent des voix, le PSOE 22 pour cent et Podemos 20,7 pour cent. 

Les derniers sondages confirment l'échec historique du système bipartite ayant dominé la politique espagnole depuis la fin de la dictature fasciste en 1978. Les élections de décembre avaient produit, fait sans précédent, un parlement sans majorité et un effondrement du système bipartite, le PP et le PSOE perdant au total plus de 5 millions de voix et 83 sièges. 

Les élections représentaient un rejet de la politique d'austérité brutale poursuivie par le PSOE et le PP à tous les niveaux de gouvernement: coupes dans les services sociaux, les pensions et les salaires, renflouement des banques, réformes du marché du travail, privatisations et déréglementation. 

La crise économique mondiale et cette politique d'austérité vindicative ont produit un chômage de masse de 21,6 pour cent (47,7 pour cent chez les jeunes), 60 pour cent des chômeurs étant sans emploi depuis plus d'un an. La pauvreté et l'exclusion sociale sont passées de 10,4 millions de personnes en 2007 à 13,4 millions en 2014. 

Le bénéficiaire involontaire en est à court terme Podemos qui tente de canaliser l'opposition sociale derrière le PSOE. Comme son chef Pablo Iglesias, aux côtés du numéro deux du parti Íñigo Errejón et du chef de la Gauche unie (UI) dirigée par les staliniens, Alberto Garzón, l'a dit aux partisans de UP à Madrid au début de la campagne: « Il est très probable que nous devrons prendre des responsabilités très importantes... Nous allons leur tendre la main [au PSOE] pour diriger un gouvernement de changement ». 

Iglesias a déclaré que l'alliance entre Podemos et l'IU, Unidos Podemos, était la « nouvelle social-démocratie ».

« Ce que nous voulons, » a dit Iglesias, « c'est nous positionner comme modèle d’alternative d’une société qui a été dirigée depuis de nombreuses années par la social-démocratie contre la politique d'austérité du PP ». 

Une telle remarque en dit long sur le programme de l'alliance Unidos Podemos. Le PSOE a imposé les premières coupes dans les dépenses et les salaires publics et les « réformes » du code du travail et des retraites après la crise de 2008, établissant les grandes lignes de la politique menée plus tard par les gouvernements PP. Avec le PP, il a adopté la réforme constitutionnelle qui privilégie le remboursement de la dette sur les autres dépenses, inscrivant dans la constitution le cadre d’une austérité sans fin. 

Le PSOE a été le principal instrument du régime capitaliste en Espagne depuis la fin du régime franquiste; il fut au pouvoir 22 ans sur 38. Il a dirigé la déréglementation et les privatisations, l'entrée de l'Espagne dans l'UE, l’euro et l'OTAN. Il a soutenu la guerre en Libye en 2011, l'occupation de l'Afghanistan et le nouvel accord de défense bilatéral permettant l'utilisation permanente par l’armée américaine de bases en Espagne, partie intégrante des plans du Pentagone pour une guerre offensive contre les puissances nucléaires Chine et Russie. 

La tentative de Podemos de vanter l'héritage du PSOE et de la social-démocratie européenne, remontant à une époque où celle-ci n'était pas encore totalement discréditée, témoigne de sa profonde hostilité envers la classe ouvrière. Il est en train de se débarrasser rapidement des propositions limitées de changement qui figuraient dans ses programmes précédents, affirmant qu’il y avait eu « beaucoup de changements dans l'économie espagnole et pour cette raison, nous avons mis à jour nos propositions économiques ». 

Le principal objectif de ses propositions est de répandre des illusions dans l'UE. Alors que celle-ci menace d'imposer plusieurs milliards d'euros d'amende à l'Espagne si elle ne sabre pas les dépenses publiques, Podemos promet qu'il peut négocier avec l'UE une réduction du déficit tout en augmentant les dépenses publiques de 60 milliards d'euros – en baisse sur sa promesse antérieure de 90 milliards d'euros. 

Sur la crise des réfugiés, il propose de permettre des demandes d'asile dans les ambassades et consulats d'Espagne et la création d'une Agence européenne de sauvetage. La même UE dont la politique, criminelle, est de ne pas secourir les migrants qui se noient en Méditerranée et de fermer hermétiquement les frontières, coûtant la vie à des milliers de réfugiés, ferait donc soudainement un virage à 180 degrés. 

Mais ces propositions ne servent qu’à contenter le public; comme l'ont confirmé à divers journaux des sources internes de Podemos, ce programme en cours de préparation doit être mis sur la table pour négocier la formation d'un gouvernement avec le PSOE. Autrement dit, une fois que ce programme leur aura donné une apparence fallacieuse « de gauche », on se débarrassera de tout ce qui est inacceptable à la politique d'austérité du PSOE. 

Après les élections du 20 décembre, Podemos avait par deux fois fait des concessions pour former un gouvernement avec le PSOE. La principale différence entre les deux partis concernerait la Catalogne où Podemos propose d'organiser un référendum sur l'indépendance. 

Pour finir, le PSOE s'était tourné vers le parti droitier Citoyens pour former un gouvernement, initiative qui par deux fois n’avait pas obtenu un soutien suffisant au parlement. Après avoir hésité sur la question, Podemos avait refusé de se joindre à une coalition PSOE-Citoyens, craignant que cela démasquerait totalement sa prétention d’être une alternative à l'austérité. Le parti a alors intensifié ses appels au PSOE et organisé un référendum interne sur un soutien à un gouvernement PSOE-Citoyens.

La nouvelle social-démocratie de Podemos est tout aussi pourrie que la vieille. Il est clair qu'aucun des problèmes sociaux et politiques auxquels sont confrontés les travailleurs et les jeunes ne sera résolu par un gouvernement Unidos Podemos-PSOE.

Au contraire, on trouvera comme en Grèce où le gouvernement pseudo de gauche Syriza a renié sa promesse de mettre fin à l'austérité et imposé de sévères coupes sociales, que l'opposition croissante de la classe ouvrière à l'austérité ne pourra s'exprimer qu'en dehors de l'establishment politique. 

(Article paru d’abord en anglais le 18 juin 2016)

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