Allemagne: propagande de guerre de Die Linke et des Verts après l’attentat de Nice

Il y a quelques jours, le World Socialist Web Site écrivait qu’une coalition du Parti social-démocrate, de Die Linke et des Verts en Allemagne « ne serait en rien plus progressiste que le gouvernement droitier actuel ». Une telle coalition « rouge-rouge-verte » défendrait tout aussi agressivement les intérêts de la politique étrangère de l’impérialisme allemand . La réaction immédiate de Die Linke et des Verts au terrible attentat de Nice le 14 juillet confirme cette évaluation.

Le sang des nombreuses victimes de cette tuerie n’avait pas encore séché et l'origine de l’attentat était loin d’être élucidée que Daniel Cohn-Bendit (les Verts) et Gregor Gysi (Die Linke) réclamaient déjà au matin du 15 juillet, à la station de radio Deutschlandfunk, un renforcement de l’intervention militaire au Moyen-Orient.

Cohn-Bendit a dit: « Tant que l’Etat islamique n’est pas vaincu en Syrie et en Irak et que la ville de Raqqa n’est pas prise, la machine de propagande de l’Etat islamique et l’attraction de ce terrorisme continuera. C’est ce qu’il faut absolument piger [sic] maintenant. Cette question ne peut pas simplement être résolue en France. »

A la question de savoir s’il soutenait les actions du président Hollande qui, le soir de l’attaque avait déclaré accroître l’engagement militaire français en Syrie et en Irak, Cohn-Bendit a répondu : « Oui, et pas seulement des Français! Tout le monde doit s’y mettre. Les Allemands doivent y participer, tout le monde doit y participer. C’est tout simplement un terrorisme inconcevable. J’appelle cela du fascisme islamique. Ce n’est pas l’islam; c’est une excroissance, comme le national-socialisme était une excroissance ou le produit d’une certaine tradition européenne ou venait d'elle. C'est un fascisme issu de cette tradition, qui doit être détruit et tout le monde doit s’y mettre. »

Cohn-Bendit qui était devenu le porte-parole de la révolte étudiante à Paris en 1968, incarne la transformation d’une couche d'anciens petits-bourgeois radicaux en fauteurs de guerre enragés. Tout comme son compagnon de route de longue date, l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer, qui avait justifié la participation de l’Allemagne à la guerre du Kosovo au cri de « Plus jamais Auschwitz, » il s’est spécialisé dans la justification de guerres pour les matières premières et les intérêts géopolitiques en recourant à une phraséologie humanitaire et en apparence de gauche.

Gysi, chef de file de longue date de Die Linke au Bundestag (parlement), interviewé par Deutschlandfunk quelques minutes après Cohn-Bendit, n’a pas voulu être en reste face au va-t-en-guerre vert. Suite aux « bombes en France » et à l'attentat au camion, « nous devons maintenant concentrer nos efforts sur l’élimination de l’Etat islamique » a-t-il dit.

Il importait de fixer les « priorités » et de régler les « questions » là-bas, a-t-il dit. Les différents pays devaient à cette fin « se coordonner et dire: que pouvons-nous faire en commun pour d'abord enrayer la croissance, puis combattre efficacement l’Etat islamique. »

Gysi a proposé d’agir d'abord ensemble avec la Russie contre l’Etat islamique et ensuite éventuellement contre le régime Assad à Damas. Il a dit, « La première chose qu’il nous faut c’est une entente entre les Etats-Unis et la Russie. Mais nous imposons des sanctions à la Russie au lieu de dire, eh bien, mettons ensemble le problème avec Assad en veilleuse et réfléchissons ensemble à comment éliminer l’Etat islamique. »

Gysi a appelé le « pacte militaire » entre la Russie et les Etats-Unis dans la lutte contre l’EI et al-Qaïda (sur lequel il y a des spéculations en ce moment) et la mise en place d’un « éventuel centre commun de commandement et de contrôle pour des bombardements et d'autres mesures de planification », un « pas dans la bonne direction, si en plus le Conseil de sécurité est impliqué. »

D’après Gysi, il n’existe qu’« une seule solution » en Syrie: « La Russie et les Etats-Unis doivent parvenir à un accord qui sera ensuite appliqué par le biais du Conseil de sécurité et aussi mis en œuvre contre la volonté des gouvernements turc, saoudien ou iranien. Autrement cela ne fonctionnera pas. »

Gysi et Die Linke parlent pour les représentants de l’impérialisme allemand qui insistent sur une politique étrangère et militaire allemande plus indépendante des Etats-Unis et qui visent (du moins actuellement) une coopération politique et économique plus étroite avec la Russie.

Durant l’interview, Gysi a dénoncé l’« annexion » de la Crimée par la Russie mais il a critiqué en même temps les sanctions imposées par les Etats-Unis et l’UE contre Moscou. Il a ensuite dit, « Dès le début, nous aurions dû agir comme médiateur dans l’intérêt de l’Ukraine et de la Russie et de l’Europe et de l’Allemagne et là, les Etats-Unis nous ont fait faire fausse route. Et parce que nous sommes malheureusement soumis au gouvernement américain, nous faisons toujours ce qu’il dit. Nous devons devenir un peu plus indépendants, je crois. »

(Article original paru le 18 juillet 2016)

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