Perspectives

Kerry soutient la campagne meurtrière anti-drogue de Duterte : « La vie des orientaux ne vaut pas grand-chose ».

Le ministre américain des affaires étrangères John Kerry a rencontré le président philippin Rodrigo Duterte le 30 juillet à Manille et a promis 32 millions de dollars pour financer la campagne antidrogue de Duterte, une opération qui implique des escadrons de la mort, des meurtres policiers et des camps de concentration. Depuis que Duterte a pris ses fonctions fin juin, plus de 500 personnes qualifiées de criminels ont été tuées par la police et des groupes d’autodéfense. 

Kerry a parcouru un long chemin depuis la période où il témoignait devant la Commission sénatoriale des relations étrangères en 1971 et dénonçait la conduite de l’armée américaine au Vietnam en termes d’indignation morale. Il avait alors dit que « nous nous contentions de regarder pendant que l’Amérique considérait que la vie des orientaux ne vaut pas grand-chose » [we watched while America placed a cheapness on the lives of Orientals]. 

Depuis longtemps Kerry a surmonté tous ces scrupules moraux, s’intégrant dans l’appareil du parti démocrate, se présentant sans succès à la présidence du pays au nom de ce parti, pour enfin devenir le visage diplomatique le plus important de l’impérialisme américain. C’est maintenant lui qui décide du prix au rabais que Washington met sur les vies humaines. 

Les 32 millions de dollars qu’il a distribué pour financer l’assassinat de Philippins pauvres sont destinés à obtenir le soutien de Manille pour le « pivot vers l’Asie » de Washington contre la Chine. 

Pour l’impérialisme américain, « la vie des Orientaux » a toujours valu peu de chose. William McKinley a acheté la colonie des Philippines à l’Espagne pour 20 millions de dollars en 1898. L’acte de vente a été écrit dans le sang de plus d’un million de Philippins qui ont été tués dans la guerre de conquête qui a marqué l’entrée des États-Unis sur la scène mondiale comme puissance impérialiste.

Depuis l’installation à la présidence de Ramon Magsaysay, savamment mis en place en 1953 par agent de la CIA Edward Lansdale (le prototype de l’agent Pyle dans le roman l’Américain bien tranquille de Graham Greene), jusqu’au soutien complet que Washington a donné au régime de loi martiale de Ferdinand Marcos, les États-Unis ont dominé leur ancienne colonie avec un contrôle presque total, la conservant comme un point d’appui dans la région Asie-Pacifique. 

Les États-Unis cherchent à maintenir leur domination hégémonique mondiale par des moyens militaires, en encerclant la Russie et la Chine et en attisant des tensions jusqu’à ce qu’elles arrivent au bord d’une nouvelle guerre mondiale. Sous le gouvernement philippin précédent, dirigé par Benigno Aquino, Manille a joué un rôle clé en agissant comme fer de lance du pivot américain dans la mer de Chine méridionale, en déposant une action en justice contre la Chine devant la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye et en signant un accord pour permettre aux forces américaines d’accéder sans limites à des bases dans le pays.

Le gouvernement Duterte nouvellement installé a été plus hésitant pour provoquer la Chine, dans l’espoir de tisser des liens économiques plus larges avec Pékin. 

Duterte est une figure fascisante, méprisant ouvertement de la vie humaine. Il a accordé l’impunité à la police et à l’armée et leur a demandé d’exterminer les « criminels ». Il a déclaré dans un discours qu’il quitterait ses fonctions avec la renommée d’un Idi Amin des Philippines, une référence au dictateur ougandais meurtrier de masse. 

Le gouvernement Obama a mis en place un modèle de financement et de soutien pour les forces d’extrême droite et fascistes dans le monde entier dans la poursuite des intérêts impérialistes américains. En 2013, il a soutenu le coup d’état militaire du général égyptien, le boucher Abdel Fattah el-Sissi. En 2014, il a soutenu un coup d’état mené par les fascistes en Ukraine dans le cadre de leur campagne contre Moscou. Il a armé le Front al-Nosra, la filiale d’Al-Qaïda en Syrie, en tant que force par procuration dans sa campagne pour renverser le président Bachar al-Assad. 

Le gouvernement Obama n’a aucun scrupule à financer le gouvernement meurtrier de Duterte s’il peut faciliter l’isolement économique, politique et militaire et la déstabilisation de la Chine. 

Duterte utilise à bon escient les fonds de Washington. Le nombre de personnes que la police et des milices tueraient par jour varie de quinze à vingt. Les personnes assassinées proviennent des couches les plus pauvres de la population, les habitants des bidonvilles et les travailleurs non-déclarés, qui habitent, par millions, aux marges et dans les interstices des villes des Philippines, en particulier Manille. 

Selon le New York Times, plus de 114 000 personnes, craignant d’être tuées dans la campagne antidrogue, se sont rendues à la police. Elles ont été entassées dans le système carcéral barbare du pays. 

The Independent britannique a publié un reportage photo le 31 juillet révélant les conditions dans ces prisons. Les cellules fétides, ainsi que les tribunaux ouverts et les cages d’escalier des prisons, sont si densément remplis qu’il n’y a pas de place pour respirer. Les élevages industriels de bétail ont de bien meilleures conditions que ces êtres humains. 

Duterte propose de réduire la surpopulation en construisant des camps de concentration. Il appelle à la construction d’installations de clôtures surélevées dans le centre de bases militaires dans tout le pays pour abriter ceux qu’il prétend n’être « plus utile à l’humanité ». Le financement initial qu’utilisera Duterte pour ces camps de concentration a été fourni par John Kerry. 

Le 2 août, le New York Times a affirmé que la répression de Duterte était « très populaire » parmi les Philippins. Comme preuve, il a cité un sondage d’opinion sur la fiabilité du nouveau président réalisé avant même sa prise de fonctions, ainsi que sa « victoire écrasante » dans les urnes. En vérité, Duterte a remporté la présidence dans une élection à un seul tour, recevant seulement 38 pour cent des voix. La base de soutien pour Duterte provient majoritairement de la petite bourgeoisie et des grandes entreprises. 

Le nouveau président a annoncé qu’il soutient le stationnement des forces américaines dans le pays, et depuis la visite de Kerry, il a commencé à augmenter sa rhétorique contre la Chine. Washington continuera de bon cœur à financer les escadrons de la mort de Duterte et les camps de concentration tant qu’il rentre dans les rangs contre la Chine. 

Dans les élections de 2016 des États-Unis, le Parti démocrate se présente comme le premier parti de l’impérialisme américain, dans l’intérêt duquel il continuera à promouvoir les gouvernements et des forces politiques d’extrême-droite à l’échelle internationale. Le danger représenté par le fascisant Donald Trump ne peut être opposé par un soutien pour le parti qui finance les escadrons de la mort de Rodrigo Duterte. Seule la lutte indépendante de la classe ouvrière aux États-Unis, aux Philippines et dans le monde entier, par un combat pour le socialisme, peut mettre fin à la guerre et à la menace croissante du fascisme. 

(Article paru en anglais le 4 août 2016)

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